Le gouvernement Macron présentait mardi son projet de loi de «sécurité globale» à l'Assemblée nationale. Après la loi contre le séparatisme, ce projet de loi instaure un état d'urgence permanent contre l'opposition des travailleurs et des jeunes à la politique du gouvernement Macron et de l'UE, octroyant des pouvoirs draconiens à la police.
Ses dispositions sont sans précédent. La diffusion d'images des forces de l'ordre sera passible d'une amende de 45.000 euros et d'une peine d'un an d'emprisonnement si les images peuvent nuire à «l'intégrité physique ou psychique» des forces de l'ordre. Ce critère subjectif permet à la police d'arrêter n'importe qui qui les filmerait, en déclarant qu'ils se sentent gênés psychiquement, minant la liberté de la presse et stoppant tout reportage des violences policières.
Ce projet de loi permet l'utilisation de nouveaux moyens technologiques. L'accès aux images tirées des systèmes de vidéosurveillance, de caméras-piétons ou encore des images de surveillances des parties communes des immeubles locatifs seront étendus aux polices municipales. Le projet de loi autorise la surveillance vidéo par des drones en manifestation avec reconnaissance faciale.
Un texte glissé dans la loi de programmation de la recherche interdit les manifestations d'étudiants: «Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement, est passible des sanctions.» Ceci peut aller jusqu'à 3 ans en prison et 45.000 euros d'amende.
Manifestement, après des années de grèves et de luttes sociales en France et à l'international, un tournant est atteint. Suite à la répression sanglante des «gilets jaunes» et des grévistes, la vague de manifestations internationale, y compris en France contre le meurtre par la police de George Floyd aux USA a terrifié Macron. Alors que la colère monte contre le bilan désastreux de la gestion par l'État de la pandémie de Covid-19, la classe capitaliste se tourne vers une dictature policière.
Des inégalités sociales insoutenables et une criminalité d'État révélée par la pandémie minent partout ce qui reste des normes démocratiques. Aux USA, Trump refuse d'avouer sa défaite aux élections présidentielles et met en marche un coup d'État, lançant des appels de pied aux milices d'extrême-droite. En France, le gouvernement foule aux pieds des droits constitutionnels, tels la liberté de presse et le droit de manifester, en imposant une loi scélérate qui n'est qu'une tentative désespérée d'étrangler l'opposition sociale par un climat de terreur.
Cette loi est incontestablement incompatible avec un gouvernement démocratique. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU et la défenseure des droits de l'État français, Claire Héron, ont tous deux dénoncé la loi et insisté qu'elle méprise des principes démocratiques fondamentaux.
Selon l'ONU, les diffusions d'images de la police sont «légitimes dans le cadre du contrôle démocratique des institutions publiques. Son absence pourrait notamment empêcher que soient documentés d'éventuels abus d'usage excessif de la force par les forces de l'ordre lors de rassemblements.» L'ONU a ajouté qu'en adoptant cette loi, la France enfreindrait la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention européenne des droits de l'homme.
Héron a averti que la loi «n'est pas nécessaire à la protection des policiers et gendarmes, porte aussi atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'expression et crée des obstacles au contrôle de leur action.» Elle a ajouté que l'enregistrement des manifestants envisagé par la loi menacerait «la vie privée des personnes visibles sur ces enregistrements» et serait «susceptible de porter atteinte à la liberté de manifester, dont l'Etat assure la protection».
Pendant la présentation de ce projet de loi à l'Assemblée, des manifestations ont dénoncé cette loi liberticide. Plusieurs centaines de personnes étaient réunies mardi à Marseille comme à Rennes, place de la République. À Lyon, 700 personnes ont participé vers 18h00 à un rassemblement devant la préfecture. À Toulouse, 1.300 manifestants selon la préfecture, dont de nombreux «gilets jaunes» venus pour les deux ans du mouvement, se sont rassemblés dans le centre, dispersés par les forces de l'ordre à coups de gaz lacrymogène au bout d'une heure.
À Paris, des centaines de personnes s'étaient rassemblées en milieu d'après-midi mardi à l'appel notamment de syndicats de journalistes et associations de défense des droits de l'homme. Les forces de l'ordre les ont entourées et gazées avant de procéder à 33 interpellations.
Un journaliste de France3 qui filmait la manifestation sur son portable a été arrêté et mis en garde à vue pendant 12 heures. «Identifié par sa carte de presse, il a été néanmoins arrêté et remis en liberté aujourd'hui en tout début d'après-midi. Aucun autre motif de garde à vue et l'affaire a été classée sans suite», a déclaré France3-Paris-Île de France, qui a ajouté qu'elle «condamne avec la plus grande fermeté cette arrestation abusive et arbitraire d'un journaliste dans l'exercice de son travail.»
France Télévisions a publié un communiqué dans lequel «La Direction de France Télévisions condamne cette restriction des droits de la presse et l'obstruction au bon exercice du droit d'informer» et «se réserve l'éventualité de toutes suites utiles».
Néanmoins, des membres du parti LREM de Macron défendent la loi coûte que coûte. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui faisait appel à des haines antisémites et antimusulmanes en critiquant les sections kacher ou halal des supermarchés lorsqu'il évoquait sa loi contre le «séparatisme», n'a pas laissé de doute que cette loi vise à museler la presse.
Il a défendu la garde à vue du journaliste de France-Télévisions en disant que s'ils veulent filmer les manifestations, les journalistes «doivent se rapprocher des autorités» et «rendre compte.»
Une puanteur fasciste se dégage de la politique de l'État. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur du projet de loi et ex-patron du Raid, a indiqué qu'il voulait imposer la censure pour stopper la montée de la colère contre les forces de l'ordre. Selon lui, la loi vise à «regagner du terrain» perdu dans la «guerre des images» que «l'autorité, l'État en particulier, est en train de perdre».
Fauvergue ne l'a pas dit, mais la cible de cette guerre menée par l'État est le peuple, et avant tout la classe ouvrière.
Ces cinq dernières années, d'innombrables vidéos sur les réseaux sociaux ont révélé des violences policières contre les «gilets jaunes», les cheminots, ou des étudiants. Pendant le seul mouvement des «gilets jaunes», il y a eu 11.000 gardes à vue, plus de 4.400 manifestants blessés, des dizaines d'éborgnés et une habitante de Marseille, l'octogénaire Zineb Redouane a été touchée et tuée par une grenade lacrymogène. L'État a fait décorer le chef de l'unité de police qui avait tué Redouane.
La lutte contre la politique fascisante de Macron, y compris sa décision de forcer travailleurs et jeunes à rester au travail ou à l'école et ainsi à répandre le virus, nécessite la mobilisation politique indépendante des travailleurs sur un programme socialiste et internationaliste. Les appareils syndicaux et leurs alliés politiques, le PS bourgeois et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon sont tous intégrés à l'appareil de l'État policier.
LFI par l'intermédiaire de Danièle Obono dénonce le risque «d'autocensure» et Hérvé Saulignac (PS) a déclaré qu'«il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Même Sarkozy n'était jamais allé aussi loin». Ces critiques sont hypocrites, car l'instauration d'un état d'urgence vient du gouvernement PS de François Hollande. Utilisant le prétexte des attentats terroristes, Hollande a donné les pleins pouvoirs à la police contre l'opposition des jeunes et des travailleurs à la loi Travail en 2016. Le groupe parlementaire de Mélenchon a voté l'état d'urgence en 2015.
Le projet de loi de sécurité globale est dans la continuité de la politique du PS, qui permet aujourd'hui à Macron de tenter d'instaurer un état d'urgence permanent.
Les menaces de Covid-19 et de l'imposition d'une dictature par l'aristocratie financière pose un défi politique aux travailleurs. Stopper le virus exige la formation de comités de sécurité - indépendants des syndicats, qui mènent la politique officielle de retour au travail - pour informer les travailleurs et les jeunes dans les lieux de travail et les écoles et lutter pour un confinement leur permettant de s'abriter chez eux. Lutter contre l'émergence d'une dictature exige la construction d'un mouvement politique socialiste pour transférer le pouvoir à de tels comités en France et à l'international.