Ambassadeur ukrainien Sergiy Kysl Ytsya devant le Conseil de sécurité
Par Cf2r.org - N°597 / JUILLET 2022
Début juillet 1, le Centre de lutte contre la désinformation, organe du Conseil national de sécurité et de défense d'Ukraine (CNSD) a publié une liste de 78 personnalités internationales qu'il accuse sans preuve d'être des relais de la propagande russe.
Ce document, intitulé « Les orateurs qui promeuvent des récits en accord avec la propagande russe » n'est accessible que sur le site du CNSD et n'est pas traduit 2. Plus astucieux encore, les opérateurs du Centre de lutte contre la désinformation n'ont pas écrit cette liste de manière classique sur leur site internet, mais y ont collé l'image d'un texte rédigé off-line. Ainsi, cette liste n'est pas prise en compte par les moteurs de recherche Plain Text (car ce n'est qu'une image), probablement pour que les personnes visées n'apprennent pas son existence. De plus, le fait d'avoir collé une image à la place du texte ne permet pas d'utiliser facilement la reconnaissance des caractères et donc la traduction automatique.
C'est donc un acte délibéré de dissimulation d'une action de Naming and Shaming telle qu'aiment le pratiquer les Américains, qui sont nombreux afin de conseiller l'équipe Zelensky pour sa communication. Nous sommes ainsi en présence de la désignation par les autorités ukrainiennes d'individus dont la libre parole, les analyses et l'écho médiatique les dérangent car ils viennent contester le narratif mis en place par Kiev et ses conseillers otaniens dans le cadre du conflit avec la Russie. Comme que nous le constatons depuis cinq mois, toute opinion ou analyse ne correspondant pas à la version des faits que veut imposer Kiev est immédiatement qualifiée de pro-russe.
Une telle pratique relève pleinement d'une atteinte à la liberté d'expression, voire d'une incitation à la haine, car l'on est en droit de se demander quel objectif recherchent les autorités ukrainiennes en diffusant une telle liste...
Les 78 personnalités citées dans ce document appartiennent à 21 nationalités différentes :
Pays Nombre de nominés Pays Nombre de nominés Etats-Unis 29 Croatie 1 France 12 Espagne 1 Allemagne 8 Irlande 1 Chine 5 Japon 1 Italie 3 Pakistan 1 Inde 3 Pays-Bas 1 Danemark 2 Pologne 1 Nouvelle-Zélande 2 Suède 1 Serbie 2 Suisse 1 Afrique du Sud 1 Tchéquie 1 Brésil 1
Parmi les femmes et les hommes listés à leur grande surprise se trouvent des politiques de haut niveau - notamment l'ex-président brésilien Lula -, des députés et des sénateurs, des membres en vue de partis politiques, d'anciens diplomates, d'anciens militaires - à l'exemple du chef d'état-major de l'armée de l'air italienne, le général Leonardo Tricarico -, d'anciens membres de la CIA - notamment Graham Fuller, Ray McGovern et Paul R. Pillar -, des experts reconnus de politique internationale - les Américains Edward Luttwak et John Mearsheimer*, le Néerlandais Martin Van Creveld -, des économistes célèbres - notamment Jeffrey Sachs -, un ancien inspecteur de Nations Unies en Irak - Scott Ritter -, des responsables de Think Tank, des journalistes, - en particulier Glenn Greenwald, qui a publié les révélations d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance de masse de la NSA -, etc.
Les critères retenus par les autorités ukrainiennes pour dénoncer toutes ces personnalités - qui sont apparemment incapables de réfléchir par elles-mêmes et se font donc les relais de la propagande russe - apparaissent pour le moins fantaisistes. Par exemple, Edward Luttwak, qui a pourtant milité pour l'envoi d'armes à l'Ukraine, a commis le crime, aux yeux des Ukrainiens de suggérer que « des référendums devraient être organisés dans les régions de Donetsk et de Luhansk 3 ». Curieusement, l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger n'est pas cité bien qu'il ait déclaré à l'occasion du dernier forum de Davos « que l'Ukraine doive céder des terres 4 », ce qui montre que les Ukrainiens ne souhaitent pas vouloir aller trop loin. Surtout, nous ne notons aucun représentant du Royaume-Uni, État dont la russophobie et le soutien à l'Ukraine sont particulièrement marqués.
Comme il est possible de le constater, la France arrive à la seconde place derrière les Etats-Unis avec 12 nominés, parmi lesquels - excusez du peu :
- 4 ex-candidats à la présidence de la République et chefs de partis : Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen,et Eric Zemmour ;
- 1 ancien ministre : Thierry Mariani ;
- 4 députés européens : Nicolas Bay, Hervé Juvin, Jean Lin-Lacapelle et Florian Philippot ;
- 3 ex du renseignement : Alain Corvez, Eric Denécé, et Olivier Dujardin.
Étonnamment, les autorités françaises n'ont pas réagi à la publication de cette liste en dépit de la présence d'acteurs politiques de premier rang - pas plus qu'elles ne l'avaient fait lorsque le président-dictateur d'Azerbaïdjan, Ilham Alyev, avait déclaré qu'il regrettait de ne pas avoir arrêté Valérie Pécresse lors de sa visite au Haut-Karabakh arménien le 22 décembre 2021 5.
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La publication de cette liste accusatoire dressée selon des critères stupides et sans fondement n'est pas anodine. Elle est liée à la très forte dépendance ukrainienne de l'aide occidentale. En effet, le gouvernement de Kiev fonctionne comme une « Start-up » qui ne peut exister que grâce aux « levées de fonds » successives (financements et fournitures d'armes et d'équipements militaires) qu'elle parvient à faire, faute de quoi il s'écroulerait.
Ainsi, comme tout bon dirigeant de « Start-up », Zelensky fait de bons « Pitch » à l'intention de ses sponsors afin de s'assurer leur soutien. Il communique à outrance - jusque dans le magazine Vogue 6 -, leur fait croire qu'il parvient à des résultats (liste accusatoire, territoires abandonnés par les Russes, contre-offensives sans effet), leur présente des perspectives de développement optimistes (annonce de nouvelles contre-offensives et de la reconquête complète des territoires perdus) et sait toucher le cœur et susciter l'émotion de chacun des pays qui lui apporte son soutien par des discours particulièrement circonstanciés.
C'est pourquoi il ne peut se permettre que se fassent entendre des voix discordantes pouvant faire douter ses sponsors du narratif qu'il leur sert et remettre en cause les « Business plans » qu'il leur présente... D'où une véritable chasse aux sorcières ciblant tous ceux qui émettent des avis divergents et qui bénéficient de relais médiatiques.
Malheureusement, l'expérience montre qu'une grande partie des Start-up disparaissent après que leurs dirigeants aient consommé tous les fonds investis. Dès lors, l'on est en droit de se demander si l'armée ukrainienne ne joue tout simplement pas le rôle de gigantesque lessiveuse au profit du régime Zelensky et de certains de ses sponsors. Cela ne serait pas la première fois à l'occasion d'une guerre américaine 7.
Une telle hypothèse est renforcée par l'étude de l'historique des vols de l'Antonov 12 immatriculé en Ukraine (UR-CIC) qui s'est écrasé en Grèce le 16 juillet 2022 avec une cargaison d'armes officiellement destinée au Bangladesh. En effet, deux points méritent d'être observés.
- Tout d'abord le nombre de rotations entre la base aérienne de Burgas, en Bulgarie, et celle de Rzeszow, en Pologne, est particulièrement important. Ainsi pour la seule journée du 10 juillet l'appareil a effectué trois allers-retours comme on peut le constater dans le tableau ci-dessous. C'est d'autant plus étonnant que le gouvernement bulgare a nié à plusieurs reprises fournir des armes à l'Ukraine et que Rzeszow est la plateforme principale où arrive la plupart des armes destinées à l'armée ukrainienne. Si la Bulgarie dit vrai - et compte tenu des différentes informations alertant sur la revente au marché noir d'une partie des armes livrées par les Occidentaux à l'armée ukrainienne - il est possible d'envisager que l'Antonov en question en ait transporté une partie de Pologne en Bulgarie, d'où elles pourraient être ensuite réexportées par voie aérienne ou maritime.
- Le second point qui retient l'attention est un vol de cet appareil à destination du Nicaragua les 3 et 4 juillet 2022. Si ce pays d'Amérique centrale où la situation politique demeure imprévisible peut effectivement être destinataire d'une cargaison d'armes, l'escale qu'il a effectué à Nassau (Bahamas) - territoire du Commonwealth - ne peut que soulever des interrogations 8. En effet, il est peu probable que des armes aient été acheminées dans ce paradis fiscal réputé pour abriter bon nombre de sociétés offshore et autres banques peu regardantes sur la provenance des fonds déposés sur leurs comptes. C'est donc que ce stop-over aurait pu avoir une autre finalité. Il est possible que des liquidités en dollars y aient été déposées. Il convient de se rappeler ce qui s'est passé en Irak et en Afghanistan où des containers remplis de billets verts livrés par les Etats-Unis pour payer en liquide des acteurs locaux (informateurs, seigneurs de la guerre, consultants, sociétés de sécurité, etc.) ont été détournés 9. Or, depuis le début du conflit en Ukraine, Washington achemine de la même manière des palettes de dollars afin de payer, notamment, tous les étrangers qui se sont engagés dans les combats dans les rangs de l'armée de Kiev. Ainsi, une partie de ces fonds pourraient avoir été détournée et transférée aux Bahamas pour être déposée sur des comptes appartenant à certains membres du gouvernement ukrainien ou à des politiques occidentaux, mais aussi être des rétrocommissions destinées à des agences gouvernementales américaines ou à des sociétés d'armement...
ERIC DENÉCÉ, OLIVIER DUJARDIN ET ALAIN CHARRET
(*) Nombre d'auteurs éminents qu'Arrêt sur info publie
1 D'après les métadonnées de la page internet.
8 Il est certes possible d'arguer d'une escale pour des questions techniques (refueling), mais cela semble pour le moins douteux dans ce contexte.
Source : Cf2r.org