Par Eric London
16 juillet 2019
La répulsion et la colère populaires se sont accrues pendant le week-end avant les razzias sur les immigrés à l'échelle nationale annoncées par le président Trump.
Dans la classe ouvrière et parmi de larges couches de la classe moyenne, le traitement horrible infligé aux immigrés suscite une profonde inquiétude et un choc. Mais chez l'élite dirigeante, l'establishment politique et médiatique réagit à l'opposition d'en bas en resserrant les rangs derrière Trump et ses conseillers fascisants.
Des dizaines de millions de travailleurs immigrés et leurs familles vivent dans la peur alors que l'appareil d'État entame une répression de type militaire. De nombreux immigrés se cachent.
Selon le Guardian, certains immigrés stockent de la nourriture, car, explique un habitant d'Atlanta en Géorgie: «Qui sait quand nous quitterons la maison». NBC News rapporte que de nombreux citoyens américains vivant dans des quartiers à forte population immigrée ont commencé à porter leur passeport américain de peur d'être pris dans le filet des rafles.
La montée de l'opposition populaire s'est traduite par des manifestations plus importantes que prévu qui ont eu lieu pendant le week-end dans 700 villes du pays. Dans de nombreuses régions, les voisins utilisent les médias sociaux pour avertir les immigrés de l'activité de la police. Le Wall Street Journal a rapporté que les résidents de deux immeubles à Harlem avaient fait faire demi-tour à des agents de l'Immigration et des douanes (ICE) lors d'une rafle samedi.
Le sentiment opposé prédomine chez la classe dirigeante. À Tacoma, dans l'État de Washington, quelques heures après la fin de la manifestation en défense des immigrés samedi, la police a abattu un manifestant âgé de 69 ans qui avait incendié une fourgonnette de l'ICE dans un centre de détention privé.
Vendredi, quelques heures avant les manifestations nationales de samedi, le vice-président Mike Pence a effectué une visite médiatisée extrêmement provocatrice dans deux camps de détention du Texas. Flanqué de gardes et protégé par une clôture grillagée, Pence observa un entrepôt rempli d'hommes immigrés puants de sueur et d'urine qui le suppliaient de leur fournir des brosses à dents et des douches. Pence a déclaré qu'il «était plus qu'impressionné par le travail empreint de compassion accompli par notre service des douanes et de la protection des frontières», ajoutant: «Il est temps que nous passions au-delà de la dure rhétorique de la gauche américaine.»
Le but de cet effet d'annonce était de préciser que le gouvernement ne se laissera pas impressionner par la protestation sociale et de mettre à l'épreuve la complicité des démocrates sur laquelle il compte. La réponse des démocrates et des médias pro-démocrates a été de donner à la Maison Blanche un chèque en blanc pour étendre son réseau de camps de concentration, intensifier ses tactiques d'État policier et accélérer son programme de déportations massives.
Dimanche, un groupe de démocrates membres du Congrès s'est rendu dans les centres de détention du Texas et a répété les louanges de Pence pour les gardiens. Dans les déclarations de comités de rédaction publiées dans les éditions papiers de dimanche du New York Times et du Washington Post, les éditeurs de journaux alignés sur le parti démocrate ont de fait approuvé le pogrom anti-immigrés.
La déclaration du Times, intitulée «Tous les présidents sont des déporteurs en chef», dénonçait l'opposition de gauche à l'attaque de Trump contre les immigrants. Elle a déclaré que «la fonction [de la présidence] est chargée de faire respecter les lois du pays. Ces lois exigent que les frontières soient sécurisées et que certaines des personnes qui ne sont pas légalement autorisées à vivre ici soient expulsées après s'être vu accordées une procédure en bonne et due forme».
Cela «ne devrait pas être considéré comme une affirmation provocatrice», a poursuivi le Times, tout en condamnant les «passions enflammées» et en s'opposant à ceux qui prônent des «de plus grandes extrêmes», dont des «appels à l'abolition définitive de l'ICE». Les rédacteurs en chefs ont réservé leur venin pour ceux de la gauche qui «flirtent avec des modifications radicales des lois du pays sur l'immigration» et ont conclu en déclarant que «le prochain président doit être prêt à assumer le rôle de déporteur en chef.»
L'éditorial du Washington Post de Jeff Bezos, intitulé «Des raids d'immigration cyniques», était placé sous l'éditorial principal en rapport avec une dénonciation des «camps de concentration d'enfants en Chine». Le Post s'est plaint que les déportations prévues étaient «principalement à des fins purement de façade» et a déclaré: «ICE est un organisme chargé de faire respecter la loi et a le droit d'expulser les migrants sans papiers qui ont reçu des ordonnances d'expulsion après avoir bénéficié d'une procédure régulière.»
Dans le contexte des rafles et des manifestations généralisées, ces déclarations ne peuvent être lues que comme des approbations de la politique de l'État policier de Trump.
Malgré leurs divergences avec Trump, principalement sur des questions de politique étrangère, les démocrates et les rédacteurs en chef du Times et du Post se joignent à lui pour défendre le cadre réactionnaire de la «sécurité des frontières» et la supposée criminalité de travailleurs désespérés fuyant la violence et la pauvreté dans leurs pays d'origine, le résultat d'un siècle d'exploitation et de domination impérialiste américain.
Ils sont unis par leur intérêt commun à défendre l'État capitaliste et le système économique qui crée la misère à un pôle de la société et des niveaux de richesse obscènes à l'autre.
En revanche, lorsque les démocrates voient des milliers de personnes dans les rues, la menace de la révolution sociale et la perte de leur richesse son l'alerte. Face à une opposition croissante d'en bas, la faction démocrate de l'élite dirigeante s'aligne sur Trump et demande le renforcement de l'appareil répressif de l'État.
C'est la raison pour laquelle les démocrates de la Chambre et du Sénat ont voté en juin en faveur de 5 milliards de dollars alloués à Trump pour financer l'ICE et la police des frontières (CBP).
Ces votes n'étaient pas des capitulations aux exigences républicaines, mais des décisions politiques conscientes de vouloir doter la Gestapo de la police et des agences de l'immigration des pouvoirs juridiques et matériels dont elles ont besoin pour écraser l'opposition et défendre le statu quo capitaliste.
Toute spéculation sur l'arrêt de la persécution des immigrés en faisant pression sur le parti démocrate ou en faisant appel au parti démocrate est une illusion désespérée ou une tromperie délibérée. Ceux qui préconisent un tel programme - notamment les socialistes démocrates d'Amérique - sont les serviteurs de la classe dirigeante dont le but est de ramener l'opposition dans le camp du parti démocrate où elle peut être rendue inoffensive.
Il n'y a aucune tendance politique dans la classe dirigeante pour la défense des droits démocratiques. Seule la classe ouvrière, à la tête des éléments sains de la classe moyenne, puisse défendre les immigrants des politiques dictatoriales de Trump.
Peu importe le statut d'immigration, tous les travailleurs doivent comprendre que c'est eux qui sont la cible ultime des méthodes antidémocratiques utilisées contre les immigrants. Les camps de concentration pour immigrants «illégaux» seront bientôt remplis de travailleurs engagés dans des grèves et manifestations «illégales». Toute la classe ouvrière américaine et internationale doit lier ses revendications en matière de salaires, d'avantages sociaux et d'égalité sociale à la défense des travailleurs immigrés.
La révolution socialiste est le seul moyen d'aborder le phénomène de la migration de masse. La guerre impérialiste et l'exploitation capitaliste ont décimé l'Amérique latine, l'Asie du Sud et du Sud-Est, l'Afrique et le Moyen-Orient. Les travailleurs et les paysans du monde doivent avoir le droit de choisir librement entre rester dans leur pays d'origine ou migrer comme bon leur semble.
Cela signifie confisquer la richesse des riches et fournir à des milliards de personnes à travers le monde un logement, une éducation, de l'eau, de la nourriture, des transports en commun, un accès à la culture et d'autres droits sociaux fondamentaux. Cela implique de démanteler les machines de guerre des gouvernements capitalistes et de placer les sociétés transnationales sous le contrôle démocratique des travailleurs, afin que leur puissance puisse être exploitée pour répondre aux besoins humains et non à un profit privé.
Il ne peut y avoir de solution nationale aux guerres et aux catastrophes sociales qui chassent des dizaines de millions de personnes de leurs foyers. Ce qu'il faut, c'est un mouvement international de la classe ouvrière pour s'emparer des sommets de l'économie mondiale et ouvrir les frontières à toute l'humanité.
(Article paru en anglais le 15 juillet 2019)