03/10/2025 reseauinternational.net  7min #292345

Les États-Unis continuent leur politique colonialiste en Afrique

par Philippe Rosenthal

Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les États-Unis veulent construire leur empire colonial en Afrique. Et, ils ciblent de nombreux pays en Afrique comme le Maroc, l'Algérie, le Niger, le Burkina Faso dont le Mali. La France est en train de quitter ce continent et son allié le plus puissant arrive pour prendre sa place et en tirer le maximum de profits en ressources premières, mais aussi sur la stratégie d'influence en géopolitique.

Les États-Unis ont entamé des discussions avec les autorités de la République africaine du Mali, offrant une assistance dans la lutte contre le terrorisme. En août dernier, Le Monde  rapportait qu'«après avoir gelé l'USAID, l'administration Trump réoriente sa politique en s'intéressant aux ressources minières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, où plusieurs responsables américains ont fait le déplacement» car «depuis l'arrivée de l'administration Trump, Washington souhaite axer la politique en Afrique sur le commerce, avec un intérêt marqué pour les ressources minières».

Le quotidien français rappelait que «le Mali est parmi les plus importants producteurs d'or et de lithium - utilisé dans la fabrication des batteries de voitures électriques - d'Afrique. C'est le cas du Niger en ce qui concerne l'uranium, et du Burkina Faso pour l'or».

Le 25 septembre dernier, le département d'État des États-Unis a annoncé « promouvoir les priorités de l'administration Trump en Afrique subsaharienne». Selon un intervenant, il y a eu une annonce le 24 septembre dernier signalant que les États-Unis vont commencer à soutenir les investissements américains au Sahara occidental.

«Mais comme vous l'avez dit à juste titre, nous avons travaillé sur le partenariat avec le Maroc et avec l'Algérie également», a stipulé Massad Boulos, conseiller principal des États-Unis pour l'Afrique tout en rapportant que «les États-Unis ont aussi beaucoup travaillé sur la Libye». «Les investissements américains au Maroc, dans tout le Maroc, y compris le Sahara, sont pleinement soutenus», souligne-t-il.

«Nous avons fait de même avec l'Algérie. Pas nécessairement en termes de financement d'investissements spécifiques, mais d'annonces. Nous avons récemment annoncé deux contrats majeurs en Algérie avec ExxonMobil et ChevronTexaco pour la fracturation hydraulique. Nous avons également annoncé un projet d'envergure dans le secteur agricole avec l'Algérie. Cela démontre que notre approche du continent africain en général et des investissements en Afrique ne se limite pas au pétrole et au gaz, et certainement pas aux minéraux. Nous finançons, contribuons au financement et soutenons toutes sortes de projets dans de nombreux secteurs, à commencer par les infrastructures. Nous avons récemment annoncé plusieurs projets d'infrastructure lors de notre présence en Angola pour le Sommet des affaires États-Unis-Afrique, notamment l'électrification et la construction de lignes de transport d'électricité. Des projets d'une valeur d'environ 3 milliards de dollars ont été annoncés et signés lors de cet événement : un projet portuaire au Gabon, des autoroutes, des voies ferrées, ainsi que quelques projets en RDC», continue le conseiller principal des États-Unis pour l'Afrique.

«Je reviens tout juste d'Éthiopie», a rajouté Massad Boulos en rapportant qu'à l'Assemblée générale des Nations unies il a parlé du soutien US au projet de nouvel aéroport. «Ce sera probablement le plus grand aéroport d'Afrique et l'un des plus grands au monde. C'est un projet de 10 milliards de dollars, probablement plus. Nous travaillons également en étroite collaboration avec de nombreux projets liés à Boeing. Boeing entretient, comme nous le savons, un partenariat très solide avec Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, et de nombreuses autres compagnies aériennes sur le continent, notamment le Gabon, l'Angola et la RDC, entre autres, trop nombreuses pour être citées. Et elles ont fait des annonces à ce sujet», a-t-il souligné.

D'autres pays et d'autres secteurs sont concernés par l'intérêt US en Afrique : «J'ai parlé des géants, mais il existe aussi de nombreuses autres entreprises de taille moyenne. Dans le domaine de l'IA, nous avons annoncé un projet après l'autre, notamment en Côte d'Ivoire, au Gabon et dans plusieurs autres pays. C'est donc très diversifié et global. Et c'est une action concrète. Cela fait seulement quelques mois que nous sommes ici, et le président Trump a déjà concrétisé sa politique africaine, qui passe de l'aide au commerce, et qui établit et soutient des partenariats solides sur tout le continent».

En février 2023, deux membres du personnel de la commission des relations étrangères du Sénat américain s'étaient rendus au Mali  pour approfondir les relations américano-maliennes. En juillet dernier, le sous-secrétaire d'État adjoint Will Stevens, correspondant du département d'État pour l'Afrique de l'Ouest, a également rencontré des responsables maliens. Plusieurs mois plus tôt, du 19 au 21 février, le Commandement américain pour l'Afrique (AFRICOM) a tenu sa  première réunion militaire au Mali depuis cinq ans.

Lorsque Rodolphe Atallah, directeur adjoint de la lutte contre le terrorisme de Trump, a rencontré des responsables maliens à Bamako en juillet dernier, il a organisé un événement avec les médias locaux déclarant que les États-Unis étaient prêts à aider le Mali à combattre les extrémistes (les terroristes) si le Mali acceptait de devenir un partenaire. France 24 note : «Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont discrètement  réajusté leur stratégie au Sahel, échangeant un soutien militaire aux juntes ouest-africaines luttant contre les djihadistes contre un accès lucratif aux vastes richesses minérales de la région».

Le média français souligne : «Cette stratégie marque un changement radical par rapport au gel de l'aide de l'administration Biden en raison des coups d'État, signalant une nouvelle ère de diplomatie transactionnelle alors que Washington cherche à contrer l'influence russe et chinoise en Afrique».

Selon deux responsables américains et maliens, Atallah a, selon le Washington Post, déclaré à ses collègues, lors de réunions à huis clos, que  tous les sujets étaient à l'ordre du jour, du partage de renseignements à la fourniture d'équipements américains et à la formation des forces maliennes. La CIA a déjà reçu une «large autorité» pour partager des informations avec les Maliens, ont déclaré trois responsables américains, actuels et anciens. Le général à la retraite de l'armée de l'air Kenneth Ekman, qui a dirigé le retrait américain du Niger, a déclaré au quotidien US qu'il considérait le réengagement des États-Unis avec la junte malienne comme une «bonne chose» qui contribue à combler un dangereux vide de sécurité et d'information.

Ces tentatives évidentes de Washington pour s'attirer aussi les faveurs du régime militaire malien en Afrique marquent le retour des États-Unis dans un jeu où les vies africaines sont des pions et la puissance l'enjeu. Bien sûr, la «sécurité» est le mot à la mode, mais tout observateur attentif constatera que le regain d'intérêt des États-Unis pour la coopération avec Bamako vise moins à «combattre le terrorisme» qu'à renforcer leur position dans la nouvelle guerre froide avec la Russie tout en - par ailleurs - damant le pion à la France sur ce continent.

source :  Observateur Continental

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