Par Will Morrow
4 juillet 2019
Dans l'acte de violence policière le plus récent en France, des dizaines de policiers anti-émeute (CRS) ont encerclé un groupe de manifestants pacifiques en sit-in contre le changement climatique sur un pont parisien, les ont aspergés de gaz poivré et agressés.
La charge des CRS s'est produite sur le pont de Sully où un groupe d'une cinquantaine de manifestants bloquait, assis, la circulation. Quand la police commença à les asperger de gaz, les manifestants ont levé les mains au-dessus de la tête et crié «non-violent». Les CRS ont alors chargé le groupe avec leurs boucliers et commencé à les traîner sur les cotés. Sur des vidéos on les voit gazer ceux qui viennent arroser d'eau les manifestants venant d'être aspergés de gaz poivré.
Les policiers pulvérisant du gaz poivré sur les manifestants pacifiques. La scène débute à 7:53.
Pendant les 10 minutes qui suivent, les policiers se promènent dans le groupe, aspergeant directement, à 20 centimètres du visage, ceux qui sont assis. Ils leur arrachent aussi leurs lunettes de protection, alors que des dizaines de spectateurs filment avec leur téléphone et protestent en huant la police.
Cette scène en plein centre de Paris rappelle la pulvérisation au gaz poivré des étudiants de l'Université de Californie Davis, en novembre 2011. Ceux-ci protestaient alors contre les inégalités sociales et la hausse des frais de scolarité. Les vidéos de l'attaque de Paris ont été partagés des milliers de fois et ont déclenché un tollé sur les médias sociaux.
Cet assaut se produit dans le contexte d'une mobilisation massive de la police anti-émeute par le gouvernement Macron au cours des six derniers mois afin de réprimer violemment les manifestations des gilets jaunes. Ces derniers sont opposés aux inégalités sociales, à l'austérité et à la réduction des impôts des super-riches.
Les manifestants gazés par la police
La police a arrêté plus de 12.000 personnes et a utilisé: des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc, des charges à coups de matraque et des chiens d'attaque. Macron a aussi déployé l'armée dans les rues et de hauts responsables français ont demandé l'utilisation de munitions réelles pour «mettre un terme» aux manifestations.
Vingt-trois manifestants ont perdu l'usage d'un œil après avoir été touchés par des balles en caoutchouc lancées par la police, cinq ont perdu une main du à des grenades assourdissantes, et un manifestant a perdu un testicule.
Zineb Redouane, une retraitée marseillaise de 80 ans, a été tuée par la police le 1er décembre 2018, après avoir été frappée au visage par une grenade paralysante alors qu'elle fermait les stores de son appartement.
Pas un seul policier n'a fait l'objet d'une inculpation criminelle.
Le ministre de la Transition écologique et de la Solidarité de Macron, François de Rugy, ancien député écologiste candidat aux primaires présidentielles du Parti socialiste en 2017, qui a rejoint Macron pour former La République en Marche, a défendu l'agression policière de vendredi à BFM-TV: «Ce sont des manifestants très radicaux » a-t-il dit, qui avaient des méthodes prétendument non violentes mais complètement paralysantes. « On est obligé de mobiliser des CRS pour prendre les personnes une par une et essayer de les enlever. Ça se finit avec l'utilisation de gaz qui ont pour but que les gens s'en aillent ».
Manifestation samedi à Nantes contre la disparition de Steve Carico, qu'on craint noyé suite à une agression policière
L'attaque policière a eu lieu la veille d'une marche de 1.000 jeunes contre la violence policière à Nantes, la sixième plus grande ville du pays. Les manifestants ont réclamé justice pour Steve Caniço, un animateur de 24 ans disparu le 21 juin et qu'on craint noyé dans la Loire. Il avait disparu au cours de la répression policière d'un festival de musique techno cette nuit-là. Les manifestants portaient une banderole demandant : «Où est Steve ?»
La police a affirmé qu'elle avait lancé l'assaut contre le festival parce que la musique avait duré une demi-heure de plus que le temps autorisé, c'est à dire 4 h du matin.
En réponse à la musique tardive, ils sont entrés sur le site du festival avec chiens d'attaque, boucliers anti-émeutes et grenades lacrymogènes. Quatorze personnes ont sauté dans la Loire pour leur échapper, dont Steve Caniço, qui n'a pas été revu depuis.
L'escalade massive de la violence policière en France fait partie du virage à droite et de la construction d'États policiers par les gouvernements capitalistes de toute l'Europe et du monde. C'est une réaction à la croissance massive des inégalités sociales et à une première montée des grèves et des manifestations de travailleurs et de jeunes cherchant à s'opposer à la destruction de l'environnement, à l'inégalité, au militarisme et à l'oppression capitaliste. La classe dirigeante répond à ces premiers signes d'opposition populaire par la création d'un État policier et la promotion de forces politiques fascistes et d'extrême droite.
La manifestation climatique attaquée par la police à Paris a été organisée par Extinction Rebellion. Ce groupe a organisé cette année des manifestations au Royaume-Uni qui ont été brutalement réprimées. Sur deux semaines de manifestations en avril, le gouvernement britannique a déployé plus de 10.000 policiers qui ont arrêté 1.130 personnes. La police de Londres fait pression pour qu'on inculpe tous les gens arrêtés aux manifestations.
Extinction Rebellion a été fondé en mai 2018 au Royaume-Uni et lancé en octobre par la lettre ouverte d'un groupe d'écologistes. Celle-ci a été soutenue par des universitaires et des politiciens capitalistes de toute l'Europe, y compris du Parti travailliste britannique et des Verts. Le groupe a reçu une couverture généralement favorable des médias patronaux français.
Les actions d'Extinction Rebellion consistent en campagnes de «désobéissance civile» visant à forcer gouvernement et entreprises à «écouter» et à prendre des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique. On a pu observer la perspective de cette organisation, celle d'une réforme du système capitaliste de profit, lors d'une manifestation organisée le 20 juin au festival de la publicité à Cannes, sur la Côte d'Azur, où elle appelait les dirigeants d'entreprise à se concentrer sur la crise climatique.
Pour faire face à la crise climatique, il faut toutefois une perspective politique fondamentalement différente, visant à renverser la source du réchauffement planétaire et des inégalités sociales, le système capitaliste de profit. Cela ne peut s'accomplir que par une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière qui mettra fin à la subordination de la société aux intérêts d'une minuscule élite capitaliste.
(Article paru d'abord en anglais le 2 juin 2019)