Par R. Qureshi, le 17 octobre 2025
C'est Gregory Stanton, fondateur de Genocide Watch, qui a identifié ces dix étapes en étudiant l'Holocauste, le génocide rwandais, le génocide arménien et d'autres exemples.
Ces étapes ne sont pas des catégories distinctes. Elles sont interdépendantes, et peuvent se produire simultanément.
À Gaza, toutes ces étapes sont réunies. Bien sûr, Israël et ses soutiens le nieront. C'est prévisible. Après tout, le déni est la dixième étape du génocide.
Voici ces dix étapes observées en Palestine :
1. Classification
La classification est le fondement du génocide. Elle commence par diviser les gens en "nous" et "eux", puis par mettre en place des systèmes juridiques, politiques et militaires autour de cette division.
En 1948, l'occupation israélienne a défini les Juifs comme étant les autochtones et les Palestiniens, les étrangers.
Il n'existe pas de "nationalité israélienne" à part entière. Le recensement identifie les personnes comme "juives", "arabes" ou "autres". Les Juifs sont considérés comme membres de la nation. Les Palestiniens ne sont citoyens que sur le papier.
Après la Nakba, les terres ont été partagées entre "terres d'État", "terres juives" et "biens vacants", accentuant ainsi la fracture entre les expulsés et les occupants.
Les colons juifs de Cisjordanie vivent sous l'autorité du droit civil. Les Palestiniens vivent sous le droit militaire. Deux systèmes sur une zone unique.
Les Palestiniens sont considérés par défaut comme une menace pour la sécurité. Partout dans le monde, les Juifs sont considérés comme des privilégiés bénéficiant automatiquement du droit de séjour et de citoyenneté. Les réfugiés palestiniens sont, eux, traités comme des étrangers, alors qu'ils sont nés sur cette terre.
La classification constitue les fondements du génocide.
2. Symbolisation
La symbolisation désigne la façon dont les gens sont marqués et stigmatisés.
Des cartes d'identité de différentes couleurs (verte pour la Cisjordanie, orange pour Gaza et bleue pour Jérusalem) permettent de contrôler qui peut se déplacer, travailler et accéder aux services.
Les checkpoints contrôlent les personnes en fonction de la couleur de leur carte d'identité. Une seule lettre peut décider du sort d'une personne : passer ou mourir sur place.
Les Palestiniens sont systématiquement qualifiés d'"Arabes", de "terroristes" ou d'"infiltrés", réduisant ainsi leur identité à une caractéristique sécuritaire.
Les cartes officielles font disparaître les villages palestiniens non officiellement reconnus, en particulier dans le Naqab.
L'occupation israélienne contrôle les registres de population et peut effacer des citoyens de toute existence légale.
La loi du retour accorde automatiquement la citoyenneté à tous les Juifs du monde, tandis que la loi sur les biens des absents dépouille les Palestiniens de leurs terres.
La résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaît le droit au retour des Palestiniens, mais l'État d'Israël refuse de l'appliquer.
La symbolisation transforme les personnes en catégories administratives. Ces catégories deviennent alors des cibles.
3. Discrimination
Il y a discrimination lorsque l'État inscrit l'inégalité dans la loi et dans la vie quotidienne.
Les Palestiniens vivent sous le régime de la loi martiale, tandis que les colons juifs sont soumis au droit civil.
La loi sur la citoyenneté et l'entrée sur le territoire empêche les Palestiniens de vivre avec leur conjoint s'il ou elle vient de Cisjordanie ou de Gaza. Depuis 1967, plus de 14 000 habitants de Jérusalem ont perdu leur droit de résidence.
Les Palestiniens n'obtiennent que 10 % des permis de construire à Jérusalem-Est, alors qu'ils représentent 40 % de la population. Plus de 100 000 d'entre eux vivent sous le régime d'ordres de démolition.
Plus de 600 checkpoints contrôlent les terres palestiniennes. Depuis 2007, Gaza est sous blocus total.
Les populations des colonies illégales bénéficient de quatre à cinq fois plus d'eau que les communautés palestiniennes.
Plus de 10 000 Palestiniens sont emprisonnés, dont plus de la moitié sans inculpation ni procès.
Les ONG, les journalistes, les étudiants et les artistes palestiniens sont criminalisés pour leurs opinions politiques.
Les communautés bédouines, comme celle de Masafer Yatta, sont menacées d'expulsion en vertu de lois "d'urbanisme".
Les humiliations quotidiennes, telles que les fouilles à nu, les raids nocturnes et les heures d'attente aux checkpoints, sont monnaie courante.
La discrimination aggrave les inégalités, et facilite ainsi les étapes suivantes.
4. Déshumanisation
La déshumanisation consiste à priver un peuple de son humanité.
Pour les Palestiniens, ce processus dure depuis plus de 75 ans.
En 1948, ils ont été qualifiés d'"intrus" et de "squatteurs" lorsqu'ils ont été expulsés lors de la Nakba.
Les responsables de l'occupation israélienne les ont ensuite qualifiés de "problème arabe" ou de "menace démographique".
Les attaques militaires contre Gaza sont décrites comme "tondre la pelouse", une expression signifiant tuer des milliers de personnes pour "maîtriser" la population.
En 2006, les responsables de l'occupation ont parlé de "mettre Gaza au régime" en comptant les calories nécessaires à affamer la population sans la "tuer".
En 2023, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a qualifié les Palestiniens d'"animaux humains".
Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, les a qualifiés d'"enfants des ténèbres".
Le ministre Amihai Eliyahu a même suggéré de larguer une bombe nucléaire sur Gaza.
Les représentants des colonies illégales qualifient depuis longtemps les Palestiniens de "serpents" ou de "vermine".
La déshumanisation facilite l'extermination. Elle fait croire aux individus qu'il ne s'agit pas d'êtres humains et que les tuer ne constitue donc pas un meurtre.
5. Organisation
L'organisation consiste à mettre en place une machinerie de violence.
L'armée israélienne a déployé des centaines de milliers de soldats autour de Gaza et a bouclé le territoire par voie terrestre, maritime et aérienne.
Une infrastructure de blocus contrôle tous les checkpoints.
Des systèmes automatisés ont généré des cibles à bombarder à grande échelle grâce aux données téléphoniques et aux algorithmes.
Les tribunaux, les ministères, l'armée et les services de sécurité ont agi de concert.
Les milices d'extrême droite et les colonies de peuplement illégales en Cisjordanie ont été armées et protégées.
L'accès des médias à Gaza a été interdit. Un nombre record de journalistes y ont été tués.
Des expressions telles que "animaux humains" et "repaire de terroristes" ont permis de maintenir la cohésion de l'offensive.
Le génocide n'est pas le chaos. Il est organisé.
6. Polarisation
La polarisation a lieu lorsque la société est divisée et que le discours extrémiste est amplifié.
Les voix de la paix sont alors diffamées ou réduites au silence. Les manifestations sont interdites.
Les ministres partisans d'une ligne dure en matière d'occupation, tels que Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, donnent le ton.
Les médias présentent les Palestiniens comme des terroristes sans aucune nuance.
De nouvelles lois d'urgence criminalisent la dissidence.
Les discours de haine se banalisent.
Les universitaires, artiste et militants qui soutiennent la Palestine sont sanctionnés à l'échelle internationale.
La polarisation ne laisse aucune place à l'humanité universelle, mais uniquement à la logique de guerre.
7. Planification
La planification consiste à élaborer des stratégies homicides.
La logistique du blocus a été délibérément mise en œuvre pour affamer et isoler Gaza.
Les troupes, les chars et la puissance aérienne ont été déployés bien avant l'invasion totale.
Les responsables de l'occupation ont cartographié les "zones d'évacuation" et les "zones de sécurité", puis les ont bombardées.
Des officiels haut placés ont évoqué la "migration volontaire" des Gazaouis vers le Sinaï.
Des camps et des sites de détention ont été préparés pour procéder à des arrestations massives.
Des zones tampons ont été aménagées au cœur de Gaza, rasant des quartiers entiers.
Des listes de cibles ont été dressées à un rythme effréné.
Des déclarations telles que "Gaza ne s'en relèvera jamais" ont annoncé l'intention sous-jacente.
8. Persécution
La persécution consiste à traquer un groupe et à le priver de toute protection.
Depuis octobre 2023, plus de deux millions de Palestiniens ont été parqués à l'intérieur de Gaza.
La bande de Gaza a été affamée, privée de médicaments, d'eau et de carburant.
Les infrastructures civiles ont été systématiquement détruites, notamment les hôpitaux, les écoles, les boulangeries, les mosquées et les marchés.
L'aide humanitaire a été bloquée ou délibérément ralentie à la frontière.
Les responsables de l'occupation israélienne ont ouvertement parlé de vider Gaza de sa population.
Les familles ont été contraintes de fuir à plusieurs reprises sous les bombardements.
Des journalistes, médecins et défenseurs des droits humains ont été arrêtés ou tués.
La persécution fait de la survie un crime en soi.
9. Extermination
L'extermination consiste à perpétrer des massacres.
Au moins 67 000 Palestiniens ont officiellement été recensés comme tués. Des dizaines de milliers d'autres sont encore sous les décombres.
Selon certaines informations, le bilan réel se situerait entre 650 000 et 1 million de morts.
Des massacres ont eu lieu dans les camps de réfugiés de Jabalia et de Nuseirat, à l'hôpital Al-Shifa, ainsi que dans des "zones de sécurité" comme à Rafah.
La famine a été délibérément utilisée comme arme de guerre.
Les hôpitaux, abris et camps de réfugiés ont été bombardés à plusieurs reprises.
Yoav Gallant a qualifié les Palestiniens d'"animaux humains".
Benjamin Netanyahu a promis de "transformer Gaza en un désert".
Amihai Eliyahu a évoqué l'utilisation d'armes nucléaires.
Des spécialistes du génocide, comme Raz Segal, ont qualifié cette situation de cas d'école. La Cour internationale de justice a estimé qu'il existe un risque plausible de génocide.
Il ne s'agit pas de dommages collatéraux. Il s'agit d'extermination.
10. Déni
Le déni est la dixième étape du génocide.
Il survient lorsque les auteurs du crime tentent de le dissimuler. Ils tuent les témoins. Ils détruisent les preuves. Ils contrôlent le récit. C'est précisément ce qui se passe en ce moment à Gaza.
- Le 12 octobre 2025, le journaliste palestinien Saleh al-Jafarawi a été tué à Gaza. En quelques heures, son compte Instagram officiel, qui comptait 4,5 millions d'abonnés, a été supprimé. L'ensemble de ses archives documentant les attaques de l'occupation ont disparu. Meta a justifié cette suppression par l'application de sa politique. Les groupes de défense des droits humains ont qualifié cette action d'effacement.
- Le 5 mai 2024, l'occupation israélienne a contraint Al Jazeera à fermer ses bureaux. Elle a saisi du matériel en vertu d'une nouvelle loi sur les médias. La même loi a ensuite été utilisée contre Associated Press.
- Depuis octobre 2023, Gaza est interdit aux journalistes étrangers. Seules les délégations militaires sont autorisées à entrer.
- L'armée israélienne a à plusieurs reprises coupé l'accès à internet et aux réseaux téléphoniques de Gaza, isolant ainsi les hôpitaux et les journalistes.
- Meta a supprimé des milliers de publications et de comptes partageant des preuves provenant de Gaza.
- D'octobre 2023 à octobre 2025, 278 journalistes palestiniens ont été tués. Les bureaux des médias ont été bombardés. Les caméras ont été détruites. Les témoins ont été réduits au silence.
Le génocide ne prend pas fin avec les meurtres. Il s'achève dans le silence. L'effacement n'est pas un dommage collatéral. Il fait partie intégrante du crime. Lorsque des journalistes sont tués, lorsque les archives disparaissent et que l'accès à internet est coupé, les coupables dictent leur propre récit. C'est précisément ce qui se passe à Gaza, en temps réel.
Conclusion
Il ne s'agit pas d'un conflit entre deux camps égaux. C'est un génocide perpétré par l'occupation israélienne contre le peuple palestinien.
Toutes les étapes identifiées par Gregory Stanton sont réunies. Certaines sont apparues il y a des décennies. Le génocide de Gaza n'a pas commencé en octobre 2023. Il a commencé avec la Nakba, en 1948, et s'est poursuivi via la loi, la langue, le blocus et la guerre.
C'est ce que disent les universitaires, dont beaucoup sont israéliens.
Dès le début, Raz Segal, spécialiste de l'Holocauste et du génocide, l'a qualifié de "cas d'école de génocide".
Amos Goldberg, titulaire de la chaire d'études sur l'Holocauste à l'université hébraïque, a déclaré : "Ce qui se passe à Gaza est un génocide".
Les historiens Amos Goldberg et Daniel Blatman ont déclaré ensemble : "C'est exactement à cela que ressemble un génocide".
Ilan Pappé a déclaré : "Ce qu'Israël commet dans la bande de Gaza est un génocide au sens juridique du terme".
Omer Bartov l'a décrit comme "la phase finale du génocide à Gaza".
Daniel Feierstein, ancien président de l'Association internationale des chercheurs sur le génocide, l'a qualifié de "transition vers la phase d'extermination d'une pratique sociale génocidaire".
Norman Finkelstein a quant à lui déclaré sans hésiter : "C'est un génocide. Pas une guerre. Pas un conflit. Un génocide".
L'Association internationale des chercheurs sur le génocide a déclaré que les agissements d'Israël répondent à la définition juridique du génocide.
Hajo Meyer, survivant d'Auschwitz, a lancé cette mise en garde il y a plusieurs années :
"Je sais à quoi ressemble la déshumanisation. Je l'ai vécue. Et je la vois se reproduire".
Traduit par Spirit of Free Speech