24/04/2024 elcorreo.eu.org  5 min #247390

« Monsieur le président Milei, ne vous trompez pas et arrêtez tout de suite »

par  Juan Grabois*

Je vous dis cela comme un enseignant parmi d'autres, comme un diplômé parmi d'autres, comme un citoyen sans poste né en 1983, lorsque la démocratie a été restaurée, comme un Argentin de plus qui a marché aujourd'hui avec enthousiasme depuis la Faculté de Droit jusqu'à l'Avenida de Mayo, voyant la plus grande unité dans la diversité que j'ai pu apprécier.

Toutes les générations et classes sociales. La conscience des plus pauvres qui rêvent que leurs enfants puissent devenir médecins, des cartoneros qui, bien qu'ils aient été exclus, ne veulent pas que les autres soient exclus ; la conscience des scientifiques les plus prestigieux qui remercient leur pays d'avoir pu se former dans une université publique ; la conscience des fils de maçons aujourd'hui ingénieurs, des filles de « domestiques » aujourd'hui avocates, des hommes d'affaires qui n'oublient pas leurs racines et ne veulent pas priver les autres du droit qui leur a été accordé.

Vous avez réalisé un formidable éveil de la conscience civique de millions de personnes. Cela nous a rappelé la force du « nous » face à la banalité du « moi et moi seul ». Je vous en remercie. Cela a ravivé un grand espoir.

En reconnaissance d'un tel exploit, je vous offre quelques conseils, maintenant en tant que leader politique... un homme politique tout comme vous. Pas aussi important que vous, bien sûr. Libéré de l'énorme responsabilité qui vous incombe en tant que gouvernant, celle que vous ne savez pas assumer tout en respectant la Constitution pourlauqelle vous avez juré, et qui nous appartient à tous, que nous ayons voté ou non pour vous.

Oui, homme politique, parce que vous êtes un homme politique, que vous le disiez ou le niiez, vous aviez une position politique en tant que député, maintenant vous l'avez en tant que président, vous avez formé un parti politique, vous avez participé à des manifestations et à des événements dans les rues, les écoles et sur les places. Votre parti dispose – à point nommé – de groupes d'étudiants dans les lycées et les facultés qui enrichissent la démocratie en diffusant des idées que je ne partage pas mais que je considère nécessaires de débattre. Je vous donne donc, Monsieur le Président, l'avis d'un adversaire acharné, d'un ennemi si vous préférez, mais qui va de front.

  • Premièrement : ne vous trompez pas. Même si tous les dirigeants politiques du pays étaient présents, des plus opportunistes aux plus engagés, ce n'est pas la « politique », ni les gauchistes, ni les têtus, ni aucun d'entre nous, horribles « orcs (1) » pour vous, qui ont fait cela. Nous n'avons pas ce pouvoir, et vous et votre parti ne l'avez pas non plus.

Ce qui s'est produit aux quatre coins du pays n'arrive que lorsque quelque chose déplace les plaques tectoniques d'une société. C'est aujourd'hui la réaction d'un peuple qui, s'il y a une chose qui est claire pour lui, que ni la rhétorique libertarienne la plus enflammée ni votre indéniable talent pour l'insulte ne peuvent obscurcir, c'est que l'éducation publique est un droit inaliénable.

  • Deuxièmement : arrêtez l'assaut permanent contre le ventre des enfants et le cerveau des jeunes de ce pays qui vous a fait le gigantesque honneur de le présider. Ne touchez pas à ce qu'un peuple a de plus précieux : ses enfants, sa jeunesse, son avenir.

Ne le faites pas, car les dégâts seront grands et seul cela devrait suffire comme argument, mais si ce n'est pas par conviction, faites-le par convenance : calmez-vous, réfléchissez, changez... la réaction qui couve par votre arrogance ne peut être générée ou dirigée par aucun politicien. Ça va vous explosez à la figure. Ensuite, les éloges des magnats et des marchés dont vous êtes accro s'estomperont, les amis du champion fuiront avec le même héroïsme avec lequel ont fui les dollars, personne ne se souviendra de vous avec amour et même un million de likes ne pourront pas vous consoler d'avoir perdu l'occasion de gouverner dignement le merveilleux peuple argentin.

Monsieur le Président, Merci beaucoup.

Juan Grabois* pour son compte «  X »

«

Señor presidente,
Muchas gracias.
Se lo digo como un docente más, como un gradudado más, como un ciudadano sin cargos que nació en el 83 cuando se recuperó la democracia, un argentino más que caminó hoy emocionado desde la Facultad de Derecho hasta Avenida de Mayo viendo la más…
». Buenos Aires, le 23 avril 2024.

*Juan Grabois. Enseignant, auteur et leader social argentin.Il est avocat et titulaire d'un diplôme en sciences sociales. Il est également fondateur et dirigeant du Movimiento de Trabajadores Excluidos (MTE) et de la Confederación de Trabajadores de la Economía Popular (CTEP). En 2019, il a fondé, avec d'autres jeunes leaders, le Frente Patria Grande). « X » :  @JuanGrabois

Traduit de l'espagnol pour  El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi

 El Correo de la Diaspora. Paris le 23 avril 2024.

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Notes

(1) L'origine du terme vient du latin « orcus », que l'on peut traduire par « dieu des enfers » et qui est lié aux enfers ou au « monde souterrain ». L'ancien président Mauricio Macri a appelé ainsi ceux qui ont protesté contre les mesures de son gouvernement entre 2015 et 2019

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