
Par Jeremy Scahill, le 5 octobre 2025
Alors que Trump salue la réponse du Hamas au plan pour Gaza, lui et Israël se livrent à une manœuvre trompeuse.
Cette semaine, alors que les négociateurs palestiniens menés par le Hamas se réunissaient à Doha, au Qatar, pour élaborer leur réponse au plan en 20 points du président Donald Trump pour un cessez-le-feu à Gaza, ils savaient qu'ils se trouvaient à un tournant décisif. Trump a présenté son plan, dévoilé lundi à la Maison Blanche, comme un ultimatum, et lui-même ainsi que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ont déclaré que si le Hamas rejette l'accord, Israël intensifiera sa guerre d'extermination.
D'une part, la proposition de Trump contient une série de conditions pour mettre fin à la guerre qui correspondent étroitement au cadre accepté par le Hamas quelques semaines plus tôt : un échange de prisonniers, un cessez-le-feu, la reprise de l'entrée de produits de première nécessité et de l'aide humanitaire à Gaza, et le retrait des forces israéliennes. Si les conditions énoncées dans le plan de Trump sont vagues, la structure de base pour mettre fin à la guerre à Gaza est bien là.
D'autre part, le plan contient des propositions radicales qui, si elles sont mises en œuvre, auront de graves implications, non seulement pour Gaza, mais aussi pour l'avenir d'un État palestinien unifié. Il prévoit notamment le déploiement de troupes étrangères et la création d'un conseil international, dirigé par Trump et l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, chargé de géré efficacement les affaires de Gaza. Il valide la possibilité d'une présence militaire israélienne à long terme à Gaza et du désarmement total des Palestiniens, supprimant ainsi leur droit de résister à l'occupation israélienne. Selon le plan de Trump, les Palestiniens doivent renoncer à leur lutte pour la libération et se soumettre à l'asservissement.
Selon plusieurs sources participant aux discussions, un large consensus s'est dégagé parmi un large éventail de factions et de partis palestiniens sur le fait que le Hamas et le Jihad islamique palestinien ont le pouvoir de négocier la fin de la guerre active à Gaza. Il a également été convenu que le Hamas n'a pas à lui seul le mandat de négocier des conditions qui auraient un impact sur ce que les négociateurs ont appelé les questions liées à la patrie palestinienne.
"Concernant les factions de la résistance, notre compétence porte sur l'échange de prisonniers en échange de l'arrêt de l'agression, du retrait, de l'entrée de l'aide et de l'arrêt de la politique de déplacement de notre peuple",
a déclaré Mohammed Al-Hindi, négociateur politique en chef du Jihad islamique palestinien, dans une interview accordée à Drop Site.
"Quant aux questions nationales, les factions de la résistance ne sont pas autorisées à s'exprimer en leur seul nom, car elles concernent toutes les factions et toutes les entités du peuple palestinien, où qu'elles soient".
Le défi pour les négociateurs consiste à proposer une réponse à Trump qui affirme le droit des Palestiniens à l'autodétermination, tout en convainquant le président américain capricieux de contraindre Israël à mettre fin à sa guerre génocidaire.
Lors des précédentes négociations de cessez-le-feu, les propositions du Hamas visant à modifier les conditions imposées par Israël et les États-Unis ont donné lieu à de fausses allégations selon lesquelles le Hamas aurait rejeté l'accord, entraînant de nouvelles attaques génocidaires. Les négociateurs palestiniens savaient que toute proposition de modification ou toute perception de rejet des conditions de Trump les exposerait à la reprise de ce cycle infernal. Mais cette fois, les intérêts en jeu sont différents.
Un défi de taille
Lors de l'annonce de son plan, lundi, Trump l'a salué comme
"potentiellement l'un des plus grands jours de l'histoire de la civilisation" et a affirmé que sa proposition apportera "une paix éternelle au Moyen-Orient".
Il a affirmé à plusieurs reprises que pratiquement tous les pays arabes et musulmans approuvent son plan. Ce n'est pas tout à fait exact, car les projets fournis à ces pays avant l'annonce de la Maison Blanche ont été considérablement modifiés par Israël avant leur diffusion.
Pourtant, les responsables de ces nations musulmanes, notamment ceux du Qatar et de l'Égypte, médiateurs régionaux du cessez-le-feu, n'ont évoqué cette tromperie orchestrée par Trump qu'en termes diplomatiques, préférant jouer le jeu dans l'espoir de conclure un accord. Ils ont tous félicité Trump pour son initiative et souligné son rôle clé dans la perspective d'un accord de paix.
Depuis l'élection de Trump, les responsables du Hamas ont déclaré que la seule chance de mettre fin au génocide israélien est entre ses mains. Immédiatement après la publication du plan en 20 points, les dirigeants palestiniens de tous bords politiques l'ont publiquement dénoncé comme un ordre de capitulation et une tentative de recours à la diplomatie pour écraser la résistance palestinienne, alors que deux ans d'assaut militaire israélien ont échoué à atteindre cet objectif.
Un haut responsable du Hamas a déclaré à Drop Site que les dirigeants du groupe savent que
"cette proposition n'a pas été conçue pour mettre fin à la guerre. C'est soit la capitulation totale, soit la poursuite de la guerre. À prendre ou à laisser".Ils la jugent "catastrophique à court et à long terme pour la résistance et pour toute la cause palestinienne".
Cependant, sur le plan stratégique, les responsables du Hamas et d'autres dirigeants palestiniens savaient que rejeter en bloc l'offre de Trump serait désastreux. Le discours public les aurait inévitablement présentés comme des opposants à la paix, malgré l'approbation d'une large coalition de pays musulmans et arabes.
Au cours de la semaine, les négociateurs du Hamas ont fait circuler le texte proposé parmi les factions palestiniennes et l'ont remis aux commandants des Brigades al-Qassam ainsi qu'aux dirigeants politiques du Hamas à Gaza, selon deux sources impliquées dans le processus. Ils ont également tenu de longues réunions avec des responsables égyptiens, qataris et turcs.
En privé, certains de ces responsables ont confirmé avoir exprimé leur soutien à une version différente de celle rendue publique lundi par Trump. Ils ont déclaré aux négociateurs du Hamas qu'ils pressent Trump de revenir sur certaines des modifications apportées par Israël ou de les supprimer. Trump a autorisé Netanyahu et son principal conseiller, Ron Dermer, à apporter des modifications substantielles aux termes de l'accord, supprimant ou modifiant certains éléments que les "alliés" arabes et musulmans de Trump ont estimé devoir figurer dans le plan. Alors que les médiateurs de ces pays ont fait pression sur le Hamas pour qu'il accepte l'accord et l'ont mis en garde contre toute proposition d'amendement ou de rejet de termes spécifiques, des sources au sein de l'équipe de négociation palestinienne ont déclaré à Drop Site que, finalement, les médiateurs ont fait savoir aux négociateurs du Hamas que la décision finale leur appartient.
Lorsque Trump a annoncé vendredi accorder au Hamas jusqu'à dimanche 18 heures pour fournir sa réponse, les négociateurs palestiniens l'avaient déjà finalisée. Peu après, le texte a été remis aux médiateurs qatariens et égyptiens, qui l'ont immédiatement transmis à la Maison Blanche.
Il s'agit d'un pari stratégique : la réponse du Hamas n'est en aucun cas la validation inconditionnelle des conditions de Trump, mais le texte ne contient aucune formulation rejetant explicitement l'une d'entre elles. L'objectif est de trouver le juste équilibre en reconnaissant les mérites de Trump, en l'associant plus étroitement à une alliance diplomatique avec les nations arabes et musulmanes, et en faisant passer le message que le Hamas approuve l'essentiel du plan de Trump. Mais il fallait aussi préserver les droits des Palestiniens et surtout temporiser sur la plupart des conditions énoncées dans la proposition. L'objectif principal est d'obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza et de convaincre Trump de freiner la soif de sang de Netanyahou et d'entamer de véritables négociations.
Les responsables du Hamas savent ce que Trump veut entendre avant tout : un engagement sans ambiguïté à libérer tous les prisonniers israéliens restants et à se retirer du pouvoir à Gaza. Sur le principe, rien de plus simple. Le Hamas a en effet proposé à plusieurs reprises de conclure un accord "prisonniers contre prisonniers" durant le génocide, afin de libérer tous les prisonniers israéliens. Il a également déclaré à plusieurs reprises son intention de céder le pouvoir à Gaza à un comité technocratique indépendant composé de Palestiniens. Même si ces propositions ont été systématiquement rejetées ou ignorées par les États-Unis et Israël pendant des mois, les négociateurs du Hamas ont décidé de les placer au centre des pourparlers. Ils ont espéré que Trump serait prêt à saluer ces engagements comme une victoire personnelle et le résultat de ses exigences.
La déclaration précise que le Hamas
"renoncera à l'administration de la bande de Gaza au profit d'un organe palestinien indépendant (technocratique), sur la base d'un consensus national palestinien et avec le soutien des pays arabes et islamiques".
Moins d'une heure après que le Hamas a annoncé avoir transmis sa réponse à Trump, le président américain a surpris les négociateurs palestiniens en publiant son premier commentaire public sous la forme d'un message sur Truth Social.
"Sur la base de la déclaration publiée par le Hamas, il me semble qu'ils sont prêts pour une paix durable. Israël doit immédiatement cesser de bombarder Gaza afin que nous puissions libérer les otages rapidement et en toute sécurité ! Actuellement, c'est beaucoup trop dangereux. Nous discutons déjà des détails à régler. Il ne s'agit pas seulement de Gaza, mais de la paix tant attendue au Moyen-Orient", a-t-il écrit.
La Maison Blanche a ensuite publié, dans son intégralité et sans commentaire, sa propre traduction de la réponse du Hamas, y compris de sa caractérisation de la guerre d'Israël comme étant un "génocide". Le message a été supprimé peu après.
Le facteur Trump
Force est de constater que le Hamas a remporté une victoire diplomatique indéniable. La réaction initiale d'Israël à l'accueil favorable réservé par Trump à la déclaration du Hamas a été mesurée.
"Nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec le président et son équipe pour mettre fin à la guerre conformément aux principes établis par Israël, qui correspondent à la vision du président Trump",
a déclaré le bureau de Netanyahu dans un communiqué. Cependant, selon une source politique israélienne haut placée interrogée par la chaîne israélienne Channel 12, Netanyahu aurait discuté avec Trump avant que le président ne publie sa déclaration saluant la réponse du Hamas.
"Tout est planifié, rien n'est laissé au hasard", a déclaré la source. "Tout est prévu".
Selon Axios, cette version israélienne n'est pas conforme à la réalité. Trump a déclaré à Axios avoir dit à Netanyahu :
"Bibi, c'est votre chance de remporter la victoire". Un responsable américain, informé de cet appel, a déclaré que Netanyahu a répondu à Trump :
"Il n'y a rien à célébrer et cela ne veut rien dire". Trump lui a répondu : "Je ne comprends pas pourquoi tu es toujours aussi négatif. C'est une victoire. Accepte-la". Finalement, Trump a déclaré à Axios : "Il est d'accord. Il faut qu'il soit d'accord. Il n'a pas le choix. S'il veut travailler avec moi, il doit être d'accord".
Au cours des sept derniers mois, même lorsque les agendas de Trump et de Netanyahu semblaient diverger ou lorsque les médias ont relayé des informations faisant état de prétendus désaccords, les États-Unis et Israël sont rapidement parvenus à une position commune.
Le Hamas s'aventure désormais en terrain miné, alors que des négociations techniques commencent au Caire entre Israël, les États-Unis, l'Égypte et le Qatar. Une délégation israélienne sera dirigée par David Friedman, l'attaché de Netanyahu. Trump a dépêché son gendre, Jared Kushner, et l'envoyé spécial, Steve Witkoff, pour rappeler au Hamas qu'il doit
"faire vite, sinon tout sera compromis. Je ne tolérerai ni retard, ce que beaucoup jugent probable, ni aucun résultat qui ferait à nouveau de Gaza une menace", a écrit Trump samedi sur Truth Social. "Finissons-en, RAPIDEMENT. Tout le monde sera traité équitablement !"
Une délégation du Hamas, dirigée par son chef politique Khalil Al-Hayya, se rendra au Caire, mais les négociations devraient rester indirectes et se dérouler par l'intermédiaire de médiateurs. Selon une déclaration du ministère égyptien des Affaires étrangères, les pourparlers porteront sur
"les détails de l'échange de tous les détenus israéliens et prisonniers palestiniens, conformément à la proposition du président américain Donald Trump".
Si le Hamas a affirmé son engagement à libérer tous les otages israéliens, il a posé des conditions. La partie palestinienne a toujours soutenu que ces libérations doivent être liées à une feuille de route clairement définie pour mettre fin au génocide, au retrait des forces israéliennes de Gaza et à la reprise des approvisionnements en nourriture, en médicaments et en autres produits de première nécessité. Bien que tous ces éléments soient mentionnés dans le plan de Trump, les conditions sont loin de correspondre à ce que les Palestiniens ont précédemment déclaré accepter.
Si les États-Unis autorisent des négociations de fond, des débats intenses auront lieu sur les termes précis, les cartes de redéploiement et de retrait, ainsi que sur le mécanisme empêchant Israël de reprendre les hostilités.
Le 18 août, le Hamas a officiellement accepté un projet de cessez-le-feu égyptien et qatari, principalement rédigé par Witzkoff et Dermer. Ce projet comprenait des conditions minutieusement négociées pour le retrait israélien, des cartes de redéploiement et les modalités de distribution de l'aide. En acceptant ce cadre, le Hamas a fait des concessions substantielles. "Près de 98 % de ce qui a été convenu par les Israéliens figure dans cette récente proposition", a déclaré à l'époque le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar.
Israël n'a jamais officiellement répondu, les États-Unis ont ignoré la réponse du Hamas, puis, le 9 septembre, Israël a tenté, sans succès, d'assassiner l'équipe de négociateurs du Hamas, dont Al-Hayya, lors d'une série de frappes aériennes au Qatar. Si certains éléments de l'accord précédent ont été repris dans le nouveau plan de Trump, de nombreux détails négociés avec difficulté ont disparu, tandis que de nouvelles conditions contestées par le Hamas depuis toujours ont été ajoutées.
Le plan de Trump stipule que le retrait israélien sera
"lié à la démilitarisation, dans le but de garantir la sécurité de Gaza et d'empêcher qu'elle ne constitue une menace pour Israël".
Le Hamas continue de soutenir que la démilitarisation constitue une ligne rouge dont le franchissement équivaut à un renoncement aux droits des Palestiniens à la résistance armée contre l'occupation israélienne.
"Lorsqu'un État palestinien sera créé, il est tout à fait naturel que les armes de la résistance deviennent les armes de l'État, un État capable de protéger son peuple, son territoire et ses droits",
a déclaré vendredi soir Osama Hamdan, haut responsable du Hamas, dans une interview accordée à Al Araby TV pour expliquer la position du mouvement.
"Ce sont des questions nationales à aborder dans un cadre global".
Al-Hindi, responsable du Jihad islamique palestinien, a abondé dans ce sens, affirmant que le désarmement ne saurait être lié à la fin du génocide à Gaza, mais qu'il requiert la participation de toutes les factions et de toutes les voix palestiniennes. "Nous sommes encore dans une phase de libération nationale et nous n'avons pas encore accédé à nos droits ni à l'autodétermination", a-t-il déclaré à Drop Site.
La carte présentée par Israël diffusée lundi montre que les militaires israéliens sont toujours solidement implantés à Gaza, notamment dans le couloir de Philadelphie, le long de la frontière sud avec l'Égypte, et ce pour une durée indéterminée.
Une "zone tampon de sécurité" imposée par Israël "est censée perdurer jusqu'à ce que Gaza soit correctement protégée contre toute menace terroriste potentielle".
Le plan ne donne aucun détail sur la manière dont le démantèlement de la zone est envisagé.
Samedi, Trump a publié une nouvelle carte sur Truth Social, déclarant :
"Après de longues négociations, Israël a accepté la ligne de retrait initiale que nous avons présentée et partagée avec le Hamas. Lorsque le Hamas aura confirmé, le cessez-le-feu entrera IMMÉDIATEMENT en vigueur et l'échange d'otages et de prisonniers pourra commencer".
Les "négociations" auxquelles il fait référence n'incluent aucun Palestinien. Selon cette carte, Israël resterait encore plus implanté dans le territoire de Gaza que ce qui était indiqué sur la carte distribuée lundi avec le plan en 20 points de Trump.
Les premières mesures prises par les États-Unis et Israël après la réponse du Hamas au plan de Trump ont laissé entendre qu'il n'y aura pas de véritables négociations sur les conditions d'un échange de prisonniers, mais plutôt une série de directives données à la partie palestinienne. Selon eux, les seuls détails à régler concernent la localisation des corps des soldats israéliens, l'établissement de la liste des prisonniers palestiniens à libérer et la présentation au Hamas des cartes de redéploiement des troupes approuvées par Israël. Alors que Trump laisse entendre que le retrait initial des troupes israéliennes pourrait ouvrir la voie à "la prochaine phase du retrait", la résistance palestinienne devra avoir remis tous les prisonniers, abandonnant ainsi son seul moyen de pression.
"Les négociations s'apparentent plus ou moins à une dictée. Il s'agit d'une coordination, ou d'une collaboration, entre Trump et Netanyahou, ou entre Netanyahou et Witkoff et Kushner, ou plutôt du diktat de Netanyahou à Kushner et Witkoff. Et ensuite, ils disent : 'Voici le plan'",
a déclaré Sami Al-Arian, éminent universitaire et militant palestinien, à Drop Site.
"Les Américains, ou Trump en particulier, posent un ultimatum dans l'espoir qu'il sera accepté ou suivi par le Hamas. Le Hamas a déjà officiellement déclaré qu'il est prêt à négocier certains points du plan de Trump, et j'insiste sur le mot négocier, et non à se faire dicter sa conduite".
Tout au long des négociations de cessez-le-feu de l'année dernière, les négociateurs du Hamas ont exigé des garanties selon lesquelles, après la libération des prisonniers israéliens, Israël cessera immédiatement le génocide. Le plan de Trump n'offre aucun engagement de ce type et prévoit un retrait israélien des zones de Gaza uniquement si une force internationale y est déployée.
Même si la partie palestinienne parvient à obtenir des États-Unis, lors des pourparlers au Caire, l'engagement formel qu'ils empêcheront Israël de reprendre la guerre, l'histoire regorge d'exemples où les États-Unis ont soutenu Israël dans la violation de ces accords. Un autre facteur majeur qui explique pourquoi le Hamas et le Jihad islamique ont tracé une ligne rouge sur la question du désarmement.
"Après deux ans de crimes, de nettoyage ethnique et de politique de famine, Israël n'a pas atteint ses objectifs en bombardant et en agressant. Israël a également subi des préjudices à tous les niveaux, tant internes qu'externes, et ne dispose plus d'arguments pour justifier la poursuite de l'agression aux yeux du monde", a déclaré Al-Hindi. Si Israël reprend son offensive militaire sur Gaza, "le peuple palestinien aura les moyens de résister à l'agression".
Tout va dépendre de ce que Trump sera prêt à accepter
Alors que Trump annonce l'avènement d'une nouvelle ère, propice aux investissements et aux profits, Israël va chercher à tirer parti des négociations techniques sur les conditions du retrait et de l'échange de prisonniers. La partie palestinienne aborde cette phase des négociations avec l'objectif de lier le retrait à la remise des prisonniers. Israël souhaite que toute discussion sur le retrait soit liée à la reddition et au désarmement total du Hamas.
"Israël est responsable et impliqué dans la démilitarisation des armes dans la bande de Gaza", a déclaré M. Netanyahu.
Dans une allocution vidéo samedi, M. Netanyahu a affirmé qu'Israël est
"sur le point de réaliser un très grand exploit", ajoutant qu'il espère bientôt obtenir "le retour de tous les otages, vivants ou morts, en une fois, avec l'armée israélienne toujours implantée dans Gaza".
La chaîne publique israélienne Kan rapporte qu'Israël a l'intention de maintenir indéfiniment ses troupes dans trois zones principales de Gaza : la "zone tampon" encerclant Gaza, le couloir de Philadelphi le long de la frontière égyptienne, et certains mieux stratégiques dans le nord-est de Gaza.
M. Netanyahu a également déclaré considérer la libération des otages comme distincte de toute revendication palestinienne.
"Dans un deuxième temps, le Hamas sera désarmé et Gaza démilitarisée", a-t-il déclaré. "Cela se fera soit par la voie diplomatique, conformément au plan Trump, soit par la voie militaire, par nos soins".
Le facteur décisif est de savoir si les États-Unis sont prêts à forcer la main à Israël ou si Trump cautionnera les allégations israéliennes selon lesquelles le Hamas aurait rejeté l'accord lorsque ses négociateurs présenteront leur position sur les conditions spécifiques de libération des otages.
La marge de manœuvre en cas de rupture des négociations est donc considérable, un scénario que pourrait exploiter Israël pour faire échouer l'accord, reprendre l'assaut sur Gaza et en rejeter la responsabilité sur le Hamas. L'opération aurait pour conséquence de condamner les otages israéliens à la captivité indéfinie pendant que la guerre se poursuit, mais Netanyahu semble prêt à prendre ce risque pour mener à bien sa stratégie.
"Si les otages ne sont pas libérés avant la date limite fixée par le président Donald Trump, Israël reprendra les combats avec le soutien total de tous les pays concernés",
a déclaré Netanyahu dimanche.
Le plan de Trump contient toutefois certaines nuances sur la question du désarmement, indiquant que la Maison Blanche comprend que la partie palestinienne n'accepte pas d'ordre de reddition et ne déposera pas les armes sous la pression. Si la proposition stipule que
"toutes les infrastructures militaires, terroristes et offensives, y compris les tunnels et les sites de production d'armes, seront détruites et non reconstruites", elle précise également qu'"un processus de démilitarisation de Gaza sera mis en œuvre sous la supervision d'observateurs indépendants. Ce processus comprendra la mise hors service définitive des armes, grâce au démantèlement convenu, et sera soutenu par un programme de rachat et de réintégration financé par la communauté internationale, le tout vérifié par l'observateur indépendant".
La question du désarmement est en grande partie un faux débat. La résistance palestinienne repose en grande partie sur l'utilisation d'armes et de munitions artisanales, y compris de munitions israéliennes réutilisées à Gaza. Une grande partie de ses infrastructures de fabrication de roquettes a été endommagée ou détruite ces deux dernières années. L'opération du 7 octobre n'a pas été menée à bien avec des armes sophistiquées, principalement avec des armes légères. Netanyahu et d'autres responsables israéliens axent leur discours sur la question des armes pour justifier leur exigence de soumission des Palestiniens à la domination israélienne.
"Cette démarche est vouée à l'échec, car la résistance s'opposera catégoriquement par principe à toute forme de désarmement. Ils ne se laisseront donc pas entraîner dans ce type de négociations. Et cela pourrait également constituer le point de rupture entre les parties", a déclaré Al-Arian. "Même s'il insiste sur ce point, il sait désormais que cela ne fera pas l'objet de négociations".
Trump a parlé en termes grandiloquents de la portée historique de son plan et répète sans cesse qu'il ne se limite pas à Gaza. Il continue de souligner le potentiel "fantastique" du front de mer de Gaza pour de futurs projets immobiliers privés. Le Hamas et les autres factions palestiniennes ont clairement indiqué qu'ils ne concluront aucun accord précipité ayant des implications profondes pour l'avenir de l'autodétermination et de la création d'un État palestinien. Ils cherchent au contraire à adopter un ton diplomatique et à projeter une image de flexibilité et de pragmatisme.
"Tant que la question tourne autour de la volonté des deux parties de libérer des prisonniers, de cesser les hostilités et du retrait, il ne reste plus qu'à s'entendre sur les modalités", a déclaré Hamdan lors de l'interview accordée à Al Araby. "Nous n'avons pas besoin de longues négociations. Si les parties concernées sont de bonne foi et si la position positive du Hamas est accueillie avec le même niveau de réceptivité, alors un cessez-le-feu pourra être annoncé", a-t-il ajouté. "Le plan n'a aucune valeur sans garanties. C'est une question fondamentale, et c'est sur ce point que l'administration américaine doit travailler et communiquer avec les médiateurs. De telles garanties sont indispensables pour parvenir à un accord et instaurer la confiance des Palestiniens quant à sa faisabilité".
La réponse rapide et positive de Trump au Hamas, vendredi, fait peut-être partie d'un plan élaboré pour récupérer les otages israéliens, puis donner à Israël les moyens de poursuivre le génocide.
"Je crains qu'ils ne nous tendent un piège", a déclaré à Drop Site une source palestinienne proche des négociateurs. Et ces craintes sont fondées. Au début de l'année, Trump s'est engagé à ce qu'Israël mette fin au blocus et appelle à un cessez-le-feu permanent si le Hamas livrait le soldat américano-israélien Edan Alexander, mais il est revenu sur sa parole dès qu'Alexander est rentré aux États-Unis.
Bien que ce scénario doive être pris au sérieux, il provoquerait un séisme au sein des relations de Trump avec les États arabes, avec lesquels sa famille, notamment son gendre Jared Kushner, entretient de solides liens commerciaux. Cela compromettrait également ses projets de privatisation de Gaza et de signatures d'accords financiers colossaux.
Trump a également affirmé saisir cette occasion pour sauver Israël, de plus en plus isolé sur la scène internationale et désormais considéré comme un état paria.
"Bibi est allé trop loin et Israël a perdu de nombreux soutiens dans le monde. Je vais maintenant reconquérir tout ce soutien",
a déclaré Trump à Axios samedi.
Les ministres des Affaires étrangères du Qatar, de l'Égypte, de la Turquie, de la Jordanie, de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de l'Indonésie et du Pakistan ont réitéré dimanche leur engagement à soutenir la proposition de Donald Trump, mais ont également appelé à une série de conditions que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déjà rejetées, notamment "l'unification de Gaza et de la Cisjordanie".
Selon Al-Arian, directeur du Centre pour l'islam et les affaires mondiales à l'université Zaim d'Istanbul, les négociateurs palestiniens entament ces pourparlers en ayant parfaitement conscience que l'objectif d'Israël est d'éliminer toute résistance palestinienne et de maintenir son programme de nettoyage ethnique. Qu'un accord soit conclu ou non, a-t-il déclaré à Drop Site, les Palestiniens ne se rendront pas.
"Si Israël avait pu éliminer la résistance - le Hamas, le Jihad islamique et les autres - ces deux dernières années, il l'aurait déjà fait. Il n'a pas hésité à utiliser tous les moyens, à l'exception de la bombe nucléaire. Il a tout essayé, y compris la politique de famine, en ciblant les civils pour faire pression plutôt sur la résistance elle-même", a déclaré Al-Arian. "Mais le monde entier en a maintenant assez et veut que cela cesse. Trump essaie de récolter les lauriers d'une éventuelle victoire, pour pouvoir ensuite se vanter d'avoir remporté le Nobel de la paix. La vraie question aujourd'hui est de savoir quels arrangements il est prêt à accepter".
Traduit par Spirit of Free Speech