27/04/2019 reseauinternational.net  7min #155459

 L'initiative chinoise «Ceinture et la route» bat son plein en Europe

Les routes vers l'Ouest

Le journal Beijing Review en date du 16 avril 2019 a publié un article de Helga Zepp-Larouche. Elle donne une vision de ce que représente l'Initiative une Ceinture une Route et appelle les Européens, en particulier, et les Occidentaux, en général, à oublier leurs préjugés et à coopérer pleinement avec les Chinois.

Ces dernières années, dans les pays occidentaux les principaux médias et hommes politiques ont choisi d'ignorer dans sa quasi-totalité l'Initiative une Ceinture, une Route proposée par le président chinois Xi Jinping en 2013. Cette initiative, composée de la Ceinture Économique des Routes de la Soie et de la Roue Maritime de la Soie du 21è siècle, répond de façon efficace aux besoins en infrastructures des pays en voie de développement, besoins que l'Occident n'a jamais pris en considération.
Cependant l'establishment occidental a fini par s'apercevoir que la Chine, en plus de construire en quantités phénoménales lignes ferroviaires, ports, ponts, centrales d'énergie et zones industrielles en Asie, en Afrique et même en certaines parties d'Europe, offre la perspective d'éradiquer la pauvreté et fait naître un optimisme sans précédent.

La vision chinoise

La Chine a impressionné le monde en sortant de la pauvreté plus de 700 millions de personnes au cours des quarante dernières années, construisant le meilleur réseau au monde de trains à grande vitesse et devenant l'une des principales nations aérospatiales. Elle propose à présent de partager cette expérience avec les pays jusque-là relégués au « Tiers-Monde ».
Les dirigeants de ces pays ont depuis demandé à être considérés de la même manière par l'Occident, et non plus comme de simples bénéficiaires d'une aide au développement qui la plupart du temps s'évapore dans les poches des organisations non-gouvernementales.

Comme par hasard, plusieurs grands think-tank transatlantiques ont sorti au même moment de longs rapports sur la question : derrière l'Initiative une Ceinture, une Route se cacherait la tentative contre-nature de la Chine de remplacer le « système fondé sur des règles » (ce qui désigne en réalité l'impérialisme anglo-américain) par un impérialisme chinois entraînant les pays participant dans un soi-disant « piège de la dette ». Selon eux la Chine serait fondée sur un système autoritaire, ce qui engendrerait une concurrence systémique entre « l'économie de marché, libérale et ouverte » et « l'économie chinoise dirigée par l'Etat ».

Ironiquement, ce sont ces mêmes critiques néolibéraux qui en 2001 accueillirent les bras ouverts la Chine dans l'Organisation Mondiale du Commerce, certains qu'elle adopterait le modèle occidental de démocratie et d'économie néolibérale.

Convaincus de leur supériorité politique et culturelle, ils n'ont pas voulu perdre leur temps si précieux à réfléchir sur les concepts, pourtant révolutionnaires, comme celui d'une " communauté de destin partagé pour l'humanité ", présentés par Xi et d'autres dirigeants chinois aux responsables politiques du monde entier lors de centaines de conférences internationales.

Avec leurs lunettes géopolitiques et leurs oreillettes coloniales, jamais ils n'ont pu imaginer que la Chine puisse être sérieuse en présentant un nouveau modèle de relations internationales qui placerait le principe d'une humanité unie au-dessus des simples intérêts nationaux.

Quiconque analyse la politique chinoise dans son ensemble, et sa réussite en terme de réduction de la pauvreté, arrive à la conclusion que la Chine passe des paroles aux actes.

L'objectif de la politique chinoise est de créer un nouveau paradigme dans les relations stratégiques, remplaçant la géopolitique par une coopération gagnant-gagnant, afin que la politique internationale ne soit plus un jeu à somme nulle mais au contraire, un lieu où règne l'harmonie.

La Chine agit ainsi sur la base d'une philosophie confucéenne, où la paix ne peut être atteinte qu'avec le développement harmonieux de tous. Mais ainsi, elle respecte également les principes du Traité de Paix de Westphalie, selon lesquels toute politique de paix doit aller dans l'intérêt de l'autre.

Coopération avec l'Union Européenne

L'esprit des Nouvelles Routes de la Soie a aussi gagné un nombre croissant de nations européennes, dont certaines ont signé avec la Chine des accords officiels de coopération dans le cadre de l'Initiative une Ceinture, une Route. Au sein de l'UE, des États-membres d'Europe de l'Est, d'Europe centrale et du sud de l'Europe, ainsi que des villes et régions d'autres endroits du continent ont réalisé tout l'intérêt de travailler avec la Chine pour construire de nouvelles infrastructures ou moderniser celles en place, là où la politique d'austérité de l'Union européenne n'a fourni aucun financement.

Des ports tels que Le Pirée, Trieste, Duisbourg, Hambourg, Rotterdam et Sines ont saisi les opportunités économiques sans précédent qui leur sont offertes en tant que plateformes d'échange pour les lignes ferroviaires eurasiatiques, qui connectaient en 2018 56 villes chinoises à 49 villes européennes. Aussi espèrent-ils devenir les carrefours commerciaux des Routes Maritimes de la Soie du 21e siècle.

Du point de vue de l'histoire universelle, il est évident que l'intégration grandissante des infrastructures est la précondition d'un développement industriel et agricole pour tous.

C'est pourquoi en Europe, les forces attachées à l'ancien paradigme néolibéral ont déjà sonné le tocsin, préférant accuser la Chine de diviser l'Europe - comme si elle n'y arrivait pas toute seule - plutôt que de remettre en question leurs propres politiques. Contrairement à la Chine, aucun plan d'éradication de la pauvreté n'est prévu au sein de l'UE.

L'artillerie lourde de la propagande a été mobilisée contre la Chine, juste avant la visite officielle de Xi Jinping en Italie en mars dernier qui s'est soldée par la signature d'un protocole d'entente sur l'Initiative une Ceinture, une Route. Mensonges et menaces d'un genre nouveau ont vu le jour, accusant la Chine d'entraîner l'Italie, membre du G7 et membre fondateur de l'UE, loin des États-Unis, et prétextant que l'Italie ne tirerait aucun bénéfice économique d'une telle coopération et ternirait son image internationale.

Une idée alternative

De toute évidence, certains cercles, qui doivent leurs privilèges de ce « système libéral de la démocratie occidentale » qui a accentué le fossé entre les riches et les pauvres au-delà du seuil de souffrance pour de plus en plus de gens, n'arrivent pas à dépasser leur vision géopolitique. Mais il existe un chœur grandissant de personnes, comme le chef de l'Institut IFO, un centre de recherches basé à Munich, et d'autres membres du Groupe Européen de Conseil Économique, pour qui la peur suscitée par les investissements chinois en Europe est exagérée, et qui considèrent au contraire que l'intérêt de l'Europe passe par plus d'investissements chinois, pas moins.

Plusieurs dirigeants de PME en Allemagne pensent aussi que les pays européens devraient coopérer avec l'Initiative une Ceinture, une Route.

L'Italie, quant à elle, a le potentiel pour devenir le modèle de coopération pour l'Initiative une Ceinture, une Route. L'ancien ministre de l'Economie et des Finances, Giulio Tremonti, voit son pays comme la porte menant au coeur de l'Europe, déclarant qu'elle pourrait être le moteur de la coopération sino-européenne pour l'industrialisation du continent africain. L'entreprise d'ingénierie chinoise Power China et la firme italienne Bonifica ont déjà signé un protocole d'entente pour la réalisation du plus grand programme infrastructurel d'Afrique, le Projet Transaqua, un système de canaux amenant l'eau des affluents du fleuve Congo jusqu'au lac Tchad pour le remettre à niveau et permettre le développement de plusieurs pays voisins.

La seule option réaliste pour une Europe actuellement divisée serait de coopérer avec la Chine, afin de se réunifier à nouveau. Non seulement par une coopération gagnant-gagnant et le développement conjoint des pays du Tiers-Monde, mais en partageant le riche héritage de la culture classique européenne dans un concert des nations. Si les pays européens se renouent avec leurs propres traditions culturelles, ils n'ont pas à se soucier de la Chine, car chacun participera alors au dialogue entre le meilleur de ce que l'humanité a produit.

L'auteure est la fondatrice de l'Institut Schiller, basé à Washington D.C.

source :  institutschiller.org

 reseauinternational.net