28/03/2022 mondialisation.ca  5min #205017

 Zelensky fraichement acceuilli en Israël

Monsieur Zelensky à la Knesset n'est pas Monsieur Smith au Sénat

Par  Michel Rosenzweig

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'est récemment exprimé à la Knesset en visioconférence, est-il un clown, une marionnette, un imposteur, un fraudeur, un acteur, un ignare, un falsificateur, un révisionniste ou tout simplement un politicien comme un autre, animé d'un opportunisme politique et d'un cynisme bien trempé ?

« Il y a 70 ans, les Ukrainiens ont sauvé les Juifs. Vous savez dans votre cœur, ce qui vous reste à faire » a-t-il dit sans aucune gêne et avec un culot, une audace que seul le mot hébreu « chutspah » exprime si bien.

Ainsi donc, les Ukrainiens auraient sauvé LES Juifs.

Lesquels ?

Ceux qui ont été exterminés par balle, soit 33 771 Juifs assassinés par les nazis et leurs collaborateurs locaux, principalement le 201e bataillon Schutzmannschaft, les 29 et 30 septembre 1941 aux abords du ravin de Babi Yar (« ravin des bonnes femmes ») à Kiev, un lieu-dit de l'ouest de la ville de Kiev entre les quartiers de Louk'ianivka (Лук'янівка) et de Syrets' (Сирець) ?

Ou ceux victimes d'autres massacres qui eurent lieu au ravin de Babi Yar dans les mois suivants, faisant entre 100 000 et 150 000 morts (Juifs, prisonniers de guerre soviétiques, communistes, Tziganes, Ukrainiens et otages civils) jusqu'à la mise en place en 1942 du camp de concentration de Syrets ?

Ou encore les 1 500 000 Juifs assassinés par balle, camion à gaz, morts de faim et de froid dans les ghettos constitués par les autorités locales et ceux exterminés dans les camps de la mort entre 1942 et 1944 ?

Selon l'historien ukrainien Alexandre Kruglov, on peut penser qu'un tiers environ des Juifs ukrainiens a échappé au génocide, ce qui signifie que, à l'inverse, environ 1,5 million de Juifs ont trouvé la mort : 500 000 en 1941, plus de 700 000 en 1942 et 200 000 de 1943 jusqu'à l'abandon définitif de l'Ukraine par la Wehrmacht en 1944. Voir :  Mémorial de la Shoah : la radicalisation du génocide.

En 1941, l'Ukraine comptait 2 700 000 Juifs.

Aujourd'hui selon le rapport sur la population juive mondiale, l'Ukraine ne compte plus que 71 500 Juifs.

Alors ?

De quoi le président Zelensky parle-t-il  ?

Et qu'a-t-il voulu faire passer comme message au parlement de l'État juif, la Knesset (l'assemblée) ?

A-t-il commis une maladresse, une bévue, une erreur, une stupidité intellectuelle ?

Je ne le crois pas.

En réalité, nous assistons depuis le début de cette guerre, soit depuis maintenant un mois, à une vaste offensive politique de propagande qui ressemble souvent à une mise en scène destinée à responsabiliser, mais aussi et surtout à culpabiliser les pays occidentaux afin de les convaincre de s'impliquer dans ce conflit en tant que puissance belligérante : appels quasi quotidiens à établir une zone d'exclusion aérienne par l'OTAN, chantage à l'extension du conflit jusqu'à Berlin et Paris (clip vidéo mettant en scène des attaques aériennes sur Paris), appels pressants à la livraison d'armes, parfois même sous forme autoritaire, voire comminatoire.

Il y a quelque chose d'insupportable dans cette manière de falsifier l'histoire en faisant appel à la compassion du cœur face aux descendants des familles qui ont péri dans les horreurs de la solution finale.

Que la population ukrainienne souffre, personne ne le contestera, que cet exode soit le plus grand en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale aussi, que le président Zelensky, soit courageux alors qu'il aurait déjà pu fuir et se mettre à l'abri en abandonnant sa population, c'est une évidence. Mais qu'il se livre à ce genre d'exercice douteux est indécent, car les Ukrainiens d'aujourd'hui ne sont pas les nouveaux Juifs en voie d'extermination, pas plus que les Juifs d'hier n'ont été sauvés par « les Ukrainiens ».

C'est même hélas le contraire puisque l'Ukraine et la Pologne, ont toujours été des terres irriguées par une culture antijuive très profonde (pogroms, massacres depuis des siècles). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les territoires polonais et ukrainiens ont compté le plus grand nombre de camps de concentration et d'extermination construits par les nazis avec la collaboration active ou passive des populations locales.

Monsieur Smith au Sénat (Mr. Smith Goes to Washington) est un film américain de 1939, réalisé par Frank Capra et interprété par James Stewart dans le rôle de Jefferson Smith, un jeune homme naïf et idéaliste, désigné sénateur des États-Unis par le gouverneur de son État, pour remplacer un sénateur décédé, aux côtés de Joseph Paine, un politicien rompu à toutes les combines politiques.

Smith dépose au Congrès des États-Unis un projet de loi de création d'une colonie de vacances pour les enfants des villes, ignorant que Paine défend un projet portant sur la construction d'un barrage au même endroit. Smith découvre les non-dits, les corruptions et les compromissions des hommes politiques, et refuse de devenir l'homme de paille des affairistes.

Monsieur Zelensky à la Knesset est un simulacre et une mauvaise comédie jouée par un ancien comédien qui ne semble pas faire la différence entre son ancienne carrière d'acteur et sa fonction présidentielle.

Un peu de tenue et de rigueur historique, un peu de décence Monsieur Zelensky, vous ne faites pas honneur à vos ancêtres et vous vous disqualifiez auprès des descendants de la Shoah.

Encore un effort pour être un véritable héros.

Michel Rosenzweig

Photo en vedette : extrait du film « Mr. Smith Goes to Washington ». Wikiquote.

Lire également sur FraceSoir :  Zelensky face à la Knesset, « au bord de la négation de la Shoah »

La source originale de cet article est  France Soir. Tribune

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