M.A.
Carney et Merz premiers ministres du Canada et d'Allemagne
Hilse POOL AFP
Face aux restrictions chinoises sur les exportations de métaux rares, dans un contexte de vives tensions entre les États-Unis et la Chine, Berlin a signé mardi 26 août 2025 une déclaration commune avec Ottawa, dans le but de renforcer leur coopération dans l'approvisionnement en ces terres rares. L'Allemagne entend réduire sa dépendance envers Pékin graduellement.
Au premier semestre 2025, l'Allemagne est restée l'un des principaux acheteurs européens de terres rares en provenance de Chine, malgré la montée des tensions commerciales entre Pékin et Washington. Selon les dernières données publiées par l'institut statistique allemand, les importations de terres rares depuis la Chine ont représenté environ 65 % des volumes totaux nécessaires à l'industrie allemande, en particulier pour les secteurs de l'automobile électrique, des éoliennes et de l'électronique de pointe. En valeur, elles se sont établies aux alentours de 820 millions d'euros sur six mois, un chiffre en hausse par rapport à l'année précédente, traduisant la forte dépendance de l'Allemagne.
L'approvisionnement allemand à la merci de la géopolitique
Cette situation s'est complexifiée lorsque Pékin a durci ses restrictions à la suite de l'escalade douanière avec les États-Unis. Après que Washington a imposé au printemps 2025 de nouveaux droits de douane sur 500 milliards de dollars d'importations chinoises, la Chine a riposté en suspendant dès avril une partie de ses exportations de métaux critiques, ciblant en particulier les semi-conducteurs et certains composants stratégiques.
À partir du mois de mai, le gouvernement chinois a franchi une étape supplémentaire en interdisant explicitement aux entreprises étrangères présentes sur son territoire de constituer des stocks de terres rares et d'aimants permanents au-delà de leurs stricts besoins opérationnels. Cette mesure visait à empêcher les stratégies d'accumulation qui auraient contourné l'efficacité des restrictions chinoises et affaibli son levier commercial.
Fin juillet 2025, Bruxelles a néanmoins annoncé avoir obtenu un mécanisme "amélioré" avec Pékin. La Commission européenne a présenté cet arrangement comme une garantie pour sécuriser les flux destinés à l'industrie européenne. Cette négociation a permis à l'Union européenne, et en particulier à l'Allemagne, de desserrer temporairement l'étau des restrictions chinoises et d'assurer une continuité partielle des livraisons.
Mais cet arrangement semble toutefois fragile, dépendant de l'évolution des rapports de force entre Washington et Pékin et du jeu d'équilibre délicat que l'UE doit mener pour préserver ses approvisionnements sans compromettre ses relations avec son principal partenaire commercial asiatique.
De quoi pousser Berlin à diversifier ses sources en se tournant vers le Canada. Mardi, Berlin et Ottawa ont signé une déclaration commune visant à renforcer leur coopération dans l'approvisionnement en matières rares, tout comme en lithium, en cuivre, en gallium, en germanium et en nickel.
L'Allemagne et le Canada se promettent leurs matières premières
Cette coopération que les deux pays veulent "étroite" sans pour autant les engager financièrement, vise à garantir "des chaînes d'approvisionnement sûres, diversifiées et résilientes", tout en misant sur "l'innovation, les investissements et la coopération pour renforcer leur indépendance et leur compétitivité". Il est non seulement question des matières critiques mais également des technologies "de traitement, raffinage et recyclage".
C'est à Berlin que la ministre allemande de l'Économie et de l'Énergie, Katherina Reiche, a signé une déclaration d'intention avec son homologue canadien Tim Hodgson. Elle a rappelé que les métaux rares sont "d'une importance vitale" pour l'Allemagne compte tenu "des développements géopolitiques, en particulier pour les terres rares" et leur nécessité dans l'industrie allemande, que ce soit pour les batteries électriques, les énergies renouvelables ou pour le secteur médical.
En outre, trois entreprises allemandes comme Aurubis ont signé des protocoles d'accord avec des compagnies canadiennes spécialisées dans l'extraction et le traitement de matières premières. Tim Hodgson explique que ces accords doivent permettre aux fabricants allemands de "compter sur les fournisseurs canadiens", qui peuvent à leur tour "accéder aux marchés mondiaux".
Le chancelier allemand, Friedrich Merz, qui a rencontré le Premier ministre canadien Mark Carney, qualifiait le partenariat de "bonne mesure pour renforcer nos économies et les sécuriser".