23/11/2018 reseauinternational.net  9 min #148677

Crise politique en Israël : démission du ministre de la Défense qui proteste contre le cessez-le-feu

Le vent tourne : Israël est en train de perdre sur deux fronts

Par RAMZY BAROUD

L’opération militaire israélienne bâclée du 12 novembre dans la bande de Gaza souligne l’incapacité de Tel-Aviv à utiliser son armée pour parvenir à des concessions politiques de la part des Palestiniens.

Maintenant que la résistance populaire palestinienne s’est mondialisée grâce à la montée exponentielle et au succès croissant du mouvement de boycott, le gouvernement israélien mène deux guerres désespérées.

Après l’attaque lancée contre Gaza, les Palestiniens ont riposté en arrosant de roquettes la frontière sud d’Israël et ont mené une opération précise ciblant un bus de l’armée israélienne.

Alors que les Palestiniens manifestaient pour célébrer le départ de l’armée israélienne de leur région assiégée, l’ordre politique fragile en Israël, longtemps géré par le Premier ministre israélien de droite, Benjamin Netanyahou, s’écroulait rapidement.

Deux jours après l’attaque israélienne contre Gaza, le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, démissionnait pour protester contre la  » reddition  » de Netanyahou devant la Résistance palestinienne.

Les dirigeants israéliens sont dans une situation précaire. La violence sans retenue engendre une condamnation internationale et une réponse palestinienne de plus en plus audacieuse et stratégique.

Cependant, le fait de ne pas avoir pu donner à Gaza sa « leçon » habituelle est considéré comme un acte de capitulation par des politiciens israéliens opportunistes.

Alors qu’Israël vient de prendre conscience de ses limites sur le champ de bataille traditionnel, qu’il a toujours complètement dominé dans le passé, sa guerre contre le mouvement mondial palestinien de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) est sans conteste un combat perdu.

Israël n’a que peu de résultats pour ce qui est de faire face à la mobilisation de la société civile. Malgré la vulnérabilité des Palestiniens vivant sous occupation israélienne, il a fallu sept longues années au gouvernement et à l’armée israéliens pour pacifier l’Intifada populaire, celle qui a éclaté en 1987. Même dans ce cas, on ne sait toujours pas ce qui a vraiment mis fin à la révolte populaire.

Il faut admettre qu’une Intifada mondiale est beaucoup plus difficile à supprimer, voire à contenir.

Pourtant, quand Israël a commencé à ressentir le danger croissant du BDS – qui a été officiellement lancé par la société civile palestinienne en 2005 – il a réagi avec le même schéma inopportun et prévisible : arrestations, violence et un flot de lois qui criminalisent la dissidence dans le pays, et en déclenchant une campagne internationale d’intimidation et de diffamation des activistes et des organisations du boycott.

Cela n’a guère abouti, mis à part attirer davantage l’attention sur le BDS et accroître la solidarité internationale.

La guerre contre le Mouvement a pris un tournant sérieux l’année dernière lorsque le gouvernement de Netanyahou a consacré une largesse d’environ 72 millions de dollars pour vaincre la campagne menée par la société civile.

Utilisant le gouvernement américain toujours disposé à renforcer ses tactiques anti-BDS, Tel-Aviv se sent assuré que ses efforts de lutte contre le BDS aux Etats-Unis sont sur la bonne voie. Toutefois, ce n’est que récemment qu’Israël a commencé à élaborer sa stratégie mondiale en prenant en compte la composante européenne qui est plus large.

Lors d’une conférence de deux jours qui s’est tenue à Bruxelles au début du mois, des responsables israéliens et leurs partisans européens ont lancé leur campagne européenne anti-BDS.

Organisée par l’Association juive européenne (EJA) et le groupe Affaires publiques Europe Israël (EIPA), la conférence des 6 et 7 novembre était entièrement soutenue par le gouvernement israélien, avec la participation du ministre israélien de droite des Affaires de Jérusalem, Ze’ev Elkin.

Sous le prétexte habituel de s’attaquer au danger de l’antisémitisme en Europe, les participants ont délibérément confondu le racisme et toute critique d’Israël, de son occupation militaire et de la colonisation de la terre palestinienne.

La conférence annuelle de l’EJA a permis à Israël de manipuler le terme « antisémitisme » à un niveau inédit, en rédigeant un texte qui devrait être présenté aux futurs membres du Parlement européen (PEP), exigeant leur signature avant les élections de mai.

Ceux qui refusent de signer – ou pire encore, rejettent l’initiative israélienne – risquent fort d’avoir à faire face à des accusations de racisme et d’antisémitisme.

Ce n’était certainement pas la première conférence de ce genre.

L’euphorie anti-BDS qui a balayé Israël ces dernières années a donné lieu à plusieurs conférences animées et passionnées dans des hôtels de luxe, où des responsables israéliens ont ouvertement menacé des militants du BDS, tels que Omar Barghouti. Lors d’une conférence à Jérusalem en 2016, un haut responsable israélien avait mis en garde Barghouti contre un «assassinat civil» pour son rôle dans l’organisation du Mouvement.

En mars 2017, la Knesset israélienne a adopté la mesure anti-BDS d’interdiction de voyager, qui oblige le ministre de l’Intérieur à interdire l’entrée dans le pays à tout ressortissant étranger qui «a sciemment lancé un appel public au boycott de l’État d’Israël».

Depuis l’entrée en vigueur de cette interdiction, de nombreux partisans du BDS ont été arrêtés, expulsés et empêchés d’entrer dans le pays.

Alors qu’Israël a démontré sa capacité à mobiliser les politiciens vendus américains et européens pour soutenir sa cause, rien ne prouve que le mouvement BDS soit en train d’être muselé ou affaibli de quelque manière que ce soit.

Au contraire, la stratégie israélienne a soulevé la colère de nombreux militants, de la société civile et de groupes de défense des droits civils, furieux de la tentative d’Israël de subvertir la liberté d’expression dans les pays occidentaux.

Tout récemment, l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, s’est jointe à de nombreux autres campus dans le monde pour se désengager d’Israël.

Le vent vient de tourner en effet.

Des décennies d’endoctrinement sioniste ont également échoué, non seulement pour renverser l’opinion publique en pleine mutation sur la lutte des Palestiniens pour la liberté et les droits, mais même pour préserver le sentiment pro-israélien autrefois solide chez les jeunes Juifs, notamment aux États-Unis.

Pour les partisans du BDS, cependant, chaque stratégie israélienne constitue une opportunité de sensibiliser l’opinion publique aux droits des Palestiniens et de mobiliser la société civile du monde entier contre l’occupation israélienne et le racisme.

Le succès de BDS est attribué à la raison même pour laquelle Israël ne parvient pas à contrer les actions du mouvement : il s’agit d’un modèle discipliné de résistance civile populaire basée sur l’engagement volontariste, le débat ouvert et les choix démocratiques, tout en étant fondé sur le droit international et humanitaire.

Le  » trésor de guerre  » d’Israël finira par s’épuiser, car aucune somme d’argent n’aurait pu sauver le régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud lorsqu’il s’est effondré il y a des décennies.

Inutile de dire que 72 millions de dollars ne renverseront pas la tendance en faveur de l’apartheid en Israël et ne changeront pas non plus le cours de l’histoire qui ne peut appartenir qu’au peuple qui aspire à recouvrer sa liberté qu’il attend depuis si longtemps.

 source photo de Roger Blackwell |  CC BY 2.0

Source :  counterpunch.org

Traduction  Avic Réseau International

 reseauinternational.net

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