03/11/2025 10 articles ssofidelis.substack.com  11min #295204

Mamdani et ses (nos) ennemis

New York City Democratic mayoral candidate Zohran Mamdani is on stage at the March on Wall Street on Aug. 28, 2025, in New York. (AP © Ted Shaffrey)

Par  Patrick Lawrence, le 2 novembre 2025

Que va accomplir Zohran ?

Les derniers sondages sur l'élection du maire de New York, qui aura lieu le 4 novembre, ont été publiés jeudi dernier, et sont plutôt encourageants. Selon un nouveau sondage de l'Emerson College, Zohran Mamdani, en tête depuis le début, devance Andrew Cuomo, son plus sérieux rival, de 25 points, soit un gain de 7 points par rapport au précédent sondage Emerson de septembre.

L'autre sondage, réalisé par l'université Marist, place également Mamdani en tête, avec 16 points d'avance sur Cuomo, et Curtis Sliwa, le candidat au béret, encore plus loin derrière. Si ce dernier est en perte de vitesse et que ses électeurs migrent comme prévu, Cuomo pourrait réduire l'avance de Mamdani à 7 points. Mais ces 7 points d'avance sont dérisoires comparés à l'avance considérable de Mamdani depuis plusieurs mois. Ces sondages ont été publiés six jours avant l'élection, alors que le vote anticipé est déjà en cours. Bonne fin de campagne et bonne chance à Cuomo, politiquement affaibli, qui a choisi de se présenter en tant qu'indépendant lorsque son échec à la tête de la liste démocrate s'est confirmé.

Neuf ans plus tôt, en novembre, le choc fut immense lorsque Donald Trump a remporté la victoire et que le staff de campagne de Clinton a dû renvoyer tout le champagne chez le caviste. Pour les plus âgés d'entre nous, rappelons le célèbre titre "Dewey détrône Truman" publié par le Chicago Tribune le lendemain de l'élection de Harry Truman, il y a 77 ans, en novembre, qui l'opposait à Thomas Dewey. Truman est devenu le 33è président des États-Unis. Ce genre de choses arrive.

Mais à ma connaissance, personne n'a prétend ne plus croire à l'élection de Mamdani comme nouveau maire de New York la semaine prochaine.

Socialiste démocrate, "progressiste" par excellence, musulman pratiquant, fils d'un universitaire réputé pour ses écrits anticolonialistes et anti-impérialistes (auprès duquel j'ai brièvement étudié il y a plusieurs décennies), et intellectuel dans un pays qui n'aime guère les intellectuels : rien ne laissait présager qu'un tel candidat pourrait tirer son épingle du jeu lors de la campagne électorale, surtout dans le contexte politique tendu et sans merci de New York. Et pour ce député de 34 ans, représentant un quartier populaire du Queens, le chemin a été long et parfois même difficile depuis qu'il s'est lancé dans la course à la mairie, il y a un an.

Le programme électoral de Mamdani aborde en effet les questions que tout candidat sérieux se doit d'aborder auprès des électeurs. Dans son cas, ces questions concernent essentiellement, et sans surprise, la capacité des New-Yorkais à continuer de vivre dans une métropole dont l'identité et l'avenir ont été compromis par les intérêts immobiliers, financiers et commerciaux. La course à la mairie de 2025 oppose ainsi deux visions. Cette élection a toujours dépassé le cadre des cinq arrondissements de New York, en raison notamment de la contradiction croissante entre les intérêts du capital et ceux des citoyens, qui se manifeste sur l'ensemble du territoire.

Lignes de bus gratuites, épiceries gérées par la ville, garde d'enfants gratuite, programme ambitieux de logement, salaire minimum de 30 dollars d'ici la fin de la décennie : tels sont les principaux points du programme de Mamdani. Ce programme de propositions "progressistes" explique en grande partie sa popularité, qui a suscité une vive réaction de la part de la classe capitaliste dès le début de la campagne de Mamdani.

Mais dès le premier jour, Mamdani s'est également intéressé à des questions plus importantes, souvent évoquées dans ses discours et interviews. Il soutient vigoureusement la cause palestinienne. Il n'hésite pas à utiliser le terme "génocide". Il s'est récemment exprimé avec fermeté contre l'islamophobie qui sévit aujourd'hui. Il a notamment déclaré qu'en cas d'élection à la mairie, New York arrêtera Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, s'il devait mettre les pieds à New York. Le raisonnement de Mamdani sur cette question est significatif. "Cette ville croit au droit international", a-t-il déclaré lors de la session de l'Assemblée générale des Nations unies en août dernier. Voilà qui témoigne d'une grandeur indéniable.

Cet aspect de sa personnalité a attiré les électeurs, en particulier les jeunes. Max Blumenthal l'a souligné dans une interview récemment accordée à Nima Alkhorshid dans son émission Dialogue Works :

"New York attire les jeunes qui considèrent la Palestine comme le test moral de notre époque. Une nouvelle classe sociale ainsi que de nombreux New-Yorkais de souche rejettent la politique sioniste d'antan qui a dominé New York pendant des décennies".

Son programme social-démocrate modéré pour la ville et son positionnement sur ce que beaucoup d'entre nous considèrent, à juste titre, comme le test moral de notre époque lui ont valu deux choses. Il s'est attiré un soutien sans faille, avec des dizaines de milliers de bénévoles qui ont utilisé les réseaux sociaux et le porte-à-porte pour accroître son avance. Il a également déclenché la pire campagne de dénigrement de l'histoire politique new-yorkaise de ma longue vie.

Le racisme pur et simple, la chasse aux communistes - oui, le président Trump traite Mamdani de communiste et prétend qu'il devrait être expulsé - sont désormais de mise chez les adversaires manifestement désespérés de Mamdani. Mais surtout, la propagande islamophobe éhontée, à la fois grossière et pathétique, mais aussi (voir les chiffres ci-dessus) manifestement inefficace. Les sionistes américains, israéliens, américano-israéliens et autres sympathisants sionistes ont été pris de panique, car New York compte plus de Juifs que toute autre ville au monde et est donc l'épicentre de la présence sioniste aux États-Unis (à moins de compter les bureaux de l'AIPAC à Washington).

On peut distinguer deux tendances méritant d'être signalées.

D'abord, comme certains l'ont fait remarquer, les lobbies sionistes semblent avoir renoncé à susciter l'amour d'Israël dans le monde et se sont donc tournés vers une campagne de haine contre les musulmans. La campagne islamophobe contre Mamdani, la plus virulente depuis les attentats du 11 septembre, illustre cette tendance.

Ensuite, à l'approche du jour J, la panique au sein de ce redoutable réseau de fanatiques sionistes et de capitalistes sans scrupules est à son comble. Selon eux, Mamdani imposera la charia à New York, encouragera un autre attentat du 11 septembre et sa victoire mettra en danger les Juifs partout dans le monde. Le New York Post regorge de ce genre de clichés. Fidèle au ton des tabloïds réactionnaires, il surnomme Mamdani "Zo" et "Mam". Mieux vaut s'y faire.

L'apogée de cette campagne est  une vidéo générée par l'IA diffusée le 22 octobre par l'équipe de Cuomo. On y voit une série de caricatures racistes des plus grossières, intitulée "Les criminels de Zohran Mamdani", à savoir : un dealer de drogue, un voleur à l'étalage noir portant un keffieh, un proxénète, etc. Tous représentent bien sûr des minorités ou des "misérables" blancs issus des classes défavorisées, ravis à l'idée que Mamdani devienne leur maire. Les collaborateurs de Cuomo ont rapidement supprimé la vidéo, mais l'intention est claire. Elle a été téléchargée à de nombreuses reprises et continue de circuler. Et c'est normal : ce type est un véritable voyou. Son père, Mario, un homme honorable, doit se retourner dans sa tombe.

 Un article de  Fortune du 28 octobre répertorie 26 milliardaires ayant investi plus de 22 millions de dollars pour faire tomber Mamdani. Voici quelques noms et montants : Michael Bloomberg, 8,3 millions de dollars, la famille Lauder, 2,6 millions de dollars, Bill Ackman, 1,75 million de dollars, etc. Pourquoi ces individus dépensent-ils autant d'argent pour une cause qui n'a pratiquement aucune chance d'aboutir ? (Et le "pratiquement" est superflu).

Explications.

Tout d'abord, les programmes sociaux de Mamdani menacent le contrôle de longue date du capital (financier, industriel et high-tech) sur la politique new-yorkaise. Ensuite, les choses prennent une tournure plus politique. Mamdani n'est en aucun cas antisémite, loin s'en faut, mais nommer un musulman brillant et charismatique maire de la plus grande ville juive d'Amérique, avec ses opinions sur la Palestine et le régime terroriste israélien, saperait considérablement l'influence des sionistes sur la vie publique américaine.

Mamdani a déjà révélé l'existence de liens choquants entre la police de New York et l'armée israélienne, la première s'inspirant de la seconde pour ses entraînements et ses méthodes, comme l'a rappelé Max Blumenthal dans l'interview mentionnée précédemment. N'oublions pas que les Bloomberg et Ackman, entre autres, ont du mal à admettre qu'ils ne peuvent tout s'acheter grâce à leur fortune. Et la classe des milliardaires est plus que réticente à l'idée de ne pouvoir contrôler un système politique qu'ils méprisent, et n'hésitent donc pas à le subvertir dès que l'occasion se présente.

Bref, Mamdani incarne un renouveau générationnel dans la politique américaine, à l'instar de Graham Plater, l'ostréiculteur atypique qui se présente au Sénat dans le Maine. Les élites au pouvoir, qui contrôlent les États-Unis depuis toujours, ont démontré à maintes reprises qu'elles n'ont jamais eu l'intention de permettre une quelconque réorganisation du système politique américain au nom d'une authentique démocratie.

Je ne pense pas que ceux qui s'opposent à Mamdani parviendront à le faire échouer avant les élections de mardi. Mais son combat ne s'arrêtera pas à sa prise de fonction, si tant est qu'il y parvienne. Non, les guerres qu'il a menées jusqu'à présent avec efficacité et dignité vont très probablement s'intensifier et empirer. Mamdani se déplace déjà avec un important dispositif de sécurité.  Aujourd'hui, les New-Yorkais musulmans sont à la fois satisfaits et préoccupés par sa possible victoire.

Les grandes mesures sociales de Mamdani se heurteront très certainement à une résistance politique, administrative et financière telle que l'on peut craindre qu'aucune d'entre elles ne soit mise en œuvre. Au vu de divers précédents, le public new-yorkais peut s'attendre à être confronté à toutes sortes d'incidents antisémites. N'oublions pas les tristement célèbres opérations Cointelpro des années 1960 et du début des années 1970, ni les provocations du FBI, trop nombreuses pour être citées, durant de nombreuses années. La perspective que cet homme intègre puisse être déstabilisé de la sorte est inacceptable et inquiétante. L'image des États-Unis en ressortirait grandement ternie, alors que les citoyens américains et le reste du monde ont désespérément besoin de changement.

Comme cela a été largement rapporté, Mamdani a déjà reculé sur certaines prises de position antérieures, qu'il défendait farouchement. Il a récemment éludé la question de savoir s'il entend toujours arrêter Netanyahu si ce dernier se rend à New York. Il dit vouloir intégrer des sionistes à son administration (espérons que ce sera sur la base du mérite) et il aurait l'intention de maintenir Jessica Tisch au poste de commissaire de police. Tisch est issue d'une famille juive influente, farouchement pro-israélienne, qui figure sur la liste des 26 milliardaires dépensant sans compter pour battre Mamdani. Les Tisch ont investi 1,2 million de dollars pour contrer Mamdani.

D'accord, Mamdani n'a pas voté en faveur de la vente d'armes à Israël, comme l'ont fait des "progressistes" tels qu'Alexandria Ocasio-Cortez, et on le voit mal s'engager dans une telle démarche. Toutefois, ces manifestations de modération rhétorique soulèvent d'intéressantes questions. Quelles sont ses intentions ? Comment évoluera-t-il après le 4 novembre ? Mamdani est le candidat de l'unité. Cuomo, pour employer un euphémisme, est le candidat de la division. L'unité n'est-elle réservée qu'à ses partisans ? Mamdani est-il censé déshumaniser ses opposants, à l'instar des sionistes qui déshumanisent leurs ennemis, pour reprendre les célèbres paroles de Dylan : "Je ne crains pas de devenir mon propre ennemi à l'instant même où je prêche".

Mais ce sont les questions soulevées par une victoire écrasante de Mamdani qui font de cette élection un événement particulièrement intéressant, même si je ne vis plus à Manhattan depuis longtemps. Que peut accomplir une personnalité politique montante, aussi brillante soit-elle, dans une démocratie bourgeoise aussi corrompue que la nôtre ? Les milliardaires sont libres d'investir de l'argent dans les élections, les lobbies foisonnent - banques, promoteurs immobiliers, etc. - et puis il y a les lobbies sionistes, ce goitre grotesque greffé comme une tumeur sur notre vie politique. Si les sionistes ne peuvent pas acheter nos politiciens, ils les détruisent.

En attendant les résultats du 4 novembre, mes pensées vagabondent vers Emma Goldman, qui disait :

"Si voter changeait quelque chose, ils le feraient interdire".

Espérons que ça n'arrive cas.

Traduit par  Spirit of Free Speech

Merci à Diego Ramos pour ses recherches.

 ssofidelis.substack.com

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