Journal dde.crisis de Philippe Grasset
Notre péché est notre honte
5 décembre 2022 (21H10) - On s'est déjà attaché, sur ce site et même sous ma plume, à l'explication satisfaite du "roi du chocolat" qui fut président durant un mandat, le ci-devant Porochenko nous expliquant qu'il n'avait signé les accords de Minsk que pour gagner du temps et ainsi permettre à l'Ukraine de s'"otaniser" et de se construire une armée absolument capable d'écraser la Russie. (C'était le 18 juin 2022, - on a le 18-juin qu'on peut, - et le 4 juillet 2022, - on a le 4-juillet qu'on peut.) Il est effectivement question de cet "aveu" d'un Porochenko qui ne se sent coupable de rien, - "Des accords de Minsk pour préparer la guerre", beau titre n'est-ce pas, - dans l'excellentissime texte de Scott Ritter repris ci-dessous.
Qu'est-ce qu'il nous dit, Ritter ? Eh bien, rien que nous ne sachions déjà, mais rangé selon une logique différente qui devient l'évidence, et moi-même j'avoue en être resté stupéfait de n'y avoir pas pensé dans cet ordre, aussi nettement veux-je dire. Il y a, de ce fait, une bien grande honte aujourd'hui, à être Occidental et, pour mon cas, à être Français. Il suffit de suivre ce que Merkel a confié au 'Spiegel', où il lui a bien fallu défendre les accords de Minsk sans trop s'attarder sur l'obligation où elle se trouvait, avec les Français, de forcer les Ukrainiens du "roi du chocolat" à appliquer ces accords, - c'est-à-dire envoyer aux habitants du Donbass des manuels de langue russes autorisées plutôt que des obus de155mm (déjà ceux des HIMARS ?).
Un peu gênée, la Merkel, en bonne universitaire de l'ex-Stasi et correspondante régulièrement écoutée par la NSA, s'est parée des lorgnons et du chapeau strict de Neville Chamberlain... Dans la pièce, Poutine c'est Hitler-sans-moustache, et Macron le "en-même-temps" de la fiesta, à la fois Pétain et de Gaulle... Mais non, d'ailleurs ! Suis-je bête, c'était le président-poire, le Hollande en tulipes qui était de service, mais ils se ressemblent tous vous savez, qu'on peut les mettre ensemble et les inter-changer sans bousculer personne...
Voici ce que nous explique alors Ritter :
« Le résultat de cette analogie est stupéfiant. Oubliez, pour un instant, le fait que Mme Merkel comparait la menace posée par le régime nazi d'Hitler à celle de la Russie de Vladimir Poutine, et concentrez-vous plutôt sur le fait que Mme Merkel savait qu'inviter l'Ukraine à rejoindre l'OTAN déclencherait une réponse militaire russe.» Plutôt que de rejeter complètement cette possibilité, Mme Merkel a mené une politique visant à rendre l'Ukraine capable de résister à une telle attaque.
» La guerre, semble-t-il, était la seule option envisagée par les adversaires de la Russie. »
L'analyse de Scott Ritter est très intéressante. Au lieu de suivre la logique lénifiante des Français et des Allemands qui plaidaient en 2014-2015 pour un arrangement en croyant, - selon leurs dires, - "protéger" l'Ukraine (sans le dire mais en le sous-entendant : d'une prétendue menace russe), sans s'interroger une seconde, ni sur les circonstances du coup d'État de Kiev (le Maidan de février 2014) ni sur le sort des russophones du Donbass régulièrement canonnés, Ritter nous fait réaliser combien effectivement cet accord de Minsk préparait l'Ukraine à une guerre ; et non pas une guerre dont l'Ukraine était menacée, mais bien une guerre que l'Ukraine serait prête à affronter, sinon à mener puisqu'on lui préparait une armée super-"otanisée"...
(Note de PhG-Bis : « Je doute, pour mon compte, que ces deux-là, Merkel et Hollande-Macron, aient eu des ambitions "impériales" type-neocon à l'encontre de la Russie. Tout juste s'ils susurraient entre eux une romance sur "les droits de l'homme" et des minorités à la mode. Je dirais volontiers que PhG pense comme cela, d'où sa conclusion sur la sottise et la lâcheté... »)
C'est-à-dire que Ritter nous place devant nos responsabilités par rapport aux évènements en cours actuellement en Ukraine, et aux conséquences à venir. L'histoire, si elle est réaliste et sérieuse, dira qu'effectivement l'Allemagne de Merkel et la France de Hollande-Macron (c'est-à-dire : pas n'importe quelle Allemagne ni n'importe quelle France, mais Allemagne et France postmodernes et déconstruites), - elle dira que ces deux-là, bien, plus que les USA, sont les responsables des horreurs que nous vivons aujourd'hui.
Ce ne sont ni l'impérialisme ni l'expansionnisme qui sont convoqués au tribunal de l'histoire, c'est ct Hydre à deux faces mille fois jaillies : la sottise et la lâcheté. Ce triste cortège, encore plus que notre vassalité et notre servilité à l'égard des brutes d'outre-Atlantique qui se prennent pour des Romains, est notre honte et notre péché à la fois.