02/08/2025 ssofidelis.substack.com  8min #286114

Le processus d'isolement international d'Israël est engagé

Benjamin Netanyahu lors de la réunion annuelle du Forum mondial à Davos le 25 janvier 2018. Photo : Forum économique mondial / © Valeriano di Domenico 

Par  Philip Weiss, le 1er août 2025

La politique américaine et internationale à l'égard d'Israël évolue rapidement, alors que le monde entier est horrifié par la famine imposée par ce pays à Gaza. Voici plusieurs enseignements à. tirer pour la gauche.

Nous n'avons jamais assisté à une évolution aussi rapide de la politique israélienne. Il y a deux nuits,  plus de la moitié des sénateurs démocrates - 27 - ont voté pour bloquer certaines ventes d'armes à Israël. La veille, le Royaume-Uni et le Canada ont déclaré leur intention de reconnaître l'État palestinien à l'ONU, suivant ainsi l'exemple de la France.

Ce sont des mesures que les défenseurs des Palestiniens estimaient impossibles il y a encore quelques années. Mais aujourd'hui, le monde est choqué par la famine imposée par Israël à Gaza et la presse grand public rapporte enfin les accusations de génocide.

Le processus d'isolement international d'Israël s'est engagé.

Ces changements politiques ont été initiés par la rue. Depuis des années, Israël perd en popularité dans l'opinion publique internationale, mais aussi parmi les électeurs démocrates aux États-Unis. Cependant, les dirigeants du parti ont résisté à cette tendance, jusqu'à ce que Zohran Mamdani remporte les primaires à New York le mois dernier, balayant ainsi les 25 millions de dollars de propagande déployés par Cuomo. Un sondage montre que près de 80 % des démocrates new-yorkais affirment qu'Israël commet un génocide. Et la base de Trump rattrape son retard. "Mon peuple commence à détester Israël", aurait  confié Trump à un donateur juif.

La gauche devrait en tirer quelques enseignements.

La pression opère

Depuis le début, nous affirmons que le seul moyen de mettre fin aux crimes de guerre israéliens passe par des sanctions ou une rupture des relations avec Israël de la part des nations occidentales. Le changement de ton officiel le prouve. Israël cherche maintenant à modérer sa barbarie et des rapports en provenance d'Israël indiquent que certains Israéliens ont honte de la couverture médiatique de la famine à la une. Si l'Occident avait voulu, il aurait pu mettre fin à l'occupation depuis longtemps.

Nos médias nous ont trahis

Lorsque l'heure du jugement sera venue pour ce génocide, toutes les voix qui ont justifié l'ensevelissement d'enfants sous les décombres des bombes américaines devront répondre de leurs propos. Les voix libérales du New York Times, des chaînes câblées et de NPR ont fait comme si tout allait bien à Gaza, puis des manifestations ont éclaté.

"En vérité, tout cela remonte à des décennies", écrit Donald Johnson. "Israël est un État d'apartheid depuis longtemps, même selon les normes sionistes libérales. Jimmy Carter avait raison en 2006, mais la presse n'a pas voulu l'écouter".

(En réalité, Carter a été cloué au pilori par Wolf Blitzer et Terry Gross, puis ostracisé par le Parti démocrate).Le lobby israélien est démasqué

Biden, Harris, Blinken et Power n'ont rien fait pour faire cesser le génocide, ils ont juste livré plus de bombes - pourquoi ? Pendant des années, les démocrates ont soutenu le plan de partition illégal, et Obama a insisté sur l'expression « Jérusalem indivise » dans le programme démocrate de 2012 - pourquoi ? Les dirigeants démocrates de New York n'ont pas soutenu Mamdani quelques semaines après sa victoire - pourquoi ?

Le seul facteur responsable de la « fidélité » des principaux démocrates à Israël, comme l'a  dit James Carville, sont les  forces pro-israéliennes au sein du parti, incarnées par le DMFI, l'AIPAC et les grands donateurs.

La bonne nouvelle, c'est que cette corruption est désormais flagrante. « Le soutien à l'arrêt des bombardements sur Israël, à la reconnaissance du génocide commis par Israël à Gaza et à la mise en cause d'Israël pour ses violations du droit relève non pas simplement de l'opinion de la majorité des électeurs démocrates, mais de celle d'une écrasante majorité. Tout démocrate privilégiant l'AIPAC plutôt que ses propres électeurs prend le risque d'être démis de ses fonctions », déclare Margaret DeReus, de l'IMEU.

Alors que l'ancien conseiller d'Obama, Tommy Vietor, a déclaré dans son podcast que la politique des démocrates consistant à soutenir Netanyahou est un échec, il reconnaît toutefois que "le Parti démocrate d'avant le 7 octobre n'existe plus".

Pendant des années, le lobby a prétendu que les États-Unis soutenaient Israël parce que cela servait leurs intérêts, tandis que les militants anti-israéliens affirmaient que si les Américains connaissaient la vérité, ils désavoueraient Israël. Les militants anti-israéliens avaient raison. Les États-Unis n'ont aucun intérêt à soutenir l'oppression raciale. Ils n'ont aucun intérêt à armer un pays qui bombarde ses voisins les uns après les autres, créant ainsi l'instabilité dans le monde entier.

La branche libérale du lobby sioniste est également vulnérable. Depuis plus d'un an, elle nie l'existence d'un génocide, tout comme elle a nié par le passé l'apartheid, le nettoyage ethnique et les crimes de guerre. Les sionistes libéraux ont joué un rôle crucial pour le lobby en maintenant les démocrates progressistes dans le rang. À cette fin, ils sont parvenus à entretenir l'illusion que toute pression réelle sur Israël serait une déplorable politique antisémite et qu'Israël s'apparenterait à un "État juif démocratique".

Aujourd'hui, les sionistes libéraux tentent de devancer l'évolution de la politique démocrate sur la question, mais il faut les tenir en échec. J. J. Goldberg affirme par exemple qu'il faudrait que les Américains comprennent la

"crainte des Israéliens à l'idée que l'on leur impose une nouvelle ère d'égalité et de pleine intégration, comme si un siècle de colère palestinienne allait simplement se dissiper" !

On a pu observer des craintes similaires dans le sud ségrégationniste des États-Unis et en Afrique du Sud.

La communauté juive est en ébullition (et elle fait bien de l'être)

La communauté juive américaine constitue la faction la plus réactionnaire du Parti démocrate sur la question de l'apartheid israélien. Les principales organisations juives ont cherché à écarter tout politicien osant s'écarter de la ligne officielle. Cette politique, au sein du bloc électoral le plus libéral et le plus instruit des États-Unis, aurait dû provoquer une crise interne au sein de la communauté juive depuis bien longtemps. Certes, l'horreur suscitée par les agissements israéliens a donné naissance à Jewish Voice for Peace et à IfNotNow il y a respectivement 10 et 20 ans, mais nous vivons aujourd'hui l'aube d'un bouleversement majeur. Comme  l'écrit Arielle Angel,

"le génocide de Gaza a confirmé ce que de nombreux Juifs de gauche redoutent depuis longtemps : l'ensemble du judaïsme et presque toutes les organisations censées le représenter sont gangrenés par 'la pourriture'".

(Bernie Sanders, la principale voix éthique du Parti démocrate, est malheureusement contaminé par ce fléau. Son refus obstiné à qualifier le génocide de génocide témoigne sans doute de son expérience de jeune volontaire dans un kibboutz israélien.)

Beaucoup d'Américains ont tellement peur d'être taxés d'antisémitisme qu'ils n'osent pas dénoncer le rôle des organisations juives dans l'oppression des Palestiniens. Mais les Juifs, eux, peuvent le faire sans crainte, et les jeunes Juifs en particulier doivent démanteler l'establishment pro-génocide.

La cause profonde du conflit israélo-palestinien est le sionisme

Cette idéologie, qui accorde aux Juifs des droits et des libertés civiles plus étendus, est intrinsèquement haineuse et ne peut qu'engendrer le type de révolte qui s'est produite le 7 octobre (des crimes de guerre horribles ont également été commis contre des civils en Algérie et en Afrique du Sud).

L'initiative des politiciens européens de reconnaître enfin la souveraineté des Palestiniens va dans le bon sens. Cette initiative survient bien trop tard, mais elle montre que seule la liberté politique peut garantir la sécurité au Moyen-Orient.

Reconnaître et dénoncer le sionisme doit être prioritaire. Le sionisme avait peut-être un sens il y a 100 ans (voire 80 ans), en tant qu'aspiration à échapper à la persécution européenne. Mais à chaque fois qu'ils ont pris le pouvoir, les sionistes ont pris la mauvaise direction. Ils ont opté pour le nettoyage ethnique, l'occupation et l'apartheid. Ils ont choisi de mépriser leurs voisins pour adopter une politique de superpuissance. Ils se sont vantés de leur "villa dans la jungle", un fantasme raciste de suprématie juive qu'ont notamment promu les sionistes libéraux de J Street.

Israël peut-il être réformé ? Je l'ignore. Mais le sionisme, lui, ne peut pas. On le reconnaît à ce qu'il engendre. Le sionisme, c'est l'apartheid, le génocide et la famine, et le peuple américain vient de s'en rendre compte.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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