Par Moon of Alabama - Le 16 février 2023
Le soir du 15 février, le ministère russe des Affaires étrangères publiait des informations sur un appel téléphonique entre le ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, et le secrétaire d'État, Anthony Blinken. CGTN en a fait un rapport, le 16 février :
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé mardi les États-Unis à abandonner la rhétorique agressive dans le dialogue sur les garanties de sécurité et à faire preuve d'une approche pragmatique sur ce sujet, rapporte l'agence de presse publique Tass.Lavrov a eu un entretien téléphonique avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken, au cours duquel le diplomate russe a souligné la nécessité de continuer à travailler ensemble.
« De notre côté, il a été souligné qu'il est nécessaire de poursuivre le travail commun, comme cela a été convenu par les présidents (de la Russie Vladimir) Poutine et (des États-Unis Joe) Biden lors de leur appel téléphonique du 12 février, dans le cadre des propositions des États-Unis et de l'OTAN sur les garanties de sécurité«, a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères, selon TASS.
« Lavrov a spécialement souligné l'inadmissibilité de la rhétorique agressive attisée par Washington et ses alliés les plus proches et a appelé à un dialogue pragmatique sur l'ensemble des questions soulevées par la Russie, en mettant l'accent sur le principe de la sécurité indivisible.«
La Russie avait précédemment envoyé aux États-Unis et à l'OTAN des demandes de pourparlers sur plusieurs questions. Le point le plus important pour la Russie était le terme « sécurité indivisible«, selon lequel la sécurité d'une partie ne doit pas interférer avec la sécurité de l'autre partie.
Ce terme figure dans plusieurs traités conclus avec la Russie. La Russie affirmait que l'expansion de l'OTAN menaçait sa sécurité et violait ainsi ces traités. Bien que les États-Unis l'aient nié, il est évident que toute expansion de l'OTAN augmentait le danger potentiel pour la Russie. La Russie et l'OTAN se sont donc retrouvées dans un dilemme de sécurité classique :
Dans les relations internationales, le dilemme de sécurité (également appelé modèle de la spirale) se produit lorsque l'augmentation de la sécurité d'un État (comme l'accroissement de sa force militaire) amène les autres États à craindre pour leur propre sécurité (parce qu'ils ne savent pas si l'État qui accroît sa sécurité a l'intention d'utiliser son armée croissante à des fins offensives). Par conséquent, les mesures de renforcement de la sécurité peuvent conduire à des tensions, à une escalade ou à un conflit avec une ou plusieurs autres parties, produisant un résultat qu'aucune des parties ne souhaite vraiment ; une instance politique du dilemme du prisonnier.
Les États-Unis ont répondu au document russe en concédant sur certains points mineurs que la Russie réclamait depuis longtemps, mais pas sur les grandes questions, dont la plus importante était la « sécurité indivisible«.
Le 2 février 2022, j'avais décrit le processus en détail :
(À la mi-décembre, la Russie a commencé à contrer la démarche des États-Unis. Elle a publié deux projets de traités, l'un avec les États-Unis et l'autre a vec l'OTAN, qui comportaient des exigences strictes en matière de sécurité :
- Plus d'expansion de l'OTAN vers les frontières de la Russie.
- Retrait de l'invitation adressée en 2008 par l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie.
- Retrait des forces étrangères de l'OTAN de l'Europe de l'Est.
- Garantie juridiquement contraignante qu'aucun système de frappe pouvant cibler Moscou ne sera déployé dans les pays proches de la Russie.
- Aucun « exercice » de l'OTAN ou d'un organisme équivalent (Royaume-Uni, États-Unis) à proximité des frontières russes.
- Les navires et les avions de l'OTAN doivent respecter certaines distances par rapport aux frontières russes.
- Discussions régulières entre militaires.
- Pas d'armes nucléaires américaines en Europe.
La Russie demande des réponses écrites et menace de prendre des mesures « militaro-techniques » si les réponses sont négatives. La Russie a également prévu et lancé de nouveaux exercices militaires.
Les réponses ont été reçues mais, suite à une demande des États-Unis, la Russie s'est abstenue de les publier. Elles ont été divulguées par El Pais, publiées aujourd'hui et peuvent être téléchargées ici (pdf).
La réponse des États-Unis aux projets de traités de la Russie est professionnelle. S'ils rejettent les principales demandes de la Russie, notamment un statut de neutralité pour l'Ukraine, ils cèdent sur des questions mineures et proposent des discussions supplémentaires à leur sujet. La réponse de l'OTAN est en revanche hautement idéologique et rejette tous les points soulevés par la Russie tout en formulant de nouvelles exigences à l'égard de la Russie, conçues pour être rejetées. (Il est désormais probable que les futures négociations excluent l'OTAN).
La Russie n'a pas encore répondu officiellement aux lettres reçues. Au cours d'une conférence de presse tenue après des entretiens avec le premier ministre hongrois, le président russe a fait une remarque sur les lettres :
« Tout en ignorant nos préoccupations, les États-Unis et l'OTAN font référence au droit des États de choisir librement des méthodes spécifiques pour assurer leur sécurité. Mais il ne s'agit pas seulement de donner à quelqu'un le droit de choisir librement des méthodes pour assurer sa sécurité. Il ne s'agit que d'une partie de la formule bien connue de la sécurité indivisible. La deuxième partie inaliénable implique qu'il est impossible de renforcer la sécurité de quiconque au détriment de celle des autres États. »
Le ministère russe des Affaires étrangères a envoyé une lettre à plusieurs pays de l'OTAN dans laquelle il leur demande leur avis officiel sur plusieurs accords qu'ils ont signés et qui comportent des clauses sur l'indivisibilité de la sécurité :
L'essence même des accords sur l'indivisibilité de la sécurité est que soit il y a la sécurité pour tous, soit il n'y a pas de sécurité pour personne.
Comment la signature de ces traités et la sécurité indivisible pour tous sont-elles compatibles avec l'expansion agressive de l'OTAN visant la Russie ? Les ministères des affaires étrangères « occidentaux » auront du mal à répondre à cette question.
France 24 a énuméré quelques-uns des titres pertinents de la journée :
- Crise ukrainienne : Moscou annonce la fin des exercices en Crimée, l'OTAN n'est pas convaincue.
- Le Parlement russe demande à Poutine de reconnaître les régions séparatistes de l'Est ukrainien.
- Crise ukrainienne : Le retrait de la Russie suscite le scepticisme des alliés occidentaux
- Journée de l'unité : Les Ukrainiens hissent des drapeaux pour défier la crainte d'une invasion russe
- L'OTAN déclare que la Russie semble poursuivre l'escalade militaire en Ukraine
- Le chef de l'OTAN déclare que la Russie semble poursuivre l'escalade militaire autour de l'Ukraine
La mission spéciale d'observation de l'OSCE sur la ligne de cessez-le-feu dans le sud-est de l'Ukraine a signalé le 16 février que le nombre de violations du cessez-le-feu était soudainement passé au-dessus de la moyenne. Des échanges d'artillerie ont eu lieu sur de nombreuses parties du front.
Dans la région de Donetsk, le SMM a enregistré 189 violations du cessez-le-feu, dont 128 explosions. Au cours de la période précédente, il avait enregistré 24 violations du cessez-le-feu dans la région.Dans la région de Louhansk, la Mission a enregistré 402 violations du cessez-le-feu, dont 188 explosions. Au cours de la période précédente, elle avait enregistré 129 violations du cessez-le-feu dans la région.
Le 16 février, les observateurs ont remarqué plusieurs obusiers automoteurs (2S1 Govzdika, 122 mm) en violation des lignes de retrait. Quatre ont été vus du côté du gouvernement ukrainien et deux du côté non gouvernemental.
Après trois jours plus ou moins calmes, la reprise soudaine des combats a été particulièrement sensible.
La carte montre les explosions, les petits points noirs, des deux côtés de la ligne de cessez-le-feu.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.