par Brigitte Fau
Issu d'une famille modeste, Antoine Béchamp, pharmacien, chimiste, médecin, biologiste fut un savant exceptionnel.
Formé comme pharmacien en Roumanie, où il a vécu depuis l'âge de six ans, chez un oncle diplomate, il dut reprendre ses études, non reconnues en France, à son retour.
En 1851 il réussit le concours de l'agrégation à l'école de pharmacie de Strasbourg. Sa thèse a pour sujet : « De l'air atmosphérique considéré sous le point de vue de la physique, de la chimie et de la toxicologie. »
En 1853, les thèses de Béchamp, pour le doctorat ès sciences, furent chimiques : Recherche sur la pyroxyline (coton-poudre), et « De l'action chimique de la lumière » ;
En 1856, il passe son doctorat en médecine, avec pour thèse « Essai sur les substances albuminoïdes et sur leur transformation en urée » à Strasbourg.
Pendant 20 ans, il sera professeur de Chimie médicale et pharmaceutique à la faculté de Montpellier.
Puis en 1876, alors qu'il s'interrogeait sur « l'Origine et l'essence de la matière », il fut sollicité par l'évêché, il devint premier doyen de la faculté catholique de Lille. Choix qu'il regretta selon ses mots dans ce courrier qu'il adressa en 1900 à Hector Grasset (1) :
« C'est que j'avais encore les illusions que le clergé de l'Université catholique de Lille s'est chargé de me faire perdre à jamais, lorsque le recteur de cette université a voulu mettre le livre sur les Microzymas à l'index, comme matérialiste. Tenez donc comme une sottise de ma part l'affirmation de ma lettre à la revue l'Univers. Je suis resté chrétien aussi complètement que possible, mais plus du tout convaincu que les théologiens aiment la science pour la science.
Il est ainsi avéré que, tenant l'Évangile pour vrai, je tiens, comme Galilée et Lavoisier, pour certain que l'étude désintéressée et approfondie de la nature est la seule voie capable de conduire à la connaissance des choses qu'il nous est donné de connaître. »
À l'heure de la retraite, il se retire à Paris et continue ses importantes recherches biologiques à la Sorbonne, dans le laboratoire mis à sa disposition par le célèbre naturaliste Ch. Friedel, jusqu'à sa mort à l'âge de 91 ans, le 13 avril 1908.
Antoine Béchamp était désintéressé, tenace, travailleur énergique, rigoureux, précis, intransigeant avec lui-même en particulier, ne supportant pas l'injustice ; sans aucun doute, il aimait la Science et avait compris l'importance d'une démarche exemplaire pour avancer en science (voir le chapitre consacré à la démarche scientifique).
Ce qui me frappe le plus à la lecture de ses livres, c'est sa perspicacité, sa lucidité, son recul exceptionnel. Chaque élément trouve sa place au fur et à mesure des nombreuses expériences qu'il décortique avec une détermination sans faille pour comprendre et trouver l'origine de chaque phénomène, même le plus anodin qui peut s'avérer être en réalité des plus essentiels.
« Rien ne se produit sans cause provocatrice ! »
Ces travaux sont relatés dans les Comptes Rendus réguliers qu'il faisait à l'Académie des Sciences, si nombreux que, je ne serais pas étonnée si l'on y découvrait des pépites, encore inconnues de la science en plus de cette découverte essentielle des microzymas.
Son œuvre est considérable. Le Dr Hector Grasset vous la présente de manière non exhaustive, tant elle est grande, placée dans le contexte scientifique historique.
En 1913, Hector Grasset commence ainsi son livre, « L'œuvre de Béchamp » 1 qu'il a eu l'occasion de rencontrer suite à cette esquisse dont il est question :
« Il y a onze ans, j'avais fait une esquisse de l'œuvre de ce méconnu, pensant attirer l'attention sur un vieillard dont le colossal labeur était digne d'un meilleur sort. Ce fut en vain, l'ostracisme scientifique avait été tel que ma voix n'eut guère d'écho ; ce revenant pouvait être dangereux pour les gloires trop auréolées. Aussi, quand Béchamp mourut isolé, le 15 avril 1908, ce fut un étranger qui signala le cas à la presse française. A. Béchamp, né le 16 octobre 1816, à Bassing, près de Dieuze (Meurthe), s'éteignit, à l'âge de 91 ans, à Paris, de la congestion pulmonaire des vieillards, dans l'indifférence générale ; je n'appris moi-même le fait que longtemps après.
Je n'ai pas été son élève, je n'ai connu ses travaux que d'une façon indirecte, et j'ai été amené à les apprécier en recherchant la genèse de la science contemporaine ; si j'ai été séduit par l'immense portée de ses recherches, j'ai été plus profondément étonné de l'incompréhension presque générale de ses idées parmi les savants actuels, quand il n'y avait pas de mauvaise foi évidente, ou une ignorance absolue. Si donc je prends sa défense, je ne puis être taxé de parti pris. »
Et pour compléter les informations nombreuses qu'il fournit, Hector Grasset recommande en particulier, les livres suivants d'Antoine Béchamp :
- Les Microzymas dans leur rapport avec l'hétérogénie, l'histogénie, la physiologie et la pathologie (Paris, in-8°, 1883, chez J. Baillière) ; 1066 pages
- Microzymas et microbes (Paris, 1893, in-8°, chez E.Dentu) ; 412 pages
- Le sang et son troisième élément anatomique (Paris, 1899, chez Chamalet) ; 297 pages
Il ajoute :
« C'est surtout le premier qui est répandu, et c'est malheureux, car les autres me semblent bien supérieurs. Je dois avouer que, si je n'avais pas connu les idées de Béchamp par les comptes rendus scientifiques étudiés progressivement, le livre de 1883 m'eût semblé indigeste et ne m'eût pas donné une conception aisée de la théorie ; mais lorsqu'on a saisi la grande idée, à chaque pas on trouve des trésors dans ces trois volumes. Ce sera donc la méthode historique et chronologique, qui me permettra de vous faire comprendre et apprécier l'œuvre de ce grand homme, et vous poussera peut-être à faire connaissance avec elle. »
J'ai trouvé des « trésors » également dans un 4ème livre de 1888 (2), dans lequel Antoine Béchamp réunit des lettres, plutôt des articles qu'il écrivait au Dr Édouard Fournier, destinées à être publiées dans la Revue médicale française et étrangère.
Hector Grasset nous fait sentir « cette grande idée » en utilisant la méthode historique et chronologique. Il met en évidence les difficultés et les réticences rencontrées par Antoine Béchamp, dont il a compris l'intégrité et le génie, face à des personnes influentes, dont l'ego passait avant la Science, prêtes à tordre la science pour arriver à leur fin.
Antoine Béchamp aurait manqué de souplesse, de sens politique, refusant les compromis et s'est retrouvé victime d'une conspiration du silence 1 p.72
Mais ce silence imposé pour empêcher que ses travaux fussent connus, n'est-il pas la preuve de l'incapacité de ses adversaires à tenir tête ouvertement à ses explications solides et à sa détermination à défendre « la vérité » des faits scientifiques. Sa pensée aiguisée, était apte à déceler la moindre faille dans les arguments de ses opposants.
C'est cette « grande idée » que je souhaite faire passer modestement, à mon tour, en écrivant ce livre, 110 ans après celui d'Hector Grasset. Hector Grasset ne se contentait pas des connaissances diffusées, il plongeait à la source des Comptes Rendus scientifiques. Et il a compris quel trésor la Science avait là !... Je ne suis pas remontée aussi loin. J'ai pris connaissance des travaux de Béchamp par le biais de son livre écrit en 1883, essentiellement.
Quel que soit l'itinéraire suivi pour approfondir le sujet, c'est « indigeste » au départ, avant que la persévérance et le recul nous fassent sentir cette « grande idée » : cette vision nouvelle du vivant dans toute sa globalité qui échappe à la science.
J'ai choisi une méthode synthétique pour transmettre autrement.
Pourrait-on ainsi enfin casser la « conspiration du silence » dont Antoine Béchamp fut et est encore victime ? Les scientifiques contemporains réalisent-ils seulement qu'ils entretiennent cette censure sans en avoir conscience, par manque de curiosité (et de temps surtout) des origines de leur science dont les fondements sont essentiels et devraient être leur première préoccupation.
Le livre dans lequel je présente cette synthèse de la théorie d'Antoine Béchamp est en cours de publication prévue pour cette fin mai. Il peut être commandé aux éditions Marco Pietteur :
source : Nouveau Monde