Nicolas Jeanneau, France-Soir
La une de "France-Soir" du 7 février 1952. Plusieurs pages sont spécialement consacrées ce jour-là au décès du roi d'Angleterre.
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L'éphéméride offre, parfois, d'étranges télescopages. Lundi 5 février en fin d'après-midi, Buckingham Palace annonçait dans un communiqué de presse que le roi d'Angleterre, Charles III, atteint d'un cancer, renonçait à ses fonctions publiques jusqu'à nouvel ordre.
Il y a 72 ans de cela, et presque jour pour jour, le 6 février 1952, le grand-père de Charles, et père d'Elisabeth II, le roi George VI, installé sur le trône du royaume britannique depuis le mois de mai 1937, s'éteignait, à Sandringham House (Norfolk), lieu de villégiature des souverains anglais. Il n'était âgé que de 57 ans mais avait toujours eu une santé fragile. En outre, le bégaiement dont il souffrait depuis son plus jeune âge ne lui rendait pas la tâche facile lorsqu'il devait s'exprimer en public (à ce sujet, voir l'excellent film Discours d'un roi, réalisé par Tom Hooper, avec Colin Firth dans le rôle de George VI).
France-Soir, dont la rédaction était alors dirigée par cette légende du journalisme français que fut Pierre Lazareff, mit le paquet pour couvrir le couronnement d'Elisabeth II en juin 1953.
Comme l'écrit Robert Salmon, fondateur et PDG de France-Soir de 1949 à 1976, en évoquant, dans le deuxième volume de ses mémoires (Chemins Faisant, l'épopée France-Soir, éd. LBM, 2004) : "Le monde se liguait pour qu'il (Lazareff) fit un bon journal", en ce début des années 1950 : guerres de Corée et d'Indochine, bombe H soviétique, mort de Staline ou affaire Dominici, les limiers de France-Soir étaient sur tous les fronts, et le tirage du journal ne cessait de grimper.
Huit reporters du quotidien furent spécialement dépêchés à Londres afin de couvrir le couronnement d'Elisabeth. L'édition du sacre de la jeune souveraine (25 ans), à Westminster, fut tirée à 1 508 000 exemplaires : un record. Même si le couronnement d'Elisabeth II fut le premier événement mondial majeur à être diffusé internationalement à la télévision, le petit écran était encore loin à l'époque d'avoir supplanté la presse écrite.
"Faites comme tout le monde, lisez France-Soir" : le célèbre slogan publicitaire du journal devenait peu à peu une réalité. Il allait en être ainsi une quinzaine d'années...
France-Soir, issu du titre clandestin et résistant Défense de la France, fêtera cette année ses 80 années d'existence. Nous essaierons de le rappeler à nos lecteurs au cours des prochains mois, à travers articles et rubriques dédiées à ces huit décennies de journalisme. Qui peut se vanter, parmi les autres médias hexagonaux, d'un pareil héritage ? Bien peu. Et cet héritage, nous en sommes pleinement conscients. Et fiers. Qu'importent alors les mauvaises langues, les critiques, les jalousies et les plumes trempées dans le vitriol. Tentons, autant que possible, de demeurer fidèles à certains héritages, notamment la charte de Munich : c'est notre seul objectif. Et continuons à tracer une route qui sera, à coup sûr, semée de nouvelles embuches.