«On veut nous affamer, nous mettre à genoux. C'est pour nous forcer à accepter toutes les conditions de la classe politique», s'emporte une jeune libanaise. La directrice de l'établissement bancaire vient de lui refuser tout retrait en dollars ou en euros.
Un autre client de banque témoigne:«Au début de la révolte, je pouvais retirer 1 000 dollars par semaine. Puis 400 dollars, aujourd'hui 200.»Cet entrepreneur a fini par brader sa voiture pour 4 000 dollars, alors qu'elle en valait 6 500, histoire de récupérer quelques billets verts du très cher oncle Sam.
Et comme nous l'avions dit précédemment, les entrepreneurs et autres indépendants sont de plus en plus handicapés et risquent la cessation d'activités due à la difficulté d'accéder à leur propre argent! Libération nous livre le cas d'une gynécologue qui s'insurge: »«Je dois mendier auprès de la banque pour retirer mon propre argent. Je ne peux sortir que 300 dollars par semaine. Or le loyer de ma clinique est de 400 dollars et le salaire de ma secrétaire de 600 dollars. Il me reste 200 dollars par mois pour vivre avec ma mère que j'ai à ma charge.»
Tout comme en Europe dans le cas des capitaux de retraite, ces citoyens se voient confisquer leurs propriétés privées qui sont aux mains de banquiers, supervisés et régulés par le banquier central.
Avec la dégringolade de la livre libanaise face au dollar, les gens se sont brusquement appauvris d'un jour à l'autre de plus de 50 %. A l'image de l'Argentine! Même arme de destruction massive. Même résultat.
L'exemple argentin:Voilà que le 16 Décembre 2015, soit quelques jours après l'élection du président Macri et la démission forcée du gouverneur de la banque centrale Alejandro Vanoli, M. Alfonso Prat-Gay, ministre fraîchement nommé au département du budget et des finances, abolit le contrôle des changes.
Du coup, en quelques heures, les taux parallèles (Marché noir et officiel) se sont mis à converger à 14 pesos le dollar. Chute en quelques heures du peso de 25 à 30% face au dollar! Coût de l'opération : $167mia de PIB. S'en est suivi une inflation de 28% en cinq mois. Ceci fit dire au Financial Times, "Les Argentins se sont réveillés jeudi plus riches que les Polonais, les Chiliens et les Hongrois mais à l'heure du coucher, ils étaient non seulement plus pauvres que l'ensemble des citoyens des trois pays précédents, mais aussi moins riches que les Mexicains, les Costariciens et les bonnes gens de la Guinée équatoriale."
Cette chute du peso argentin a eu un impact immédiat sur l'épargne des ménages, sur les bilans comptables argentins déclarés en dollars, mais aussi sur la dette extérieure exprimée en dollar américain. On voit ainsi à quel point une action monétaire a des effets complexes et systémiques. Cela est d'autant plus dramatique que la chute se poursuit et que le dollar américain vaut 43 pesos argentins. Les investisseurs munis de dollars jubilent! Les coûts des emplettes, des investissements directs, des salaires locaux ou des hydrocarbures plongent.
Le dollar est devenu une source d'enrichissement extravagant du très petit nombre. (Extrait du livre Coup d'Etat planétaire)
1 « Argentine:Le dollar américain prend de sacrées couleurs. Le peuple pleure... » lilianeheldkhawam.com
Dans le cas des Libanais, non seulement ils se sont appauvris de 50%, mais ils ont aussi perdu autant en pouvoir d'achat, ET la dette a pris l'ascenseur dans une proportion équivalente (Une bonne partie de la dette publique a été contractée en eurodollar alors que le gouvernement libanais doit payer en livres libanaises)! L'effet du taux de change multipliera tôt ou tard le montant de la dette publique. Il suffirait que le banquier central désarrime la livre du dollar US pour que le volume de celle-ci connaisse une progression importante.
Cumul des peines donc créant non plus un cercle mais une spirale vicieuse.
Pourtant la dette ne suffit pas à expliquer la pénurie de dollars. Les causes sont évidemment multiples. Toutefois, la plus importante qui frappe régulièrement les banques de la planète est l'assèchement des liquidités et la pénurie de dollars, car notre équipe de la finance globale fait circuler ses immenses capitaux au gré de ses choix, voire de son bon plaisir.
Voici donc l'occasion de présenter le scandale qui a fait suite à la migration hors du Liban de plusieurs milliards de dollars alors que le banquier central avait posé une quasi interdiction de transferts de capitaux vers l'étranger.
Fin 2019, le journal l'OLJ nous apprenait que « selon M. Fadlallah, des versements suspects de 9 milliards de dollars auraient été faits dans des banques suisses, en plus de deux milliards associés à des prêts contractés au nom de personnes résidant au Liban. Le gouverneur de la BDL « s'est engagé à former une commission d'enquête » sur cette affaire, a poursuivi le député hezbollah ».
Le même OLJ relayait aussi les propos de l'avocat spécialisé en droit des affaires, Nabil Zakhia, interviewé sur le sujet. Il expliqua « que si de tels transferts bancaires ont été autorisés par les banques locales, il s'agirait « d'une rupture d'égalité entre les déposants, manifestement abusive. Même si il n'y a pas de contrôle légal des capitaux et que ces mesures restrictives sont laissées à la discrétion des banques, elles ne peuvent être arbitraires ». »
Une capture d'écran qui aurait été prise depuis un ordinateur de la Banque du Liban circule sur le net depuis quelque temps. Elle présente la liste de noms de personnalités politiques et d'importantes sommes importantes qu'ils auraient transférées vers l'étranger autour des mois d'août-septembre 2019. Pourtant on a beau cumuler les millions, nous n'arrivons pas aux potentiels 11 milliards qui se seraient évaporés dans les banques en Suisse.
Après une promesse de faire la lumière sur le sujet, M Riad Salamé, gouverneur de la BdL, et a saisi la commission spéciale des investigations. Et voilà que le 9 janvier, celle-ci demande -non sans humour- « à toutes les banques opérationnelles au Liban, et à leur propre responsabilité (surligné) et durant une période qui s'étend jusqu'à maximum 31-01-2020, d'examiner de nouveau les comptes des PEP chez eux, selon l'article I paragraphe b de l'article 9 du circulaire numéro 83 (système des surveillances des opérations financières et banquaires pour la lutte contre le blanchiment d'argent et l'argent du terrorisme), sur lesquels ont eu lieu des virements vers l'étranger, et ceci durant la période qui s'étend entre 17-1019 et 31-12-19, en plus de préciser la source de ces sommes qui y ont été déposées, et informer la commission s'il existe une quelconque suspicion sur ces comptes. »
Et devinez qui signe la lettre? M Riad Salamé!
Et la requête cible exclusivement les personnalités politiques. Et pourquoi pas les banquiers eux-mêmes ou d'autres investisseurs?
Lire la suite: libnanews.com
Nous apprenons aujourd'hui que « Des sources proches de la Banque du Liban (BDL) ont indiqué à la chaine de télévision LBCI qu'aucune banque aurait répondu à l'appel de la commission spéciale d'enquête au sujet du transferts de fonds à l'étranger entre le 17 octobre et la fin de l'année 2019. »
Lire la suite: libnanews.com
Plus d'1/5ème du PIB du pays quitte le pays, et les dirigeants du trafic de paiement du pays qui se trouvent à la Banque du Liban n'auraient pas les moyens d'identifier la traçabilité de ces sommes remarquables?
Aussi, nous pouvons confirmer les paroles de l'avocat Nabil Zakhia:« La Commission de contrôle des banques peut facilement connaître les montants et la date de ces transferts présumés. Le cas échéant, la Commission spéciale d'investigation (CSI) devra diligenter une enquête sur la licéité de ces fonds, étant donné les sommes exorbitantes se rapportant à des personnes politiquement exposées ». (OLJ cité plus haut)
Voici notre hypothèse.
Les investisseurs étrangers, qui ont accouru des quatre coins de la planète pour mettre leurs billets verts à disposition de la très généreuse ingénierie financière de la Banque du Liban, ont dû être autorisés à reprendre leurs biens. Mais pas seulement. Les grandes banques libanaises se sont globalisées et sont fortement présentes à l'étranger, y compris en Suisse. Nous pouvons dès lors supposer qu'elles aient préféré mettre leurs capitaux à l'abri de la colère du peuple?
Dans tous les cas, l'enquête du banquier central aurait dû imprimer le listing des mouvements du trafic de paiement et pointer comme le ferait n'importe quel contrôleur de gestion les mouvements de capitaux suspects, et regarder par la suite qui en sont les expéditeurs et les bénéficiaires Demander aux banques de se centrer exclusivement sur les personnalités politiques revient à restreindre l'enquête promise.
Liliane Held-Khawam
Quelques informations sur 4 banques libanaises
Ceci dit, le Liban présente une spécialité peu connue en Occident. Certains hauts dirigeants politiques seraient aussi propriétaires de banques.Mais pas seulement. Une forte présence d'institutions non libanaises sont à relever.
Et voilà ce que donnent nos recherches.
Audi bank
Nous voyons que FRH Investment holding est le premier actionnaire de la Audi Bank. Et selon le site ci-dessous, la structure en question aurait été la propriété de M Fahd al-Hariri, fils de feu le premier ministre Hariri.
La famille de l'ancien premier ministre Mikati pointe à la septième place.
La présence de la BERD et d'un établissement propriété de la Banque mondiale à la 11 ème et la 12ème places semble curieuse
Byblos Bank les investisseurs
Byblos bank se distingue par une forte présence américaine en tant que principale actionnaire. La 2ème place est occupée par l'établissement affilié à la Banque mondiale.
Blom Bank
34,37% des actions de cette grande banque est aux mains d'une représentante de Wall Street: Bank of New York!
LSE
BankMed (Suisse)
Cette banque détient une succursale en Suisse (cf ci-dessous). Elle est elle-même globalisée de par sa présence dans différents pays. Elle bénéficie d'actifs de 11 milliards, soit 11% du secteur bancaire libanais. BankMed représente la principale activité de GroupMed, le bras financier du groupe Hariri.