
par Pierre Duval
Le Cloud Act, adopté aux États-Unis en 2018 est une loi ayant une portée extraterritoriale qui pose des questions sur la protection des données et sur la souveraineté des pays. Actuellement, l'Arménie a signé un contrat avec une société US opérant sur le cloud livrant ainsi ses informations sensibles qui ne sont plus la propriété de l'État arménien.
«L'Arménie se dote d'un centre de données équipé de puces Nvidia». «Nvidia développe une technologie de vérification de localisation qui pourrait contribuer à lutter contre le trafic de puces». Ici se dessine la prise de contrôle du pouvoir politique et militaire US sur les entreprises mais aussi sur les États souverains.
Dans le cadre du plan d'action pour l'IA de l'administration Trump, l'objectif déclaré du gouvernement US est d'exporter la «pile technologique» complète du pays - y compris le matériel, les modèles, les logiciels, les applications et les normes - à ses alliés et partenaires stratégiques à travers le monde.
Les États-Unis prennent ainsi possession des centres névralgiques des pays sur le globe. «La startup Firebird, spécialisée dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA), obtient l'autorisation américaine d'utiliser des puces Nvidia dans son centre de données arménien», annonce Bloomberg.
«L'Arménie s'affirme comme un petit pôle géopolitique redoutable, grâce à sa position stratégique à proximité de l'Iran et de la Turquie, et à son économie de l'innovation qui sera désormais dynamisée par un centre de données de 500 millions de dollars équipé de puces Nvidia. Le gouvernement américain a récemment approuvé le déploiement de ces puces dans ce centre de données, qui sera exploité par Firebird.AI, une entreprise américano-arméno-américaine», continue Forbes qui informe : «Firebird hébergera un centre de données de 100 mégawatts alimenté par des GPU Nvidia Blackwell, présenté comme définissant le prochain chapitre de l'IA générative avec des performances, une efficacité et une évolutivité inégalées. Dell fournira les serveurs, et l'infrastructure locale sera assurée par Telecom Armenia et Imagine Broadband (Irlande)».
«Bien que les États-Unis conservent une influence stratégique par le biais du monde des affaires et de leur contrôle des licences d'exportation de puces, l'Europe occidentale renforce également sa présence en matière de soft power en Arménie (et en Europe de l'Est)», fait, aussi, savoir le magazine économique américain.
«Face à l'évolution fulgurante du paysage numérique actuel et à l'émergence du cloud computing, la question de la confidentialité et de la sécurité des données est plus que jamais centrale. Grâce à cette technologie, les données sont maintenant stockées et traitées dans le cloud, c'est-à-dire dans des serveurs répartis dans le monde entier et accessibles par Internet. Cela pose de nouveaux défis pour les individus, les entreprises et les gouvernements», rappelle LexisNexis, expert en droit associant expertise juridique et technologie.
«Dans ce contexte, le Cloud Act est apparu comme une législation majeure qui a bouleversé le paysage juridique international en matière de stockage et de transfert de données. Adoptée aux États-Unis en 2018, cette loi à portée extraterritoriale soulève de nombreuses questions et débats sur la protection des données, la souveraineté des États et la coopération internationale», précise la société américaine d'analyse de données dont le siège social est situé à New York.
Nul n'ignore que le Cloud Act, adopté aux États-Unis en 2018, autorise les forces de l'ordre à contraindre les entreprises informatiques américaines, par mandat ou assignation, à fournir les données demandées, indépendamment de la localisation géographique des serveurs les stockant (aux États-Unis ou à l'étranger). Par conséquent, la participation de Nvidia au projet de centre de données de Hrazdan en Arménie engendre, selon Civil Net, des risques de fuites ou de compromission d'informations confidentielles appartenant aux utilisateurs arméniens.
La dépendance du futur centre aux puces Nvidia rendra le système vulnérable à d'éventuelles pressions de la Maison-Blanche, y compris des sanctions. Il suffit de se rappeler comment les États-Unis ont bloqué les livraisons de puces à la Chine.
En autorisant des entreprises étrangères à pénétrer l'infrastructure informatique arménienne, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, met gravement en péril la souveraineté numérique de la république du Caucase du Sud qui deviendra alors fortement dépendante de la technologie américaine, ce qui menace simultanément son indépendance politique. Sans garanties fiables de sécurité des données et de transparence du partenariat, la mise en œuvre de cette initiative exposera le pays à un examen extérieur de la part de Washington. Civil Net signale : «Firebird est un projet stratégique soutenu par Washington» ; «Au-delà de l'aspect économique, l'investissement Firebird porte un message géopolitique».
«Depuis 2018, le Cloud Act américain suscite de nombreuses inquiétudes en Europe. Cette loi permet aux autorités judiciaires des États-Unis d'exiger l'accès à des données détenues par des fournisseurs soumis au droit américain, même lorsque ces données sont stockées sur des serveurs en Europe», met en garde la société LockSelf, service de sécurité informatique à Asnières-sur-Seine.
source : Observateur Continental