Par Barry Grey
4 juillet 2019
Une délégation de plus d'une dizaine de membres du Groupe hispanique du Congrès a déclaré s'être senti menacée et avoir du affronter les railleries et moqueries des agents de la police des frontières lors d'une visite lundi dans des centres de détention pour immigrants au Texas.
Parmi les législateurs démocrates figurait la députée Alexandria Ocasio-Cortez qui a été la cible de messages sexuellement obscènes et violents sur une page Facebook secrète d'agents des douanes et de la police des frontières (CBP) dont l'existence fut révélée lundi par un article de ProPublica.
Au cours de leur visite, les députés ont rapporté d'horribles conditions et des mauvais traitements infligés aux femmes détenues dans les postes du CBP à El Paso et à Clint, au Texas. La facon provocante dont les gardes-frontières ont traité les députés dans les installations montre que les sentiments fascisants des agents actuels et des anciens du CBP, exprimés dans les messages affichés sur la page Facebook, sont omniprésents dans les services d'immigration. Le président Trump cultive et encourage, avec la complicité du Parti démocrate, ces forces dans le cadre de sa campagne pour terroriser et persécuter des millions de travailleurs immigrants.
Cela se passe face à la vaste solidarité de la population envers les migrants et à l'opposition à l'érection de camps de concentration pour les interner. Mardi, des milliers de personnes ont manifesté dans tout le pays pour exiger la fermeture des camps de migrants, une faible expression de l'hostilité générale envers les mesures anti-immigrés et autoritaires de Trump.
Immigrant families held in overcrowded Border Patrol detention center in McAllen, Texas [Credit: OIG]
Les démocrates sont avant tout motivés par la crainte d'une opposition sociale de masse qui contrecarrerait les intérêts géopolitiques impérialistes américains et menacerait d'échapper au contrôle des partis de la grande entreprise. Ils n'ont rien fait - et cela inclut les soi-disant "progressistes" comme Ocasio-Cortez - pour mobiliser une opposition encore largement passive à la guerre contre les migrants.
L'épisode à la frontière lundi est survenu quelques jours seulement après que le Parti démocrate eut assuré l'adoption d'une mesure bipartite accordant à l'administration Trump 4,9 milliards de dollars supplémentaires pour sa guerre frontalière. Les démocrates ont prétendu qu'ils agissaient par un désir « humanitaire » d'améliorer les conditions de détention des migrants. Ocasio-Cortez a voté pour que la mesure de financement soit soumise au vote de la Chambre après avoir rencontré sa présidente, Nancy Pelosi, assurant ainsi son adoption.
Le prétexte humanitaire des démocrates a été démoli par le comportement menaçant des agents frontaliers ainsi que par Trump qui a dit, en signant la loi de financement, qu'il prévoyait des rafles de type militaire dans les grandes villes pour arrêter et déporter des milliers de migrants après ses célébrations militaristes du 4 juillet.
Pendant ce temps, le nombre de travailleurs fuyant la pauvreté et la violence en Amérique centrale continue d'augmenter. Lundi soir, le Service de l'immigration et des douanes (ICE) a annoncé qu'un Hondurien de 30 ans détenu par lui était mort la veille dans un hôpital de la région de Houston. Yimi Alexis Balderramos-Torres est la sixième personne détenue par ICE à mourir depuis le 1er octobre.
Overcrowded immigrant families held in McAllen, Texas Border Patrol detention center [Credit: OIG]
Après avoir quitté le poste de la police des frontières à El Paso lundi, Ocasio-Cortez a envoyé ce tweet: « Je viens de quitter la 1ère installation du CBP. Je comprends pourquoi ses agents ont été si menaçants envers moi physiquement et sexuellement. Ces agents gardaient des femmes dans des cellules sans eau et leur avaient dit de boire l'eau des toilettes. Ils affichaient leur BONNE conduite devant les membres du Congrès ».
« Je n'étais pas en sécurité devant les agents de cet établissement » a-t-elle a dit aux journalistes. D'autres membres de la délégation parlementaire ont décrit des agents du CBP et des gardes-frontières en train de se moquer des députés et faisant des selfies avec les membres du Congrès en toile de fond.
Trump a refusé de condamner les messages fascisants sur Facebook ou le comportement provocateur des gardes frontières. Le porte-parole de la Maison Blanche, Hogan Gidley, a dit à Fox Business Network : « Je ne sais pas de quoi Alexandria Ocasio-Cortez parle ». Il a dit des agents du CBP qu'ils étaient « parmi les hommes et les femmes les plus courageux de la planète » et a ajouté : « Ils ont fourni trois repas par jour à des gens qui sont ici illégalement avec deux en-cas entre les deux ».
Un reportage de Fox News a accuse la députée de « crier » sur les agents frontaliers d'une « manière menaçante ».
Mardi, Ocasio-Cortez a répondu par un tweet: « A ces agents du CBP qui se sentaient "menacés" par moi, ils discutaient littéralement de faire un collecte de fonds pour un fonctionnaire qui m'avait attaqué pendant ma tournée ».
L'article de ProPublica révèle que la page Facebook du groupe CBP, appelé « I'm 10-15 » (Je suis 10-15) d'après le code de la loi pour les « étrangers en détention », compte environ 9 500 membres, identifiant au moins un supérieur. La page contient des blagues sadiques et racistes sur la mort d'immigrants et des photos sexuellement explicites, dont une montrant le visage d'Ocasio-Cortez, poussé de force dans l'entrejambe d'un Trump souriant. D'autres messages traitaient les députées démocrates de « putes » et exhortaient les agents à lancer des burritos contre les parlementaires du Groupe hispanique en visite.
Lors de la visite de lundi, le député Joaquin Castro, président du Groupe hispanique, a tweeté une vidéo de plusieurs détenues assises par terre dans un poste d'El Paso dont l'une a déclaré qu'on lui avait refusé des médicaments. Il a décrit des détenues dans des cellules exiguës depuis 50 jours sans accès pendant des semaines à des douches ou à de l'eau courante.
Ocasio-Cortez a tweeté que les femmes d'une cellule s'étaient « mises à sangloter - par peur d'être punies, parce que malades, par désespoir, par manque de sommeil, par traumatisme, par désespoir ». La députée Madeleine Dean a décrit 15 femmes dans la cinquantaine et la soixantaine qui dormaient dans une petite cellule en béton, toutes séparées de leur famille.
Les détenues ont dit aux membres du Congrès que les gardes les réveillaient à toute heure et les traitaient de « putes ».
Ces conditions ne sont que la partie visible de l'iceberg. L'inspecteur général du Département de la sécurité intérieure, l'agence responsable du CBP et d'ICE, a publié lundi un rapport sur la visite d'un poste frontière dans le secteur d'El Paso le 7 mai, qui a révélé qu'il y avait seulement quatre douches pour 756 immigrants. La moitié des immigrants détenus étaient gardés à l'extérieur dans la chaleur du Texas, tandis que ceux qui se trouvaient à l'intérieur étaient 5 fois plus nombreux que la capacité des cellules où ils étaient entassés.
Les détenus étaient forcés de porter des vêtements souillés pendant des semaines et l'établissement était infesté de poux et a connu des épidémies de grippe, de varicelle et de gale. Le rapport avertissait que les agents aux frontières s'armaient contre d'éventuelles émeutes.
Le rapport indique clairement que ces conditions horribles sont imposées délibérément pour dissuader les immigrants: « La [Patrouille frontalière] reconnaît qu'il y a un problème humanitaire à détenir des adultes célibataires pendant si longtemps, mais elle croit que s'il n'y a pas de système de prestation basé sur des conséquences, que ce soit des poursuites ou la détention par l'ICE, le flux augmentera ».
Un rapport actualisé de l'inspecteur général publié mardi comprenait des photographies de centaines de migrants entassés derrière des clôtures à mailles de chaîne dans les installations du CBP. Il a qualifié cette situation de « bombe à retardement ».
La promotion d'éléments fascistes dans les agences d'immigration est dirigée depuis la Maison-Blanche. Le conseiller principal de Trump en matière d'immigration, Stephen Miller, est en train de purger les fonctionnaires jugés insuffisamment agressifs et de les remplacer par d'autres qui préconisent des arrestations et des déportations massives, et une répression de l'immigration légale.
C'est Mark Morgan, nommé la semaine dernière en remplacement du commissaire par intérim du CBP John Sanders après sa démission sous pression d'en haut, qui a conçu le plan des rafles de masse dans les grandes villes américaines quand il était chef intérimaire d'ICE. Il a défendu les milices d'autodéfense qui détiennent illégalement des immigrants à la frontière et s'est vanté de pouvoir regarder dans les yeux des enfants immigrés détenus et de détecter les « futurs membres du gang MS-13 ».
Morgan incarne le caractère bipartite de la politique anti-immigrés, ayant été commissaire adjoint du CBP sous Barack Obama, dont l'administration a déporté 3 millions de personnes, le plus grand nombre de l'histoire américaine.
Le mois dernier, Politico a rapporté que John Zadrozny, l'allié de Miller, devait être nommé chef de cabinet adjoint des Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (USCIS) qui supervise l'immigration légale, dont la politique d'asile. Il rejoindra l'équipe du nouveau directeur de l'USCIS, Ken Cuccinelli.
Procureur général de Virginie au début de cette décennie, Cuccinelli était pour l'abolition de la citoyenneté par naissance et pour refuser de verser l'allocation chômage aux travailleurs ne parlant pas anglais.
Zadrozny est un responsable du département d'État ayant déjà travaillé pour le Conseil de politique intérieure de Trump. En 2009, il a été conseiller pour la Fédération de réforme de l'immigration américaine (FAIR). Le Southern Poverty Law Center (SPLC, association pour la promotion de la tolérance et la surveillance de l'extrême droite) a qualifié FAIR de groupe promouvant la haine en raison de ses « attaques virulentes et fausses contre les immigrants non blancs ».
Ces développements doivent servir de fort avertissement à toute la classe ouvrière. La guerre contre les immigrés fait partie d'une attaque plus large contre les droits démocratiques. Celle-ci comprend la préparation de la violence d'État contre les travailleurs en grève ou qui protestent contre les conditions dans les ateliers de misère ainsi qu'une campagne délibérée pour instaurer une dictature présidentielle. Aucune section du Parti démocrate ne défendra les droits démocratiques, car cela exige une lutte contre le système capitaliste.
Aucun des démocrates qui protestent contre les mesures fascisantes de Trump n'appelle à la libération de tous ceux qui sont détenus dans les centres de détention et au droit de tous les travailleurs de vivre et de travailler là où ils le souhaitent. C'est la politique pour laquelle le Parti de l'égalité socialiste se bat, une partie essentielle de la lutte urgente pour unir toute la classe ouvrière dans la défense de ses droits démocratiques et sociaux.
(Article paru en anglais le 3 juillet 2019)