31/10/2024 ssofidelis.substack.com  10min #259797

 Les Israéliens ordonnent l'évacuation de la ville antique de Baalbek au Liban

Pourquoi l'armée israélienne ne (peut) s'en prendre qu'aux civils

Par  Robert Inlakesh, le 31 octobre 2024 à 14:18

Israël avait besoin de rétablir sa domination militaire, et s'est soudain retrouvé dans la pire position possible, ne sachant qu'utiliser la technologie pour tuer à distance, sans stratégie cohérente sur le terrain.

Bien que cela puisse paraître excessif, l'armée israélienne n'est réellement apte qu'à commettre des massacres civils de haute technologie et est incapable de faire face à des ennemis bien préparés. L'histoire du régime sioniste en matière de guerre asymétrique l'a plongé dans un sentiment de sécurité illusoire qui a complété sa vision raciste du monde, certitude s'avérant catastrophique dans la guerre à fronts multiples d'aujourd'hui.

Qui sont les soldats qui composent l'armée ?

Pour comprendre l'armée israélienne et sa façon de combattre, il faut d'abord comprendre la société qui façonne ses soldats. Tous les Israéliens sont endoctrinés dès leur plus jeune âge par une idéologie suprématiste véhiculée par le système scolaire, et sont orientés vers le service militaire dès leur sortie de l'utérus. Ils pensent que leur armée est "la plus morale" de la planète, tout en croyant au concept de leur propre suprématie.

Toute discussion sur les forces armées sionistes doit commencer par une analyse de l'identité du public israélien, car lorsque chacun Israélien termine ses études secondaires, il doit effectuer un service obligatoire de deux à trois ans, souvent suivi d'un service de réserve pour une période plus longue. Bien que certains ultra-orthodoxes (Haredim) ne fassent pas leur service pour des raisons religieuses et que des Israéliens libéraux invoquent souvent des problèmes de santé mentale comme excuse, la plupart des Israéliens sont enrôlés dans diverses unités de l'armée.

Les soldats qui effectuent leurs années de service obligatoire, qui seront confrontés à de véritables situations de combat, ne participent pas directement à la guerre et seront plutôt affectés à des checkpoints, au contrôle des foules ou à des opérations nocturnes visant à arrêter des adolescents qui ont, par exemple, jeté des pierres. Voilà pourquoi de nombreux jeunes Israéliens trouvent qu'il est plus stimulant psychologiquement de rejoindre l'armée de l'air ou de travailler dans le domaine du renseignement. Il n'est pas rare de trouver des soldats assis aux checkpoints, s'ennuyant à mourir et affichant des mines frustrées. Pour les journalistes qui couvrent les manifestations en Cisjordanie, les soldats israéliens déployés pour tirer sur les enfants/adolescents qui brûlent des pneus et lancent des pierres agissent comme s'ils jouaient au paintball.

Ces soldats montent rapidement en grade dans l'armée israélienne, gagnant en quelques années ce que la plupart des autres armées ne délivrent habituellement qu'après 10 à 15 ans de service. Il s'agit d'individus habilités dont l'esprit n'est pas assez structuré et qui, en particulier au cours des dernières décennies, sont devenus indisciplinés, capables de s'en tirer à leur guise avec toutes sortes de décisions prises individuellement. Il s'agit d'une armée citoyenne, faisant partie intégrante de la société dans son ensemble.

Si l'on examine les actions qu'ils ont pu commettre lors de confrontations armées, en particulier dans la bande de Gaza, il n'est pas étonnant qu'ils se sentent encouragés à prendre les choses en main, là aussi. C'est ce qu'illustre la tendance observée au cours de l'année écoulée, où leurs combattants se sont filmés en train de commettre toutes sortes de crimes et d'activités perverses, et ont posté ces images sur les réseaux sociaux.

Ces vidéos, postées avec désinvolture sur des plateformes en ligne comme Tiktok, où des soldats israéliens portent les sous-vêtements de femmes palestiniennes qu'ils ont déplacées et tuées,ou font exploser des logements de civils, ne témoignent pas seulement d'un manque de discipline, mais nuisent également aux objectifs de l'entité sioniste.

Les deux cas suivants mettent en évidence la manière dont les soldats ont nui aux efforts de guerre de l'armée israélienne :

  1. La diffusion instantanée d'informations et de photos/vidéos du chef du Hamas, Yahya Sinwar, qui a empêché leurs supérieurs de créer une fausse histoire sur l'altercation et d'infliger un revers psychologique.
  2. Les forces israéliennes qui se sont emparées du checkpoint de Rafah en mai se sont filmées en train de détruire gratuitement le site et d'insulter l'armée égyptienne, tout en commettant des actes en violation systématique de l'accord de normalisation entre Le Caire et Tel-Aviv.

Voilà pourquoi l'armée israélienne est en difficulté. Nous avons tous vu ce qui s'est passé lorsque 10 soldats ont été arrêtés pour le viol collectif d'un détenu palestinien, incarcéré dans le centre de détention de Sde Teiman sans aucune accusation. Cette affaire a donné lieu à des manifestations au cours desquelles des milliers d'Israéliens ont pris d'assaut des installations militaires dans le cadre de ce que l'on a appelé les manifestations pour le "droit au viol". Toutefois, les manifestants n'étaient pas les seuls concernés : le concept du droit des soldats à violer collectivement des prisonniers a été exprimée par des membres de la Knesset israélienne, et a reçu le soutien d'une grande partie de l'opinion publique.

Par conséquent, si le commandement israélien donne l'ordre de poursuivre ses soldats pour avoir posté des vidéos d'eux-mêmes en train de brûler des maisons à Gaza, de déféquer sur le sol des maisons ou de commettre une multitude d'autres actes répugnants, on peut raisonnablement supposer qu'il sera confronté à un soulèvement national contre ce type de décision.

Quelle est la stratégie militaire israélienne ?

Sachant la société israélienne inextricablement liée aux forces armées, on comprend mieux l'état d'esprit de Tsahal. Par exemple, alors que dans la plupart des sociétés du monde, la mort d'un civil est perçue comme plus dommageable que celle d'un soldat, c'est précisément l'inverse pour les Israéliens. Cela s'explique en partie par le mythe suprématiste de la supériorité israélienne ainsi que par le fait que la mort de soldats n'a jamais été très fréquente, à l'exception d'attaques occasionnelles de tueurs solitaires ici et là.

La doctrine de l'armée israélienne correspond à peu près à celle du modèle américain de contre-insurrection qui a vu le jour pendant la "guerre contre le terrorisme" au début des années 2000, mais comporte des différences essentielles qui la rendent beaucoup moins efficace que l'armée américaine.

Dans les années 1990 et au début des années 2000, l'armée israélienne a bénéficié d'une asymétrie sur le champ de bataille, en s'appuyant fortement sur son armée de l'air pour répondre aux agressions avec une force considérable capable d'accomplir des missions et de remporter des victoires tactiques pour un coût très faible pour le corps militaire. Tout en s'appuyant sur leur supériorité en matière de véhicules militaires et d'aéronefs pendant les années de la seconde Intifada (2000-2005), les Israéliens ont réussi à infliger une défaite aux groupes de Résistance basés en Cisjordanie, le coup le plus important ayant été porté lors de leur "Operation Defensive Shield" de 2002, qui a causé la mort d'environ 500 Palestiniens.

En 2000, le régime sioniste s'est retiré du Sud-Liban - la situation étant devenue trop coûteuse pour ses forces - puis, en 2005, il a décidé de faire de même dans la bande de Gaza après avoir échoué à écraser le Hamas lors des combats qui se sont déroulés dans le nord de la bande de Gaza en octobre 2004.

Cependant, les sionistes ont découvert, lors de leur guerre de 2006 contre le Liban et, plus tard, lors des innombrables assauts contre Gaza, qu'ils étaient désormais confrontés à un nouveau type de menace qu'ils décrivent aujourd'hui comme des "armées terroristes équipés de roquettes". Tout au long des presque deux dernières décennies, les militaires sionistes ont cru qu'ils pourraient gérer les menaces que représentent les Résistances palestinienne et libanaise, n'ayant besoin que d'attaquer périodiquement pour maintenir la "dissuasion".

Pourtant, entre 2019 et 2020, l'armée israélienne a commencé à refaire ses calculs et a publié deux ouvrages importants : "The Momentum Multiyear Plan" et "The Operational Concept for Victory". Dans ces documents, il est clair que les Israéliens cherchent à s'adapter aux nouveaux défis. Le plan présente une stratégie d'intégration des développements technologiques de la "quatrième révolution industrielle" dans la planification militaire, notant que les opérations ponctuelles menées par les forces armées sionistes ne générent pas l'image souhaitée de la victoire face à la puissance militaire iranienne en constante progression.

Les Israéliens ont donc cherché à mettre en place un système qui relierait tous leurs dispositifs technologiques de surveillance, de reconnaissance et d'espionnage. Nous voyons qu'en 2021, ce nouveau système commence à être mis en pratique lorsque les sionistes se vantent de leurs systèmes d'IA qui les ont aidés à mener la guerre de Gaza de 11 jours en mai de cette année-là. L'idée était de recourir à ce système, qui serait à terme totalement intégré, pour permettre à l'entité sioniste de frapper en premier, et de porter des coups indubitables aboutissant à une victoire stratégique.

Puis vint le 7 octobre, lorsque l'opération Al-Aqsa Flood, menée par le Hamas, a bouleversé le monde pour l'armée israélienne et ses dirigeants, bien trop sûrs d'eux. Soudain, ils ont dû réagir à un coup qui les a totalement ridiculisés à tous les niveaux, porté par le bastion de résistance le moins puissant qu'ils aient eu à affronter.

Il n'est pas surprenant non plus que le Hezbollah, conscient de la stratégie israélienne, ait immédiatement commencé à cibler la technologie de reconnaissance et d'espionnage du régime sioniste au cours de la première phase de la guerre.

En examinant la stratégie de contre-insurrection à Gaza sur le terrain, on constate que, contrairement à l'armée américaine, l'infanterie n'est pas autorisée à se déplacer et à dégager les bâtiments avant que les chars ne pénètrent dans une zone, mais qu'elle utilise des véhicules blindés pour protéger ses soldats et réduire le nombre de morts. Mais le problème de cette stratégie américaine improvisée de contre-insurrection est qu'en réduisant le nombre de morts parmi les soldats, elle empêche aussi de combattre correctement ceux qu'ils sont censés affronter.

En effet, les Israéliens sont tout simplement trop lâches pour suivre une stratégie traditionnelle de contre-insurrection et tentent d'accomplir cette tâche sans prendre les risques qu'elle implique. En l'absence de résultats concrets pour leurs opérations terrestres, conçues pour mettre leurs soldats mal préparés et indisciplinés à l'abri du danger, ils se sont mis à détruire de plus en plus d'infrastructures civiles.

En effet, nous voyons aujourd'hui qu'ils tentent d'assiéger la Résistance palestinienne dans le nord de Gaza comme ils ont assiégé l'armée égyptienne en 1973. Pourtant, dans la guerre actuelle dans la bande de Gaza, les forces terrestres israéliennes ne sont pas préparées au genre de stratégies mises en œuvre pendant la guerre d'octobre.

Les Israéliens avaient besoin de rétablir leur domination militaire et se sont soudainement retrouvés dans la pire des positions possibles. Ne sachant qu'utiliser leur technologie pour tuer à distance et sans stratégie terrestre cohérente, ils ont été contraints de recourir à cette armée assez peu efficace pour atteindre des objectifs extrêmement complexes que leur armée de l'air et leur technologie d'intelligence artificielle ne pouvaient pas accomplir à leur place. C'est ainsi que le génocide est devenu un choix stratégique.

Dans le passé, les massacres de civils n'étaient pas simplement motivés par le désir de verser du sang sans raison - bien que le régime sioniste n'ait eu aucun problème avec cela - mais les massacres auxquels nous assistons à Gaza sont commis dans le but d'infliger de véritables coups psychologiques à la Résistance et au peuple palestinien, en plus d'envoyer un message à l'ensemble de la région. Cette fois, on assiste à une campagne incontrôlée de massacres de masse, permettant aux soldats racistes déchaînés de se livrer à ce que bon leur semble pour massacrer des innocents et détruire intégralement les infrastructures de la bande de Gaza.

Pourquoi ? Parce que l'entité sioniste a compris qu'elle n'a plus d'options militaires et que le seul moyen de remporter une victoire et de sauver son image de puissance déchue est de perpétrer un génocide, de tuer, de déplacer et de détruire tous les habitants et la moindre parcelle de terrain. Même leurs opérations tactiques au Liban, il y a environ un mois, sont aujourd'hui balayées par le Hezbollah, contre lequel ils n'ont pas de véritable réponse. Il est désormais évident que les assassinats et les attentats ne leur permettent pas de remporter une victoire stratégique, et que la Résistance libanaise leur est nettement supérieure dans les combats directs.

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