LETTRE OUVERTE, le 10 Mai 2022
A Monsieur Jean-Yves LE DRIAN,
Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
J'extrais de votre interview dans MATCH du 14 au 20 avril 2022 à propos du conflit russo-ukrainien :
« Ce n'est pas un conflit entre deux Etats à l'égard duquel l'on pourrait faire preuve de relativisme. Il y a un agresseur et un agressé. Ne pas le dire relève de complicité avec la Russie. La France se tient du côté de l'agressé (...) sans ambiguïté aucune. Ce qui implique de soutenir les sanctions à l'égard de la Russie, d'assurer la livraison d'armes à l'Ukraine et de contribuer à l'isolement international de Moscou ».
Très bien. Telle est la position de notre pays, rappelée par notre ministre de l'Europe. Mais vous êtes aussi ministre des Affaires étrangères. Votre position, c'est-à-dire celle de notre pays que vous représentez, devrait être la même partout dans le monde.
Or, si je vous paraphrase sur le sujet qui m'est cher depuis bientôt 55 ans, la reconnaissance des droits du peuple palestinien, nous sommes loin du compte :
« Ce n'est pas un conflit entre deux Etats (Si, la Palestine, est reconnue par plus de 138 Etats, et, depuis novembre 2012, est membre observateur à l'ONU, comme le Vatican). Il y a un agresseur (Israël) et un agressé (la Palestine). Ne pas le dire relève de complicité avec Israël. La France se tient du côté de l'agressé (...) sans ambiguïté aucune. (Je rêve !) Ce qui implique des sanctions à l'égard d'Israël (lesquelles, aucune depuis sa création en 1948 ?), d'assurer la livraison d'armes à la Palestine (et non aux Israéliens) et de contribuer à l'isolement international de Tel Aviv ». (Cela devrait être le rôle de notre pays).
Vous souvenez-vous de la Déclaration du Conseil européen sur le Moyen-Orient, lors de la réunion de Venise le 13 juin 1980 :
« Les neufs pays de la Communauté européenne (CEE) estiment que les liens traditionnels et les intérêts communs qui unissent l'Europe et le Moyen-Orient leur imposent de jouer un rôle particulier (...) A cet égard les neuf pays de la Communauté se fondent sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité et sur les résolutions qu'ils ont exprimé à plusieurs reprises (...). Le moment est venu de favoriser la reconnaissance et la mise en œuvre des deux principes universellement admis par la communauté internationale : le droit à l'existence et à la sécurité de tous les Etats de la région, y compris Israël, et la justice pour tous les peuples, ce qui implique la reconnaissance légitime du peuple palestinien ».
Où en sommes-nous plus de 40 ans après ?
Les Etats de la Communauté européenne ne seraient-ils pas devenus ici aussi, les « petits-télégraphistes des Américains », comme le déclarait récemment Yves Pozzo di Borgo, ancien vice-président de la Commission des affaires européennes du Sénat et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à propos du rôle de l'Europe dans le conflit russo-ukrainien, sur SUD Radio animée par André Bercoff ?
Le soir du premier tour aux élections présidentielles le 10 avril dernier, le Président, Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, déclarait « Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau ». Et bien, ne pensez-vous pas que le rétablissement de la paix au Proche-Orient par la reconnaissance, enfin, de l'Etat palestinien par la France serait « quelque chose de nouveau » ?
Son prédécesseur, François Hollande, l'avait promis avant son élection en 2012 parmi ses 60 propositions pour « redresser la France ». C'était la 59éme : « Je prendrai des initiatives pour favoriser de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance de l'Etat palestinien ». Il n'en a rien été. Là, comme sur bien d'autres points Hollande a failli à ses promesses.
Mieux. En novembre 2013, le président Hollande fait son premier voyage en Israël. Je retiens de celui-ci cette belle déclaration d'amour : « Si on m'avait dit que je viendrais en Israël et qu'en plus de faire de la diplomatie, de la politique, j'aurais été obligé de chanter, je l'aurais fait pour l'amitié entre Benyamin et moi-même, pour Israël et pour la France (...) j'aurais toujours trouvé un chant d'amour pour Israël et ses dirigeants ». Sans commentaire.
Si vous êtes demain Premier ministre, comme certains observateurs l'annoncent, ou toujours ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, ou redevenu simple citoyen, membre du Parti socialiste votre vieille maison, soutiendrez-vous enfin publiquement la fin de l'occupation de la Palestine, conforme aux résolutions 242 et 338 précitées et la reconnaissance de l'Etat palestinien ?
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Maurice Buttin
Président par intérim du « Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient ».
Membre de l'Association France-Palestine Solidarité (AFPS)
Membre du Parti socialiste depuis juin 1971
Publié par Gilles Munier sur 10 Mai 2022
(images de CAPJPO-EuroPalestine)
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