L'Australien Julian Assange, réfugié depuis 6 ans dans l'ambassade d'Equateur à Londres, a lancé une action judiciaire contre le gouvernement de Quito pour protester contre ses conditions de vie, a annoncé Wikileaks vendredi dans un communiqué. Le fondateur de Wikileaks, âgé de 47 ans, a trouvé asile en juin 2012 dans l'ambassade pour échapper à une extradition vers la Suède, où il était recherché pour des accusations de viol et d'agression sexuelle qu'il nie. La procédure a depuis été classée.
Ci-dessous un excellent article qui traite de l'arme atomique du 21ème siècle qui n'est pas physique mais... informationnelle.
A l'heure de la globalisation, l'information est ce qui va compacter le monde en le rendant homogène, cohérent, standardisé, etc.
Mais c'est aussi par l'information vraie ou fausse que l'on peut « corriger » les mentalités pour les massifier à travers la planète. Ainsi la gouvernance mondiale à distance devient possible.
Il existe une machine qui permet la circulation de l'information à travers la planète. Elle consiste à nourrir l'environnement de toutes sortes de nouvelles qui vont des fausses aux justes, en passant par la décrédibilisation de vraies infos. Votre fil d'actualités Facebook en est la parfaite illustration.
Un exemple-type de vraie info non relayée officiellement, et donc passée par la case du mensonge par omission, est la privatisation du privilège régalien qu'est la création monétaire. Un privilège royal qui est en train de révolutionner la planète selon les standards des loups de la haute finance, et d'offrir à ces derniers le pouvoir politique et sociétal.
Silence total.
Ce papier de Myret Zaki tombe à quelques jours de la triste célébration des 3'000 jours de détention arbitraire de Julian Assange. Lui qui ambitionnait d'alimenter la machine d'informations vraies et vérifiées, s'est heurté aux intérêts privés des propagandistes. Il est devenu l'ennemi public numéro1 du Nouveau Monde qui ne supporte pas la lumière de la vérité.
Hommage donc à ceux qui osent défier la loi du silence et qui en paie le prix fort. Nous pensons entre autres à Daphne Caruana Galizia, blogueuse maltaise à l'origine d'accusations qui avaient provoqué des élections anticipées en juin, et qui, il y a 2 ans, a été... explosée dans sa voiture.
En manipulant les informations au gré des besoins privés, c'est la Vérité que l'on rejette en bloc.
LHK
La désinformation, l'arme numéro un. Myret Zaki
Le film Vice met en lumière la manipulation de l'information par les dirigeants américains sous l'ère George W. Bush. Mais ce danger est partout à présent, et à la portée de toutes et tous.
Le film américain Vice, qui retrace la vie du néoconservateur américain Dick Cheney, a un mérite clair: celui de révéler combien les gouvernements peuvent être, eux-mêmes, des sources majeures de fake news et de désinformation, vidant la démocratie de son sens au profit d'intérêts géopolitiques. Tout part d'une forme d'exercice du pouvoir trop centralisé qui renonce à l'éthique, privilégie l'arbitraire, tord les lois et les faits dans un sens politiquement arrangeant pour permettre à certaines ambitions, aux conséquences parfois majeures pour l'humanité, d'aboutir. La production hollywoodienne réalisée par Adam McKay illustre à cet égard comment, avec des doctrines extrapolées à partir de textes de loi et de la Constitution, on peut privilégier des interprétations périlleuses des principes de droit qui garantissaient jusque-là la démocratie. C'est par exemple un jeune avocat ambitieux, Antonin Scalia, qui a conçu pour Cheney la théorie très commode de «l'exécutif unifié», qui allait lui permettre de concentrer de plus en plus de pouvoir aux mains de la Maison Blanche et au mépris du Congrès, qui allait aboutir à la pratique fréquente des gouvernements américains d'entrer en guerre contre des pays étrangers sans passer par l'approbation du législateur. Une doctrine contestable qui se légitimait sur base de l'article 2 de la Constitution des États-Unis (qui confère le pouvoir exécutif au président), et dont se servira Cheney déjà à son poste de chef de cabinet du président Ford pour accroître son influence.
C'est ensuite sur la base d'un accord informel avec George W. Bush, là aussi inscrit nulle part en droit américain, qu'il décuple ses prérogatives en tant que vice-président de ce dernier pour aboutir à une coprésidence inédite. Puis le 11 septembre 2001, après les attentats, il se sert de ses pouvoirs pour ordonner lui-même au Pentagone d'abattre tout avion pouvant présenter une menace. Puis vient le traitement délicat des informations des services de renseignement à propos du 11/09. «Cheney choisissait lui-même les suspects qu'il voulait que la CIA arrête et expulse vers des prisons secrètes et sans lois à l'étranger», écrit James DiEugenio, auteur du livre The JFK Assassination: The Evidence Today, sur le site Consortium News. «C'est Cheney, assisté par David Addington, l'avocat néoconservateur, et Doug Feith, analyste au département d'État, qui a construit «l'usine à gaz» du renseignement afin d'éviter tout examen rigoureux des sources et des méthodes des rapports du renseignement», résume-t-il. C'est ce mépris complet de l'Etat de droit et de la probité des informations qui a jeté les bases erronées de l'invasion de l'Irak. Cheney se rendait au quartier général de la CIA et imposait ses vues parmi ses officiers et analystes, faisant fi de la fiabilité de la source ou de la coercition qui avait été appliquée aux prisonniers pour obtenir les « aveux ». Or Cheney s'assura qu'un maximum de coercition s'appliquait aux suspects qu'il avait choisis. Pour ce faire, il a fallu contourner la Convention de Genève sur le traitement des prisonniers, qui interdisent la torture. Sans peine, Cheney a trouvé un jeune avocat formé à Yale, John Yoo, qui rédigé des avis de droit assurant que, dans la guerre contre le terrorisme, l'Amérique pouvait se dispenser des directives de la Convention de Genève et que la CIA pouvait infliger la douleur physique sauf si le pronostic vital était engagé. C'est donc en foulant aux pieds le droit international que la CIA et l'armée américaine ont pu légitimer les pratiques tortionnaires extrêmes ensuite découvertes dans les prisons d'Abu Ghraib.
L'affaire des néoconservateurs et de la guerre d'Irak n'est pourtant déjà qu'une vieillerie dans le domaine de la propagande. Les outils actuels, depuis l'essor des réseaux sociaux, dépassent de loin les possibilités d'alors. Dans le dernier «New Yorker», une enquête sur la nouvelle «guerre de l'information» raconte les pratiques popularisées par d'anciens espions israéliens et russes. Psy-Group, une firme de propagande fondée en 2014 à Tel Aviv, mais dont la holding était basée à Chypre pour ne pas être identifiée à Israël, et employant d'anciens espions du Mossad, s'est fait connaître aux Etats-Unis parmi les agences les plus agressives dans l'art de fabriquer de fausses informations pour influencer les croyances et les comportements des gens, via internet. Psy-Group faisait partie d'une génération de firmes d'espionnage privée israéliennes (Terrogence, Black Cube) employant d'anciens hauts cadres israéliens du renseignement et du gouvernement, affûtés dans le domaine de l'espionnage et du cyberespionnage. Psy-Group a notamment monté une campagne pour de riches donateurs juifs américains pour embarrasser et intimider des étudiants activistes, dans des universités américaines, qui soutenaient le mouvement BDS en vue de protester de manière non violente contre la politique d'Israël envers les Palestiniens. Le but de cette opération anti-BDS, qui a ciblé dix campus universitaires et rapporté 2,5 millions de dollars de donateurs à la firme, était qu'elle apparaisse sans aucun lien avec des personnes juives américaines ou israéliennes, et qu'elle perturbe les mouvements anti-Israël de l'intérieur. Les employés de Psy-Group recherchaient et publiaient anonymement toutes les informations peu reluisantes qu'ils pouvaient trouver, y compris dans le dark web (non répertorié sur Google) au sujet de membres du mouvement BDS afin de les discréditer. Les avatars agissaient depuis des locaux secrets de Psy-Group, depuis des ordinateurs de bibliothèques ou de cybercafés pour ne pas qu'on remonte leur trace jusqu'à l'agence israélienne. Une autre opération de Psy-Group a cherché à maintenir à son poste Yorai Benzeevi à la tête de l'hôpital de Tulare, en Californie, après qu'il ait été accusé d'enrichissement personnel sur le dos de l'établissement, tombé en faillite. Avec un salaire mensuel de 225'000 dollars (alors que le salaire annuel moyen des habitants de Tulare était de 45'000 dollars), Benzeevi était décrié au point que des citoyens locaux voulaient le faire remplacer. C''est alors qu'il s'est adressé à Psy-Group afin qu'ils «refaçonnent la réalité», selon les termes de l'agence qui se qualifiait de «Mossad privé». Le mandat de l'agence, que Benzeevi a payé 230'000 dollars, a consisté dans ce cas à monter des sites web menant des campagnes de dénigrement contre les opposants à Benzeevi, à détruire leur réputation, le tout en laissant croire qu'il s'agissait d'une initiative spontanée de citoyens de Tulare. La stratégie a finalement échoué et les activistes ont réussi à remplacer Benzeevi à la tête de l'hôpital. C'est en 2016 que Psy-Group a approché agressivement l'équipe de campagne de Donald Trump afin de leur vendre ses services d'influence en ligne. Des témoignages recueillis par le New Yorker semblent attester qu'une campagne secrète pourrait avoir eu lieu sur les réseaux sociaux, menée par l'agence israélienne, et qu'elle aurait contribué à sa victoire. La firme a toutefois nié avoir mené une telle campagne en faveur de Trump, mais semble avoir simulé les effets d'une campagne d'influence théorique pour convaincre les donateurs qu'elle pitchait. Une présentation Powerpoint de Psy-Group analysait les effets de trolls pour influencer une élection en montrant que des avatars pro-Trump ont par exemple envahi la page Facebook de Bernie Sanders, les inondant de liens vers des articles anti-Hillary Clinton tirés de sites bidon. Avatars, bots, fake news, photomontages, sites sans adresse identifiable, faux comptes e-mail, sociétés écran, faux employés de sociétés bidon, faux think tank destiné à promouvoir un client politique et à démonter ses adversaires, tels sont seulement quelques-uns des outils employés par ces firmes. Un avatar introduit par Psy-Group à Bruxelles a permis à une entreprise d'obtenir l'autorisation des organes de régulation européens. Au fil du temps, cet avatar est devenu si bien établi que la presse et les parlementaires européens le citaient régulièrement, indiquent les enquêteurs du New Yorker.
Les services, payés en cash ou sur des comptes offshore, incluent essentiellement des attaques contre les adversaires ou concurrents des clients (entreprises ou politiques) de la firme et leur réputation. Mais les techniques trop virulentes de Psy-Group ont souvent échoué. L'agence, sous le coup d'une enquête du FBI et en difficulté financière, a fermé ses portes en février 2018. Le concept, lui, a encore de très beaux jours devant lui. L'autre agence israélienne, Black Cube, existe encore (un ancien directeur du Mossad vient de rejoindre leur advisory board) et connaît un succès grandissant malgré sa réputation sulfureuse. Ces techniques d'influence en ligne, auxquelles recourent depuis longtemps les traders pour manipuler le marché afin de faire chuter le cours d'une action pour gagner sur un pari à découvert (short), se répandent aujourd'hui dans tous les domaines. Ces agences sont donc loin d'être hors circuit malgré les révélations choquantes de la presse américaine. Certaines meurent, d'autres naissent, et la demande pour les «Mossad privés» n'en est peut-être qu'à ses débuts. Des entreprises de l'immobilier n'hésitent pas à employer des avatars qui créent l'illusion qu'une propriété attire beaucoup d'acheteurs pour faire monter son prix, ou en répandant une rumeur sur la présence de substances toxiques pour mettre en difficulté des concurrents. Tous les coups sont permis et il est très problématique que ces techniques de manipulation soient commercialisées auprès d'entreprises (principalement aux Etats-Unis) comme s'il s'agissait de conseils anodins, que des etudes davocats les aient autorisées à opérer et qu'elles ne soient pas encore déclarées parfaitement illégales. Comme dans le domaine de l'évasion fiscale, qui a toujours un ou deux coups d'avance sur les autorités, il faut en réalité s'attendre à ce que de nouvelles stratégies secrètes émergent au fur et à mesure pour remplacer celles qui ont échoué ou ont été dévoilées. Les réseaux sociaux favorisent la croissance de l'industrie du fake plutôt que l'inverse, leur activité étant par définition difficile à détecter. Les utilisations d'avatars sont théoriquement illimitées et rendent l'environnement internet hautement suspect et le soumettent à la nécessité de vitales vérifications de la moindre information. Ce type de compétences s'est d'abord développé en ligne chez les services russes, qui ont recouru à une variété d'outils, piratage, avatars en ligne, et sites web propageant de fausses informations.
Toute guerre est basée sur la tromperie, disait Sun Tzu. La guerre de l'information n'est en rien différente. Toutes les techniques que l'on trouve sur les réseaux sociaux et les sites d'information propagandistes et fake ne sont qu'un transfert de la longue expérience des pratiques de l'espionnage, qui a toujours utilisé la vieille ficelle de la désinformation comme arme de déstabilisation de l'adversaire, bien avant l'arrivée d'internet. Les Russes avaient ainsi propagé l'idée que le SIDA avait été fabriqué par des scientifiques du gouvernement américain en tant qu'arme biologique. La CIA avait soutenu la publication de livres de d'opposants politiques en URSS pour accroître le sentiment anti-soviétique et enflammer la dissidence à l'intérieur du pays. Un nombre incalculable de coups d'Etat a été organisé avec l'aide d'une propagande populaire agressive contre les régimes à renverser. La fin de la Guerre froide n'a en réalité rien changé à la rivalité stratégique entre les puissances. Bien vite, dans l'ère post-soviétique, les Russes ont pris de vitesse les Américains et les Israéliens dans l'art de développer l'arme de l'influence en ligne, notamment en soutenant massivement le candidat Donald Trump et en divisant l'opinion des électeurs américains avec une efficacité qui a surpris leurs adversaires. Du côté américain, l'approche était restée prudente jusque-là. Les forces spéciales américaines avaient de leur côté monté PsyOps, une unité dédiée à la guerre de l'information, qui a créé des sites web expérimentaux pour cibler des lecteurs en Europe de l'Est ou en Afrique du Nord. Des sites configurés pour ressembler à des sources indépendantes aux yeux du lecteur non averti. Seul l'internaute qui recherchait longtemps sur le site pouvait découvrir le lien de ce dernier avec l'armée américaine. Mais combien de lecteurs le font-ils ?
Le problème avec la désinformation, c'est que tout le monde s'y met, et même les effets malveillants s'annulent entre eux. Avec internet, le procédé est si bête et méchant, que même des enfants peuvent, tristement, y recourir avec succès pour déstabiliser leurs camarades de classe. Les fondateurs de Psy-Group et de Terrogence reconnaissent eux-mêmes, dans l'enquête du New Yorker, que «tout est fake» et que la désinformation est partout, que les prestataires de ce type, dont certains sont «capables de tout», inondent désormais le marché. C'est pourquoi au final, tout le monde a intérêt à ce qu'il y ait des réglementations et de puissants garde-fous contre les avatars et la désinformation. Mais comme cette dernière va fatalement continuer à proliférer, la seule véritable arme qui puisse la combattre aujourd'hui est la réinformation, c'est-à-dire le « debunking » (démontage et rectification) patient et méticuleux de ces manipulations souvent terriblement grossières et jamais étayées. Aux citoyens, désormais, de s'organiser eux-mêmes dans ce but, car toutes les autres entités seront tentées d'y recourir.
Myret Zaki