18/06/2024 mondialisation.ca  8min #250686

 Conférence sur l'Ukraine en Suisse : l'absence russe pointée du doigt

Le premier «sommet sur la paix» n'a pas amélioré la situation en Ukraine

Par  Philippe Rosenthal

Les principaux pays occidentaux ont envoyé leurs dirigeants au sommet sur la paix en Suisse concernant le conflit en Ukraine, mais le reste du monde s'est abstenu de le faire.

Les 15 et 16 juin, la Suisse, au Bürgenstock près de Lucerne, a accueilli le premier «sommet sur la paix» sur la question de la résolution du conflit en Ukraine. Des représentants de 91 États et de 8 organisations internationales étaient présentes. 92 États  étaient prévus.

La Russie n'a pas été invitée à la conférence dont elle, cependant, n'avait pas l'intention d'assister. La Chine a refusé de participer au sommet, notamment en raison de l'absence de la délégation russe. Et, le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a déclaré, avant le début du sommet, que le Kremlin «n'avait rien à transmettre» aux participants.

«Nous voulons nous réunir la prochaine fois pour un événement plus substantiel et plus prometteur», a-t-il déclaré.

Volodymyr Zelensky, dont la légitimité à la tête de l'État ukrainien est contestée par le Kremlin, a déclaré lors de la conférence de presse finale qu'un deuxième sommet similaire aurait lieu «non pas dans des années, mais dans des mois», sans préciser des détails. «Nous avons déjà des pays intéressés à accueillir le deuxième sommet sur la paix et nous avons entamé des négociations avec eux. Je suis convaincu que ce choix aura une signification mondiale. Je suis reconnaissant à tous ceux qui aident», 𝕏 a-t-il rajouté sur X.

Dans le but d'attirer à la réunion autant de participants du Sud global que possible, les organisateurs ont réduit au minimum l'éventail des questions abordées. Sur les dix points proposés par Kiev, il n'en restait que trois: les questions humanitaires, le nucléaire et la sécurité alimentaire.

Le document final leur était dédié. Il affirme que «parvenir à la paix nécessite un engagement et un dialogue entre toutes les parties» – sans toutefois mentionner directement la Russie. Les participants ont, également, convenu que la menace ou l'utilisation d'armes nucléaires est inacceptable et que la navigation commerciale libre et sûre est de la plus haute importance, tout comme l'accès aux ports maritimes de la mer Noire et de la mer d'Azov. Enfin, ils ont appelé à la libération des prisonniers de guerre par le biais d'un échange et au retour de tous les enfants ainsi que des civils détenus en Ukraine.

La présidente suisse, Viola Amherd, a admis qu'après les résultats du dernier forum, la question clé reste de savoir comment et quand la Russie pourra être incluse dans le processus de négociation. Selon le Neue Zürcher Zeitung, l'Arabie saoudite  est désormais considérée comme le candidat le plus probable pour accueillir le prochain «sommet de la paix», notamment en raison du désir d'un certain nombre d'États de voir des représentants russes au forum. Dans le même temps, Viola Amherd s'est déclarée prête à organiser un deuxième forum.

Le président américain, Joe Biden, a été l'un des premiers à comprendre la futilité de l'idée suisse. En conséquence, le chef de la Maison Blanche a envoyé la vice-présidente Kamala Harris en Suisse, alors qu'il rencontrait lui-même les sponsors de sa campagne électorale. Mais, Kamala Harris ne se sentait pas à sa place sur le sol suisse et, après le premier jour de la conférence, elle est retournée pour Washington, laissant la déclaration finale au conseiller présidentiel américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan.

El Comercio  a fait savoir qu'au dernier moment, le président colombien, Gustavo Petro, a refusé de se rendre en Suisse, alors que sa rencontre avec Zelensky avait été, auparavant, annoncée. Il a annoncé qu'il 𝕏 annulait sa participation au sommet sur la paix, estimant que «ce scénario alimenterait la guerre entre l'Ukraine et la Russie, et non la recherche de la paix». Il ne faut pas oublier que seul le président ukrainien était invité à cet événement.

Au lieu de l'unanimité souhaitée et de la condamnation de Moscou sur laquelle Kiev comptait, il n'a pas été possible de faire taire ceux qui ne sont pas d'accord avec le président ukrainien. Volodymyr Zelensky a dû écouter beaucoup de choses désagréables.

Par exemple, le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a qualifié les propositions avancées par Vladimir Poutine sur l'Ukraine de «mesures importantes et d'une lueur d'espoir». Selon Hakan Fidan, une conférence en Suisse  serait bien plus utile avec la participation de représentants de Moscou. Le chef du ministère saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan Al Saud,  a déclaré qu'un processus de paix sérieux en Ukraine «nécessitera des compromis difficiles».

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, qui s'est prononcé lors de la conférence contre un cessez-le-feu immédiat et les propositions de paix russes, n'a pas mentionné que le groupe de défense allemand Rheinmetall avait déjà annoncé que ses ventes provenant de commandes en provenance d'Ukraine  augmenteraient cette année de 40% par rapport à l'année dernière. En outre, une nouvelle croissance des ventes est prévue au moins dans les prochaines années «pour protéger les valeurs démocratiques épris de liberté et assurer la paix». Et, Olaf Scholz devra désormais tenir compte de ces projets de l'industrie de défense allemande.

Lorsque le président français, Emmanuel Macron,  déclare à La Tribune de Genève que tout le monde souhaite «le rétablissement de l'ordre international», il se trompe. La majorité des membres de l'ONU rejettent catégoriquement le vieil «ordre mondial» occidental, fondé sur les règles américaines. Et, Emmanuel Macron devrait en être clairement conscient à la lumière de la situation en Afrique où les autorités locales expulsent sans regret les militaires français des anciennes colonies.

«Plutôt que d'unir les alliés, la tournée mondiale de Volodymyr Zelensky a mis en évidence leurs différences»,  note avec frustration le Wall Street Journal.

Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky affirme que le «plan d'action» pour l'Ukraine adopté à l'issue de la conférence en Suisse sera communiqué à la Russie avant le deuxième sommet. Mais, ce qui est étrange, c'est que personne n'a officiellement adopté de «plan d'action» en Suisse, et la réunion sur l'Ukraine au «format suisse» est peut-être le premier et le dernier événement de ce genre en raison de son manque de sens.

Ainsi, Le Monde  souligne que le document final de la conférence a été soutenu par 79 pays et quatre organisations. Parmi ceux, qui ont refusé de le faire, figurent l'Arménie, l'Inde, l'Arabie saoudite, la Slovaquie, l'Afrique du Sud, les Émirats arabes unis, Bahreïn, l'Indonésie, la Thaïlande, le Suriname, la Libye et le Mexique. Le Brésil s'est, d'abord, positionné uniquement comme observateur en la personne de l'ambassadrice en Suisse, Claudia Fonseca Busi, tout comme le Vatican et le secrétaire d'État, Pietro Parolin.

Mais, dans le même temps, un certain nombre de pays, entretenant des relations de travail avec la Russie ont approuvé le document final, par exemple, la Serbie, la Hongrie et la Turquie, ainsi que la Moldavie. Il est intéressant de noter que la présidente du Kosovo, partiellement reconnu, Vjosa Osmani, a, également, participé au sommet et que Volodymyr Zelensky lui a serré la main, même si l'Ukraine ne reconnaît pas cette région serbe comme un pays indépendant. «Paraphée par 79 Etats, la déclaration finale ne l'aura donc été par aucun des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)», martèle, encore, Le Monde.

Les participants au «sommet sur la paix» en l'Ukraine qui s'est tenue au Bürgenstock en Suisse les 15 et 16 juin n'ont, donc, pas réussi à faire des progrès significatifs sur la paix dans le conflit.

Selon le quotidien français, les organisateurs du sommet ont présenté un communiqué final «faible et peu contraignant».  Le texte du document ne mentionne aucun progrès ou «premiers pas vers la paix en Ukraine. Il – selon Le Monde – ne se réfère qu'à des idées bien connues concernant «les principes de souveraineté, d'indépendance et d'intégrité territoriale de tous les États, y compris l'Ukraine».

Le Monde note que même les pays qui auraient dû signer le document, en raison de la position «modérée» sur le conflit en Ukraine qui y est exprimée, ne l'ont pas fait.

Philippe Rosenthal

La source originale de cet article est  Observateur continental

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