
Par Larry Johnson, le 14 décembre 2025
Je me doute que cela va en contrarier certains, mais tant pis. Le sionisme chrétien est un mouvement théologique et politique principalement répandu chez les protestants évangéliques (en particulier aux États-Unis), affichant un soutien indéfectible à l'État d'Israël et au droit du peuple juif à exister sur la terre biblique. Ses croyances sont ancrées dans une interprétation spécifique de la Bible, appelée "dispensationalisme prémillénariste", et considèrent les prophéties bibliques dans leur sens littéral et toujours applicables aujourd'hui.
Les sionistes chrétiens (ou CZ) considèrent l'alliance de Dieu avec Abraham et ses descendants (le peuple juif) comme éternelle et inconditionnelle. Les CZ s'appuient sur deux passages de l'Ancien Testament / Pentateuque pour justifier leur glorification de l'État moderne d'Israël :
Genèse 12:3 : "Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront". Genèse 17:8 : Dieu promet la terre de Canaan "à toi et à ta descendance.. pour l'éternité".
Les sionistes chrétiens soutiennent Israël parce qu'ils croient que la Bible promet littéralement au peuple juif un pacte éternel avec la terre, que l'Israël moderne accomplit une ancienne prophétie et que le soutien à Israël rapproche les croyants du dessein divin pour la fin des temps, et leur apporte la bénédiction céleste. C'est cette conviction théologique qui anime à la fois la solidarité spirituelle et le militantisme politique.
Mais cette interprétation soulève plusieurs problématiques. Commençons par les pratiques polygames d'Abraham. Les promesses initiales faites à Abraham dans la Genèse (par exemple, Genèse 12:1-3, 15:18) sont assez vagues, évoquant la bénédiction de la "descendance" ou de la "postérité" (zera en hébreu) d'Abraham sans nommer d'enfant spécifique. Abraham a eu huit fils au total : Ismaël (avec Agar), Isaac (avec Sarah) et six autres (Zimran, Jokshan, Medan, Madian, Ishbak, Shuah) avec Ketura (Genèse 25:1-6). Si Abraham était vivant aujourd'hui, il s'intégrerait parfaitement dans certaines communautés de retraités de Floride, réputées pour l'activité sexuelle débridée de leurs citoyens seniors.
Alors pourquoi les CZ supposent-ils que la promesse de Dieu à Abraham ne s'applique qu'à Isaac et non aux sept autres descendants ? Je maintiens qu'il s'agit là d'un parti pris de l'auteur. La vision traditionnelle juive (et largement chrétienne) attribue l'ensemble de la Torah, y compris les cinq premiers livres (de la Genèse au Deutéronome), à Moïse lui-même, vers le XIIIe-XVe siècle avant notre ère, comme une révélation divine reçue au Sinaï et consignée par écrit par Moïse. AUCUNE preuve archéologique ne vient étayer cette affirmation.
Les études bibliques modernes (le consensus parmi les universitaires non traditionalistes) rejettent la paternité totale de Moïse. Au contraire, l'hypothèse documentaire (ou ses variantes) soutient que le Pentateuque a été composé à partir de multiples sources au cours des siècles :
J (Yahwiste) et E (Elohiste) : pré-exiliques, Xe-VIIIe siècles avant notre ère. D (déuteronomiste) : fondement du Deutéronome, souvent daté du VIIe siècle avant notre ère (règne de Josias, « découverte » du livre de la loi vers 622 avant notre ère). P (sacerdotal) : exil ou post-exil, VIe-Ve siècles avant notre ère.
La rédaction/compilation finale sous sa forme actuelle date généralement de la période perse (Ve-IVe siècles av. J.-C.), pendant ou après l'exil babylonien (586-539 av. J.-C.), lorsque les chefs juifs de retour (par exemple, Esdras) ont retravaillé le texte afin de réunifier la communauté. Ceux qui ont compilé les traditions orales pour former ce qui est devenu le Pentateuque représentaient une branche mineure des descendants d'Abraham, issus d'Isaac.
Pour bien comprendre les auteurs des cinq premiers livres de l'Ancien Testament, un peu d'histoire s'impose. Entre 597 et 582 av. J.-C., les Babyloniens (sous Nabuchodonosor II) ont vaincu et déporté les habitants du royaume de Juda (le royaume du sud). Cet événement est communément appelé « captivité ou exil babylonien ».
Le royaume du Nord d'Israël (composé des dix autres tribus : Ruben, Siméon, Dan, Nephthali, Gad, Asher, Issachar, Zabulon, Éphraïm et Manassé) a été conquis et ses habitants exilés bien plus tôt, en 722 av. J.-C., par les Assyriens. On les nomme souvent les « dix tribus perdues ». Les Babyloniens n'ont pas déporté les dix tribus du nord, car elles s'étaient déjà dispersées plusieurs siècles auparavant.
Après la conquête assyrienne, certains membres des tribus du nord ont migré vers le sud, vers le royaume de Juda (comme le mentionne le deuxième livre des Chroniques), et seuls un petit nombre d'entre eux ont peut-être fait partie des exilés babyloniens. Cependant, la captivité n'a concerné que le peuple de Juda (c'est-à-dire la population du royaume du sud, dominée par les tribus de Juda, Benjamin et Lévi). Pour être clair... 75 % des descendants d'Isaac et de Jacob se sont dissous dans la nuit des temps.
Ainsi, les érudits ne représentant que trois des douze tribus d'Israël se sont retrouvés à Babylone, avec pour toute occupation la compilation des récits et des traditions orales ainsi que des textes ayant survécu à la marche vers Babylone. Ils se sont alors imposés comme les artisans du judaïsme tel qu'on le connaît aujourd'hui. C'est ce que j'entends par "partialité de l'auteur". Les descendants d'Ismaël, les Arabes d'aujourd'hui, ont dû attendre environ mille ans avant de pouvoir faire entendre leur voix avec la rédaction du Coran.
Mais voici le plus étonnant : les Palestiniens partagent davantage de marqueurs génétiques avec les populations autochtones de ce qui est aujourd'hui l'État d'Israël qu'avec les Juifs européens (ou ashkénazes). Les Juifs ashkénazes et les Palestiniens partagent un héritage génétique substantiel ancré dans l'ancien Levant (l'actuelle région d'Israël/Palestine), reflet d'une ascendance commune remontant à l'âge de bronze et à l'âge de fer, issue des populations cananéennes, philistines et des premiers Israélites. Les études d'ADN autosomique montrent que les deux groupes sont étroitement liés aux anciens échantillons du Levant. Les haplotypes du chromosome Y indiquent une similitude d'environ 70 % entre les hommes juifs (y compris les Ashkénazes) et les musulmans palestiniens, suggérant ainsi des origines patrilinéaires communes. Les Palestiniens présentent souvent un degré de continuité génétique plus élevé avec les populations du Levant de l'âge du fer (par exemple, une correspondance d'environ 60 à 80 %), tandis que les Juifs ashkénazes affichent environ 50 % d'ascendance levantine, reflet d'une ascendance régionale commune perturbée par les migrations et les brassages historiques. Actuellement, environ 30 % des habitants juifs d'Israël s'identifient comme ashkénazes.
Les Juifs ashkénazes présentent environ 35 à 50 % de métissage sud/ouest-européen (provenant des conversions et des mariages mixtes médiévaux en Italie, en Allemagne et en Europe de l'Est), et environ 10 à 20 % de métissage est-européen, diluant ainsi leur héritage levantin par rapport aux Palestiniens, qui présentent un héritage arabe/bédouin plus important (environ 20 à 30 %) en raison des expansions islamiques postérieures au VIIe siècle, mais conservent des attaches plus fortes avec les populations anciennes locales. L'ADN mitochondrial (lignées maternelles) des Juifs ashkénazes est principalement européen (environ 80 %), tandis que celui des Palestiniens est principalement levantin/arabe. Dans l'ensemble, les deux groupes sont génétiquement plus proches l'un de l'autre que de la plupart des autres populations, ce qui confirme leurs racines communes anciennes malgré des siècles d'éloignement. L'élément clé à retenir est que les Palestiniens ont un lien biologique plus fort avec la Palestine et Israël que les Ashkénazes, tels que Benjamin Netanyahu.
Viennent ensuite les Mizrahim. Les Juifs mizrahim (issus des communautés du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, telles que l'Irak, le Yémen, l'Iran et la Syrie) et les Palestiniens présentent des affinités génétiques encore plus fortes que les Juifs ashkénazes et les Palestiniens, reflet de leurs origines communes dans l'ancien Levant, en l'absence du métissage important avec la diaspora européenne observé chez les populations ashkénazes. Des études sur l'ADN autosomique (par exemple, celles de 2023 réalisées par Agranat-Tamir et al. dans Cell et celles de 2024 publiées dans Nature Communications) montrent que les deux groupes tirent environ 70 à 90 % de leur ascendance des peuples levantins de l'âge du bronze et de l'âge du fer (Cananéens, Phéniciens, premiers Israélites), les Palestiniens affichant souvent la plus grande continuité (correspondance d'environ 80 à 95 % avec des échantillons anciens provenant de sites tels que Megiddo). Les Juifs mizrahim s'apparentent étroitement aux Palestiniens dans les analyses en composantes principales, partageant environ 75 à 85 % de composantes levantines, avec un métissage externe minimal (environ 5 à 15 % provenant de la péninsule arabique ou de sources perses), qui les rend génétiquement indiscernables des populations juives pré-exiliques sur de nombreux marqueurs.
En réalité, les Palestiniens et les Arabes sont génétiquement sémites, car ils descendent principalement d'anciennes populations sémitiques levantines, telles que les Cananéens, et sont fortement liés à d'autres groupes sémitiques, comme les Juifs. Ce à quoi nous assistons avec le génocide à Gaza est une vendetta entre cousins.
La revendication des CZ selon laquelle Israël serait l'accomplissement d'une prophétie ne repose toutefois que sur les 23 % d'habitants juifs d'Israël qui se disent religieux, autrement dit qui adhèrent à la vision traditionnelle selon laquelle Moïse aurait écrit le Pentateuque. Les 77 % restants sont des laïcs qui ne considèrent pas l'Ancien Testament comme l'expression de la parole divine. Autrement dit, ils ne croient pas qu'un Dieu ait promis à Abraham que ses descendants seraient les seuls à peupler la Judée et la Samarie (ou la Cisjordanie).
Ces faits révèlent l'ignorance crasse des CZ et des politiciens qui les soutiennent quant à la signification du terme "antisémite". Si vous détestez les Arabes ou les Palestiniens, vous êtes antisémite. L'antisémitisme, malgré les efforts frénétiques des suprémacistes ethniques juifs pour en faire un label exclusif de la haine des Juifs, ne consiste pas à être anti-juif. Il s'applique également à ceux qui détestent les Palestiniens et les Arabes.
Bien... Que le débat commence ! Nul doute que ce sujet suscitera quelques commentaires.
Voici ma conversation de mercredi soir avec Pascal Lottaz, de Neutrality Studies. Vous y trouverez également le lien vers la récente conversation entre Jimmy Dore et Candace Owens :
Traduit par Spirit of Free Speech
