12/06/2025 francesoir.fr  7min #280938

 France : la classe politique réagit à l'agression mortelle d'une surveillante par un collégien à Nogent

Mélanie, victime d'une société de la frustration marquée par les politiques actuelles

Mounir, France-Soir

Hommage à Mélanie, victime d'une société de la frustration marquée par les politiques actuelles

F. NASCIMBENI AFP

Une assistante d'éducation, Mélanie, a été tuée par un jeune de 14 ans. Devant pareille horreur, nous devrions attendre de nos responsables politiques un certain niveau de réflexion. On serait en droit d'attendre de celui que l'on nous a présenté comme extraordinairement intelligent, Emmanuel Macron, la réserve nécessaire qui permet une analyse profonde, sérieuse, de cette épidémie de violence qui s'empare de notre jeunesse. En lieu et place de cette hauteur de vue, nous voyons notre Président, coup sur coup, dénoncer les réseaux sociaux ou la vente de couteaux. Quel naufrage, surtout lorsque les politiques menées contribuent à cet environnement où des drames comme celui-ci se produisent et des jeunes se transforment en monstres.

Comment appréhender un évènement si horrible ? On doit tenter dans un premier temps de circonscrire les raisons qui ont poussé un jeune de 14 ans à se muer en tueur sanguinaire. On doit évacuer toutes les raisons futiles qui amalgament un comportement particulier avec des mouvements sociétaux mal dégrossis. Les réseaux sociaux ? Si cela était la raison qui avait conduit ce jeune à tuer cette maman qu'il connaissait, nous verrions beaucoup plus d'évènements de ce type. D'ailleurs, cela ne concernerait pas seulement nos jeunes. Tous les addicts de TikTok feraient la une de nos JT. Que fera Macron si le prochain auteur d'un tel acte a 16 ans ? 18 ans ? Les couteaux ? Combien de fils de bouchers se sont-ils adonnés au découpage de leurs surveillants ces vingt dernières années ? Que de bavardages stériles ! Pis, on sent poindre quelques visées électoralistes derrière ces postures à l'emporte-pièce. Quoi de plus inconsidéré et problématique que de s'appuyer sur cet horrible crime pour à des fins politiciennes ?

Qu'a fait ce jeune homme ? Il a tué de plusieurs coups de couteau une assistante d'éducation qui l'encadrait depuis 1 an. Pourquoi ? On sait qu'il avait été expulsé deux fois en début d'année. Il avait donc un contentieux avec certains adultes de son établissement. Probablement, avait-il ressenti une injustice face à ces sanctions, comme souvent lorsqu'un jeune est sanctionné. Un sentiment d'injustice. Probablement la frustration de ne pas avoir été entendu, compris. Il n'avait pas accepté sa sanction. Pourquoi ? Il devait estimer, comme souvent dans ce cas, qu'il n'était pas pleinement responsable, que son comportement, même répréhensible, se justifiait. Et alors même qu'il semblait s'être repris, qu'il avait même accepté un rôle dans la vie scolaire de son établissement, comme relai contre le harcèlement scolaire, ce sentiment d'injustice, cette frustration ne l'avait pas quitté.

La frustration est fréquemment à l'origine d'agressions. Il existe même une théorie en psychologie : la théorie de la frustration-agression. Cela est vrai chez les humains. Par ailleurs, on connaît les mêmes comportements chez les animaux. La première chose est donc d'apprendre à nos jeunes, à nos enfants, à accepter la frustration. Mieux, il s'agirait d'éviter de générer ces frustrations quand cela est possible. Bien sûr, nous sommes tous confrontés dès notre plus jeune âge à de nombreuses frustrations. Nos parents ont tous subi, essuyé, et grondé nos caprices. Devenir adulte, c'est justement apprendre à gérer ces frustrations.

En dehors du cercle familial, c'est à l'école que l'on apprend à encadrer ces frustrations, à devenir adulte. Du moins, c'est là que l'on devrait. Pourtant, l'école est devenue, à bien des égards, le royaume des frustrations depuis quelques années et les nombreux évènements macabres qui se multiplient dans nos établissements scolaires et aux abords depuis quelques années, l'illustrent de manière sanglante. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l'école manque complètement de moyens pour accompagner nos jeunes à accepter ces frustrations, à devenir adultes. De nombreux crimes commis par des adolescents ces dernières années trahissent une incapacité à régir ses frustrations : Elias, jeune tué à Dax, adolescent tué à Nogent-sur-Oise…

30 à 35 élèves par classe, 7 à 800 élèves dans de petits collèges. Deux CPE, moins de dix assistants d'éducation pour gérer toutes ces frustrations. C'est bien sûr, une mission impossible. Plus le temps de faire de la pédagogie, plus le temps à l'écoute, il faut trancher dans le vif. L'autorité est la seule pédagogie possible quand vous devez encadrer une cour avec 700 gamins en recherche de liberté, qui testent les limites. Quel rapport entre la violence des gilets jaunes et la violence de nos jeunes dans les établissements scolaires ? Outre la frustration et le sentiment d'injustice, le point commun dans un contexte de tensions sociales exacerbées n'est-il pas Macron et ses prédécesseurs, dont la faillite à répondre aux vrais problèmes sociétaux, accentuent la précarité ? Précipitant toujours plus notre pays dans la paupérisation et la détresse de nombre de Français, la seule réponse qu'ils nous proposent, c'est toujours plus d'autorité.

L'autorité ne se décrète pas. C'est celui qui la subit qui vous l'accorde. Ou pas. Cette autorité doit reposer sur deux choses : la légitimité et la justice. Pour les gilets jaunes, comme pour nombre d'émeutes ayant émaillé les mandatures de Macron, la légitimité était contestée. Quant à la justice, elle est évidemment décriée, et à juste titre. Quand l'impunité protège systématiquement ceux qui nous gouvernent, la tolérance zéro est sans cesse revendiquée par ces derniers contre le petit peuple. Nos écoles sont à l'image de notre société. Que dis-je, le sentiment d'illégitimité et d'injustice y est décuplé. Les enseignants, les surveillants sont bien moins considérés que nos élites politiques ou médiatiques. Pis, ils sont sans cesse décriés, par ces mêmes politiques et médias, par les parents, et par les enfants. Mal payés, mal considérés, comment voulez-vous que leur autorité soit reconnue ? Et, quand leurs conditions de travail les contraignent à n'avoir plus que l'autorité pour tenir ces 30 élèves par classe, ces 700 gamins azimutés, la défiance est inévitable, car les frustrations et les sentiments d'injustice sont inévitables.

Mélanie faisait partie d'une équipe de vie scolaire dont le travail est très difficile. Nos responsables n'imaginent même pas : 700 ados déchaînés dans une cour qui n'a rien à envier aux promenades des milieux carcéraux. Un surveillant doit crier, s'énerver sans cesse, punir sans réfléchir. Et si parmi tous ces ados, l'un d'eux n'a pas assez appris à gérer ses frustrations, si l'un d'eux se pense sanctionné de manière injuste, sans qu'un psychologue ne l'ait aidé à accepter sa sanction, sans que la vie scolaire n'ait le temps de prendre le temps d'expliquer la sanction, l'agression est inévitable.

Il est profondément choquant de voir ces responsables qui ont contribué à la dégradation des conditions dans l'éducation nationale, par des classes surchargées, la précarisation des enseignants et du personnel scolaire, proposer des analyses simplistes. Personne n'a autant paupérisé l'éducation nationale que les politiques menées sous Macron. L'entendre proposer des mesures comme une surveillance des réseaux sociaux, qui pourraient servir des objectifs politiques, est une réponse inadaptée à la gravité de ce drame. Métaphoriquement, cela pourrait s'interpréter comme un énième « coup de couteau » porté à Mélanie, et à toutes les victimes de son funeste bilan.

Interdire les réseaux sociaux aux moins de quinze ans ne changera rien. La frustration ne sera pas mieux gérée. La sanction, guère plus acceptée. Il faut réhabiliter les enseignants et le personnel de vie scolaire. Il faut mieux traiter nos assistants d'éducation, les former, leur offrir le statut de fonctionnaire. Il faut des psychologues. Il faut des hôpitaux pédopsychiatriques bien mieux dotés. Et surtout, il faut beaucoup plus d'adultes et moins d'élèves dans les établissements scolaires. Il faut cesser de fermer des classes et des établissements scolaires.

Notre jeunesse souffrant des conséquences de ces choix politiques, n'est-elle pas malade du Macronisme ? Mélanie en est une des victimes. Avec seulement  4 % des Français considérant qu'il mène le pays dans la bonne direction, 74 % qui estiment que ses actions divisent la France, Macron ne fait pas partie de la solution, mais bien du problème.

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