Après l'assassinat du président Jovenel Moïse dans la nuit du 6 au 7 juillet, le mystère reste entier. Inquiet pour la sécurité du pays, le gouvernement d'Haïti a demandé le 9 juillet au soir à Washington et aux Nations unies l'envoi de troupes. Celles-ci viseraient à sécuriser des infrastructures vitales comme les ports, les aéroports, les terminaux pétroliers ou le transport des produits pétroliers.
Si l'on sait que le commando armé qui a exécuté le président était composé de 28 personnes (26 Colombiens et deux Américains d'origine haïtienne), aucun détail n'a émergé sur les raisons de cet acte ou sur l'identité de ses commanditaires.
La police et l'armée en Colombie ont affirmé qu'au moins 17 anciens militaires étaient soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat.
«Après l'assassinat du président, nous avons pensé que les mercenaires pourraient détruire quelques infrastructures afin de créer le chaos dans le pays. Au cours d'une conversation avec le secrétaire d'Etat américain et l'ONU, nous avions fait cette requête», a affirmé à l'AFP Mathias Pierre, ministre chargé des questions électorales.
Auteur: RT France
Le département d'Etat américain a confirmé que le gouvernement haïtien avait «demandé une aide sécuritaire et en matière d'enquête».
«Nous restons en contact régulier avec les responsables haïtiens pour discuter de la manière dont les Etats-Unis peuvent aider», selon un porte-parole.
Une source diplomatique à l'ONU avait plus tôt indiqué que les autorités haïtiennes avaient bien fait cette demande en vue de protéger l'aéroport et les installations pétrolières, mais qu'une résolution du Conseil de sécurité était nécessaire à cet effet.
Dix-sept individus ont été arrêtés - quinze Colombiens et deux Américains, pour leur implication dans le meurtre du chef d'Etat, tué à son domicile, selon la police haïtienne.
Trois Colombiens aussi accusés d'être des membres du commando ont été tués par la police, tandis que huit autres étaient toujours en fuite, a par ailleurs précisé la police haïtienne, bien que les bilans différaient légèrement selon d'autres sources officielles.
Taipei a de son côté fait savoir le 9 juillet que 11 suspects avaient été arrêtés dans le complexe de l'ambassade de Taïwan à Port-au-Prince.
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«Cette information nous préoccupe vivement. Elle indique qu'une nouvelle fois, des forces extérieures tentent d'utiliser un conflit purement interne pour leurs intérêts égoïstes», a pour sa part réagi la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
Sans confirmer l'arrestation de ressortissants américains, les Etats-Unis ont dit qu'ils allaient envoyer des responsables du FBI à Port-au-Prince «aussi vite que possible».
«Nous espérons que les forces de l'ordre haïtiennes seront en mesure de comprendre les véritables causes de ce qui s'est passé et de traduire en justice non seulement les auteurs, mais aussi les commanditaires, ainsi que les éventuels complices de ce crime. C'était surprenant qu'hier, les porte-parole des forces de l'ordre américaines n'aient pas réussi à confirmer ou à réfuter ce fait», a critiqué Maria Zakharova.
Paralysées pendant plusieurs jours, Port-au-Prince et les zones avoisinantes se sont réveillées le 9 juillet dans un calme apparent et précaire, a constaté l'AFP sur place.
Transports en commun, banques, pompes à essence, commerces et administration publique recommençaient à fonctionner, les gens se bousculant dans les supermarchés pour s'approvisionner en produits de première nécessité.
De hauts responsables de la police, chargés directement de la sécurité du président haïtien, sont d'ailleurs sur la sellette et convoqués devant la justice, a annoncé le 8 juillet le chef du parquet de Port-au-Prince, Bed-Ford Claude.
Un pays davantage instable
Cette attaque déstabilise davantage le pays le plus pauvre du continent américain, gangrené par l'insécurité. Deux hommes prétendent actuellement diriger la nation de 11 millions d'habitants, dont plus de la moitié a moins de 20 ans.
L'un des derniers gestes politiques de Jovenel Moïse, mort à 53 ans, avait été de nommer le 5 juillet un énième Premier ministre, Ariel Henry. Mais quelques heures après le drame, c'est le Premier ministre de transition Claude Joseph qui a décrété l'état de siège pour 15 jours, octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif.
Si l'opposition a accusé Claude Joseph d'accaparer le pouvoir, l'émissaire de l'ONU en Haïti a estimé qu'il représentait l'autorité responsable, car Ariel Henry n'avait pas encore prêté serment au moment de l'assassinat.
Pour tenter de sortir de ce qu'il a qualifié de «vide institutionnel et politique», le Sénat a de son côté adopté une résolution pour faire du sénateur Joseph Lambert le président provisoire. Cette annonce de la part d'une institution incomplète, dont seule une partie des membres est actuellement en poste, est toutefois non contraignante.
Haïti était déjà plongé dans une crise institutionnelle : Jovenel Moïse n'avait pas organisé d'élection depuis son arrivée au pouvoir début 2017 et le pays n'a plus de Parlement depuis janvier 2020.
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