09/04/2025 elcorreo.eu.org  5min #274379

Ne pas se moquer des électeurs d'extrême droite

par  José Luis Lanao*

« Per me si va nella città dolente,
per me si va nell'etterno dolore,
per me si va tra la perduta gente.* »
La porta dell'inferno vv. 1-21
Dante Alighieri

La photo est une reconstitution de la météorite 2024YR4, qui pourrait frapper la Terre le 22 décembre 2032. Ils l'appellent astéroïde, mais pour moi, c'est une roche identique, soit dit en passant, à celle avec laquelle ils m'ont ouvert la tête quand j'étais petit. Je ne sais pas si vous le savez, mais le monde pourrait finir par s'écrouler. Ce qui n'est pas une surprise. La fin du monde est déjà là. Certains préparent déjà leur fuite vers Mars, où il n'y a ni pression fiscale ni réglementation étatique. C'est ainsi que les gens riches passent leur temps sur Terre, pensant que le « vol » d'impôts sur une autre planète n'aurait pas lieu.

Je ne sais pas si nous sommes prêts à affronter un autre hiver sous cette tempête abyssale qui vous plonge quotidiennement dans l'impuissance et la désolation d'une extrême droite « détraquée ». Je ne la sous-estime pas. Mais d'aucun espère qu'il s'agit d'un pic temporaire, le résultat de la colère, de la peur et de la brutalité. L'une des raisons de son essor, c'est qu'il semble très facile de créer un mouvement néofasciste : « Fascistes sans frontières », par exemple. Il suffit d'un téléphone portable, de quelques remarques outrancières, d'agiter les bras et de proclamer des solutions drastiques, grandiloquentes et irréalistes. Maintenant, réfléchir sérieusement à la manière de résoudre les problèmes est une autre affaire. Ca, vous n'expliquez pas sur TikTok.

Le temps embellit certaines choses et en vieillit d'autres, la même chose arrive avec les idées. Si Jésus-Christ lui-même descendait sur Terre et commençait à prêcher qu'il faut aimer son prochain comme soi-même, l'extrême droite lui dirait sans vergogne : « Tu es un progressiste ». Ils disent qu'il « faut faire attention à ne pas se moquer de ces milliers d'électeurs d'extrême droite », qu'il faut les comprendre, qu'il faut avoir l'humilité de les écouter. Je suis peut-être très insensible, mais avec toutes les choses auxquelles nous sommes confrontés, je m'en fiche complètement. Ils ne voulaient pas d'une « main ferme », car la « main ferme » est le slogan.

Le plus drôle, c'est que ces électeurs pensaient que cette « main ferme » n'affecterait que les autres et pas eux. Jusqu'à l'arrivée des premiers tarifs, les licenciements, les retraites, les médicaments, le manque d'aide sociale, les prix, les salaires, la détérioration des hôpitaux et des écoles publiques. Maintenant, ils se rendent compte qu'il n'y a que deux classes, et qu'ils ne sont pas dans celle qu'ils pensaient. La fiction d'appartenir à la classe moyenne, et non d'être un prolétaire de longue date, celle qui fait croire qu'on vous protège de ceux qui sont plus pauvres que vous, alors qu'en réalité vous avez beaucoup plus en commun, et ils ne le savent pas.

En ces temps de jugements rapides et de préjugés, la prudence de ces sceptiques est une fois de plus thérapeutique : c'est seulement en doutant que nous acquérons certaines vérités et certitudes. Il y a quelques jours, le fils d'un ami a demandé : « Papa, comment est-il possible que tu n'aies pas vu venir un gars comme Milei ? » Non mon fils, oui c'est ça le pire, c'est que nous l'avons vu venir ».

Socrate et Pyrrhon nous ont laissé un héritage millénaire en affirmant que leurs seules certitudes étaient le bord du doute et l'étincelle de la curiosité. Ils s'intéressaient au dialogue, à la conversation calme entre opinions divergentes, où la contradiction, loin de susciter la méfiance, agissait comme un moteur de connaissance et de désir d'apprendre. Il est toujours troublant que, dans notre pays, une nation si formée aux subtilités de la psychanalyse, soit arrivé à la présidence quelqu'un qui est, directement, l'incarnation du « Ça ». Une histoire politique qui n'a pas été étrangère au baroque capillaire.

Le nouveau président ne veut pas seulement surpasser le monarque orange lui-même en termes de frondaison esthétique, mais aussi dans son désir de privatisation. Négationniste du changement climatique, négationniste du génocide de la dictature, anti-avortement, anti-vaccin, fléau du marxisme culturel hypothétique, supposé praticien du sexe tantrique, taliban du marché, grossier, agressif, prophète de la crispation et des mauvaises manières, qui coupe les ministères avec la même joie qu'il clone les chiens et discute avec son chien décédé Conan main dans la main avec la 'médium' Celia Melamed.

Avons-nous oublié quelque chose ? Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Quand tombe la météorite ?

*Por mí se va a la ciudad doliente,
por mí se ingresa en el dolor eterno,
por mí se va con la perdida gente.

José Luis Lanao* pour  La Tecl@ Eñe

José Luis Lanao* Journaliste. Il écrit dans Página/12, « Les Matins » de Victor Hugo Morales. Ancien joueur de Vélez Sarsfield et de clubs en Espagne et champion du monde junior à Tokyo 1979.

 La Tecl@ Eñe. Logroño, Espagne, 1er avril 2025.

Traduit de l'espagnol pour  El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

 El Correo de la Diáspora. Paris, le 9 avril 2025.

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En ces temps de jugements rapides et de préjugés, la prudence de ces sceptiques est une fois de plus thérapeutique : c'est seulement en doutant que nous acquérons certaines vérités et certitudes.