Par Ramzy Baroud, le 10 avril 2025
En seulement 24 heures, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a proposé la nomination d'Eli Sharvit au poste de directeur du Shin Bet, l'agence de sécurité intérieure d'Israël, avant de rapidement se rétracter.
Cet épisode met en évidence le manque de cohérence dans le leadership de Netanyahu, renforçant l'impression que les décisions aux plus hauts niveaux du gouvernement sont prises de manière impulsive et sans plan précis.
C'est aussi une preuve supplémentaire que Netanyahu est facilement la proie de manipulations, non seulement de la part de ses alliés d'extrême droite au sein de la coalition, mais aussi de l'extérieur, de gouvernements étrangers et même, selon les médias israéliens, de sa femme Sara.
Ce processus décisionnel chaotique explique en partie le profond manque de confiance des Israéliens envers leurs dirigeants. De récents sondages d'opinion montrent que de très nombreux Israéliens n'ont pas confiance en leur gouvernement, et réclament de nouvelles élections ou la démission de Netanyahu.
Cette crise de confiance a été attribuée à l' incapacité de Netanyahu à empêcher les attentats du 7 octobre et à gagner la guerre qui s'est transformée en génocide à Gaza.
Mais l'enjeu dépasse ces échecs. Les Israéliens ont perdu confiance en Netanyahu parce qu'ils ne le considèrent pas comme un dirigeant agissant dans l'intérêt national. Il s'est tellement enfermé dans le pouvoir qu'il est prêt à provoquer des émeutes en Israël juste pour se maintenir au pouvoir.
Il n'est donc pas surprenant que Netanyahu soit également prêt à sacrifier la vie de plus de 15 000 enfants à Gaza, ainsi que celle de dizaines de milliers de civils innocents, juste pour se maintenir au pouvoir.
Le scandale du Shin Bet est cependant l'exemple le plus clair à ce jour de la corruption et du manque de discernement de Netanyahu.
La politique israélienne est notoirement instable, les coalitions durent rarement longtemps, et l'instabilité du gouvernement Netanyahu semble refléter la longue histoire d'instabilité politique d'Israël.
Le conflit qui oppose actuellement le gouvernement et l'armée, bien qu'inhabituel, peut également être interprété comme le signe d'une tendance croissante de la droite israélienne à vouloir contrôler toutes les institutions, y compris l'armée, historiquement considérée comme indépendante de la politique.
Les événements du 7 octobre et la guerre manquée qui s'est ensuivie, qui font tous deux actuellement l'objet d'enquêtes approfondies, ont brisé le fragile équilibre qui permettait à Netanyahu et à sa coalition d'extrême droite de rester au pouvoir sans provoquer de contestation massive.
La pression de l'opinion publique israélienne a joué un rôle clé dans cet équilibre. Par exemple, elle a contraint Netanyahu à rétablir dans ses fonctions l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant en avril 2023.
Pourtant, 18 mois de guerre à Gaza, au Liban et maintenant en Syrie ont fourni à Netanyahu l'influence nécessaire pour invoquer l'état d'urgence afin d'écraser l'opposition, de réprimer la dissidence et d'ignorer les appels à la fin de la guerre et à la conclusion d'un accord final.
Il a maintenant détourné la guerre à des fins de politique intérieure, alors qu'il a échoué à mettre en œuvre son programme dans les années précédant le 7 octobre. Mais le Shin Bet est une toute autre affaire.
Fondé en 1949 par le premier Premier ministre d'Israël, David Ben Gourion, le Shin Bet est depuis longtemps la pierre angulaire de la sécurité intérieure d'Israël.
Si la mission première de l'agence est de lutter contre le terrorisme, de recueillir des renseignements et d'assurer la sécurité des responsables israéliens, son rôle s'avère encore plus déterminant pour la stabilité de l'État.
L'un des principaux objectifs du Shin Bet est de prévenir l'espionnage et la subversion interne. Compte tenu des défaillances du renseignement révélées par les événements du 7 octobre, toute restructuration significative d'une agence aussi capitale pourrait être désastreuse pour Israël.
Bien que le chef du Shin Bet rende directement compte au Premier ministre, il a toujours été entendu que ce poste doit rester au-dessus des luttes politiques internes. La décision prise par Netanyahu de limoger Ronen Bar le 2 mars a donc provoqué une onde de choc dans la société israélienne, plus encore que ses décisions de révoquer l'ancien chef d'état-major Herzi Halevi ou le ministre de la Défense Gallant.
Les actions de Netanyahu ont violé un tabou de longue date, aggravant encore la crise interne déjà sans précédent d'Israël.
L'ancien chef du Shin Bet, Nadav Argaman, a même menacé de révéler des informations secrètes, signalant que l'agence est prête à s'engager dans cette lutte de pouvoir interne, qui, selon certains, pourrait dégénérer en guerre civile.
Mais l'annulation de la nomination de Sharvit, qui aurait dû occuper le poste de Bar, est peut-être l'aspect le plus révélateur de cette crise. Elle souligne l'irrationalité des décisions de Netanyahu et conforte ses opposants, qui sont impatients de précipiter sa chute. Comme l'a déclaré le chef de l'opposition israélienne, Yair Lapid, Netanyahu est devenu "une menace existentielle pour Israël".
Certains analystes ont suggéré que la volte-face de Netanyahu serait due à la pression américaine, d'autant que Sharvit a écrit un article dans lequel il critique le président américain Donald Trump.
Si certains y voient la preuve que l'agenda de Netanyahu est largement dicté par les États-Unis, ces conclusions sont simplistes. Bien que les États-Unis exercent une influence significative, les décisions de Netanyahu sont influencées par un ensemble complexe de facteurs.
Netanyahu tient à présenter l'abandon de la nomination de Sharvit non pas comme un signe de soumission politique, mais plutôt comme une concession stratégique ou une ouverture envers Trump. Son objectif est de s'assurer le soutien total et continu des États-Unis pour son programme de guerre à Gaza et dans tout le Moyen-Orient.
En fin de compte, ce programme de guerre perpétuelle n'est motivé par aucune idéologie politique cohérente. L'unique objectif de Netanyahu reste le maintien de sa coalition politique et sa survie politique, ni plus ni moins.
Savage Minds
Netanyahu's Shin Bet Scandal
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