06/12/2019 les-crises.fr  7min #165575

 L'Iran secouée par des manifestations

Manifestation en Iran : Une répression de plus en plus violente - Par Amnesty International

Source :  Amnesty International, 05-01-2018

Manifestation en Iran © Getty Image

Les autorités ont confirmé qu'au moins 22 personnes ont été tuées depuis le 28 décembre, date à laquelle des milliers d'Iraniens ont commencé à descendre dans les rues. Une répression qui s'accentue de jour en jour.

Des vidéos et des témoignages publiés sur les réseaux sociaux et dans les médias indiquent que des membres de la police antiémeute et d'autres forces de sécurité ont eu recours à une force excessive et injustifiée : ils ont notamment tiré à balles réelles sur des manifestants, frappé des manifestants avec des matraques et utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser des manifestations.

Nous n'avons pas pu vérifier les vidéos et les témoignages mais l'utilisation d'armes à feu contre des manifestants non armés serait contraire aux obligations de l' Iran au titre du droit international.

DES CENTAINES DE PERSONNES RISQUENT D'ÊTRE TORTURÉES

Ces sept derniers jours, plus de mille personnes ont été arrêtées et placées en détention dans des prisons connues pour les actes de  torture et autres mauvais traitements infligés aux détenus. Nombre de ces personnes n'ont pas pu contacter leur famille et leurs avocats.

D'après l'agence de presse Human Rights Activist News Agency, dans la seule prison d'Evin, à Téhéran, les autorités ont enregistré 423 nouveaux détenus entre le 31 décembre 2017 et le 1er janvier 2018.

Compte tenu de l'ampleur alarmante de la vague actuelle d'arrestations, il est très probable que nombre des personnes détenues soient des  manifestants pacifiques arrêtés arbitrairement et qui se retrouvent maintenant dans des prisons où les conditions sont déplorables et où la torture est souvent utilisée pour extorquer des aveux et sanctionner les dissidents.

La plupart des manifestations semblent avoir été pacifiques, mais dans certains cas des violences imputables aux manifestants ont été constatées, notamment des jets de pierres, des incendies volontaires et d'autres dégradations de bâtiments, de véhicules et d'autres biens.

Les personnes soupçonnées d'être responsables d'infractions pénales doivent être rapidement inculpées d'une infraction dûment reconnue par la loi et jugées dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales ou être libérées. Leur statut au regard de la loi et le lieu où ces personnes se trouvent doivent être révélés immédiatement à leur famille.

Toutes les personnes placées en détention uniquement pour avoir pris part pacifiquement aux manifestations, pour les avoir soutenues ou pour avoir critiqué les autorités doivent être libérées immédiatement et sans condition.

UN DISCOURS AGRESSIF DES AUTORITÉS

En dépit des déclarations du président Hassan Rouhani affirmant le 30 décembre 2017 que les manifestants ont le droit de critiquer le gouvernement, le discours des autorités laisse entendre qu'elles prévoient de réagir au soulèvement d'une manière de plus en plus impitoyable.

Le 1er janvier, le responsable du pouvoir judiciaire Sadegh Larijani a exigé que « tous les procureurs » adoptent une « approche forte ».

Le 2 janvier, Mousa Ghanzafar Abadi, le chef du tribunal révolutionnaire de Téhéran, a prévenu que le ministère de l'Intérieur avait déclaré que les manifestations étaient illégales et que les personnes qui continueraient d'y participer risqueraient de graves sanctions. Il a menacé d'inculper les dirigeants et organisateurs de manifestations d'« inimitié à l'égard de Dieu » (mohareb), une infraction passible de la  peine de mort, « car ces personnes sont liées à des services de renseignement étrangers et mettent en œuvre leurs projets. »

Le même jour, le guide suprême de la République islamique d'Iran, l'ayatollah Sayed Ali Khamenei, a accusé les « ennemis » de l'Iran d'encourager les manifestations.

Le 3 janvier, Mohammad Javad Azari Jahromi, le ministre des Télécommunications et de la Technologie, a déclaré que l'application de messagerie sociale populaire Telegram serait bloquée si ses administrateurs n'acceptaient pas de retirer les « contenus terroristes ».

Le fondateur de Telegram a déclaré avoir refusé la demande des autorités de fermer les chaînes qui font la promotion et soutiennent pacifiquement les manifestations. L'application Instagram est, elle aussi, toujours bloquée.

Le discours agressif des autorités a été accompagné de la publication par des organes de presse approuvés par l'État d'une liste montrant les visages de manifestants recherchés et appelant la population à les identifier et les dénoncer aux autorités.

MANIFESTER PACIFIQUEMENT EST UN DROIT

De nombreuses personnes en  Iran veulent exercer leur  droit de manifester pacifiquement. C'est la première fois que des manifestations de cette ampleur ont lieu en Iran depuis celles ayant éclaté après l'élection présidentielle contestée de 2009. Les slogans chantés pendant les manifestations ont exprimé des revendications économiques et politiques, allant de plaintes quant à la pauvreté, au taux de chômage élevé, à la corruption et aux inégalités à des demandes de libération de prisonniers politiques et un rejet complet du système politique au pouvoir.

Lors des événements de 2009, plus de 100 manifestants avaient été tués et des milliers avaient été soumis à des arrestations et des détentions arbitraires et à des actes de torture et d'autres mauvais traitements lorsque les autorités avaient violemment réprimé le soulèvement.

Au lieu de choisir la répression et d'accuser les manifestants d'être complices de complots étrangers, les autorités iraniennes devraient s'attaquer à leur propre bilan en matière de non respect de tout un éventail de droits civils, politiques, économiques et sociaux.

Elles doivent également ouvrir une enquête efficace et indépendante sur les homicides et les autres allégations de recours à une force excessive ou injustifiée, et traduire en  justice les responsables présumés de violations des droits humains.

Source :  Amnesty International, 05-01-2018

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