
par Serge Van Cutsem
Après avoir livré son esprit à l'intelligence artificielle ( Le Réveil numérique) et son énergie aux dogmes écologiques ( Le Réveil matériel), l'Europe livre aussi son ventre.
Le traité Mercosur-UE n'est pas un accord commercial mais économico-politique. C'est le volet alimentaire d'un programme mondial, pensé à Davos, relayé par Bruxelles, et vendu comme «durable». Toujours sous prétexte d'écologie, l'Union européenne orchestre la disparition de son agriculture, de son élevage et de sa pêche artisanale, au profit d'un modèle agro-industriel globalisé, sans racines, sans goût, et sans âme.
Tout commence par la même mécanique : culpabiliser, normer, interdire, importer. Après avoir muselé la pensée libre au nom de la lutte contre la désinformation et étranglé l'énergie sous les quotas de CO₂, voici venu le temps de la destruction alimentaire. Le citoyen européen doit désormais «manger responsable», le paysan doit produire moins et les États importer plus. On ne cultive plus, on compense les émissions. On ne pêche plus, on protège les ressources.
Le Mercosur, c'est la mondialisation repeinte en vert écolo, ou plutôt escrolo. Des millions de tonnes de bœuf sud-américain, de soja transgénique, de maïs et de poisson industriel vont entrer sans taxes sur le marché européen pendant qu'on ferme nos fermes et qu'on asphyxie nos pêcheurs. Mais toutes ces importations seront dispensées des normes imposées à nos agriculteurs, nos éleveurs et nos pêcheurs qui seront les grands perdants.
Tous ceux qui nourrissaient nos peuples sont condamnés à disparaître, pour certains en se suicidant. Les artisans des campagnes et du littoral sont condamnés à mort par l'Union européenne. Le bœuf brésilien gavé d'hormones remplacera le Charolais ou le Limousin, et le soja sud-américain nourrira ce qui restera de nos bêtes. Quant au cabillaud des côtes bretonnes et le bar de Méditerranée, ils seront chassés par le poisson industriel uruguayen pêché au fuel lourd. Cette fois c'est définitivement fini, la pêche artisanale, déjà laminée par les quotas et le prix du gasoil, ne survivra pas. Les petits ports se vident, les filets sèchent, les conserveries ferment, pendant que les cargos de 300 mètres chargés de poissons congelés accostent au nom du commerce équitable.
N'oublions pas non plus ces centaines d'éoliennes inutiles qui détruisent les zones de pêche et le littoral.
Les technocrates européens ont inventé une nouvelle discipline : l'écologie schizophrène. Elle interdit aux pêcheurs de sortir en mer pour «préserver les espèces», tout en signant des accords qui importent du poisson pêché à des milliers de kilomètres, à la dynamite ou au chalut géant. L'UE impose des normes phytosanitaires étouffantes aux agriculteurs européens, mais laisse entrer des cargaisons traitées au glyphosate venues du Sud.
Le discours est vert, mais le bilan est noir : une Europe dépendante, désindustrialisée, désalimentée. Les fromageries ferment, les campagnes se désertifient, les marchés sentent le plastique et la nourriture devient un QR code. On nous parle de circuits courts, mais tout arrive avec des cargos longs qui empruntent des trajets qui le sont encore plus.
On nous vend du durable, mais plus rien ne l'est, sauf les profits des géants de l'agroalimentaire. Manger n'est plus un acte vital, mais doit être un acte conforme. Le goût disparaît, et quand tout est standardisé, plus rien n'a de sens.
Le Mercosur n'est pas une erreur, c'est une stratégie mûrement réfléchie et planifiée. C'est celle d'un monde où le marché remplace la morale et la rentabilité la souveraineté. Les multinationales dictent, Bruxelles rédige et normalise, et les peuples européens doivent obéir car les États n'ont plus aucun pouvoir de refuser. Quant aux médias propagandistes, ils expliquent jour après jour que c'est pour le bien de la planète. Mais cette planète n'a jamais demandé qu'on importe son bœuf, son soja ou son poisson de pays qui sont à dix mille kilomètres. Ce qu'on appelle commerce équitable est devenu un pillage légal.
Encore une fois, rien de tout cela n'est improvisé. Le Forum économique mondial parle depuis des années de «Great Food Transformation», la grande transformation alimentaire, version culinaire du Great Reset. Son objectif : réduire la consommation de viande de 90% d'ici 2050, imposer les protéines d'insectes et de synthèse, numériser la traçabilité et centraliser les décisions dans des structures de gouvernance mondiale. Tout ce que l'Europe applique par ses traités n'est que la mise en œuvre de ce scénario. Le Mercosur n'est pas une dérive, c'est le bras agricole du Great Reset. La Commission européenne en est l'exécutrice : elle détruit localement par la norme et compense globalement par l'importation.
C'est ainsi que meurt un continent : non pas par la guerre, mais par l'effacement du lien entre l'homme et la terre. La même main qui a effacé la pensée libre et éteint le feu énergétique éteint maintenant la faim libre. Ce n'est pas une famine, c'est une désintégration douce, présentée comme un progrès. Le citoyen qui ne produit plus, ne possède plus et ne décide plus, est condamné à consommer sous surveillance, selon les recommandations de Davos.
Le Réveil alimentaire est une alarme pour l'avenir. Un peuple qui ne produit plus sa nourriture devient esclave de celui qui la vend. Un continent qui importe sa subsistance finit toujours par importer aussi sa dépendance.
Le numérique a dévoré nos esprits, le matériel notre énergie et voici venu le temps où le Mercosur, sous la bénédiction de Davos, dévore votre ventre.
Et l'Europe appelle cela un progrès durable.