06/10/2025 dedefensa.org  4min #292668

 Importance grandissante du « modèle Orban »

Pourquoi la Tchéquie est si importante

Par Andrew Korybko

Associée à d'autres, la Tchéquie pourrait notamment constituer la base politique nationale pour relancer le groupe de Visegrád.

L'homme politique populiste-nationaliste Andrej Babis est sur le point de revenir au poste de Premier ministre après la victoire de son parti aux dernières élections. S'il ne dispose pas de majorité, il devrait former une coalition avec certains des plus petits partis partageant sa vision du monde. Il s'agit d'une avancée majeure, car la Tchéquie est sous contrôle libéral-mondialiste depuis la défaite de Babis en 2021. Bien que l'ancien haut responsable de l'OTAN Petr Pavel soit toujours président, le Premier ministre dispose de plus de pouvoir. Voici pourquoi son retour est si important :

1. Virage sur les questions socioculturelles

La coalition qu'il devrait former avec des partis plus petits partageant ses idées pourrait le rapprocher de la droite sur les questions socioculturelles, en raison de leurs positions plus radicales. L'une des plateformes médiatiques de Reuters est très préoccupée par ce scénario et a averti que « le vote tchèque met en jeu le mariage homosexuel et les droits LGBTQ+ ». Selon leurs estimations, il pourrait chercher à rédiger sa propre version du projet de loi hongrois sur la propagande anti-LGBT et/ou à inscrire les deux genres dans la Constitution, comme vient de le faire la Slovaquie voisine.

2. Pragmatisme sur l'Ukraine

L'ère du soutien politico-militaire maximal de la Tchéquie à l'Ukraine pourrait bientôt prendre fin, si l'on en croit les déclarations post-électorales de Babis. Ce dernier a déclaré que son pays n'était pas prêt à rejoindre l'UE et a fortement suggéré de suspendre également son aide militaro-technique. Dans ce dernier cas, la Tchéquie pourrait mettre fin à l'initiative occidentale qu'elle mène pour approvisionner l'Ukraine en munitions à travers le monde ou en transférer le contrôle à l'OTAN, ce qui, selon le New York Times, pourrait entraîner des ruptures d'approvisionnement et affaiblir le front.

3. Le « modèle Orban » dans la région.

Si Babis se comporte comme prévu en politique intérieure et extérieure, cela prouverait l'applicabilité du « modèle Orban » en Europe centrale. Le retour au pouvoir du Premier ministre slovaque Robert Fico en octobre 2023 l'a vu emboîter le pas à son homologue hongrois, mais certains observateurs se sont interrogés sur le fait qu'il s'agisse réellement du début d'une tendance. Tous les doutes seraient dissipés si Babis faisait de même, ce qui confirmerait la pertinence de ce modèle pour la région.

4. Relance possible du Groupe de Visegrád

Le groupe de Visegrád, composé de ces trois pays et de la Pologne, a été suspendu officieusement en raison de l'aversion de Varsovie pour l'approche d'Orban concernant le conflit ukrainien. Le nouveau président nationaliste-conservateur polonais, Karol Nawrocki, a toutefois déclaré cet été qu'il donnerait la priorité à ce groupe, afin que leurs visions nationales communes et son pragmatisme comparatif en matière de politique étrangère puissent servir de base à cette action. Son gouvernement libéral-mondialiste déteste toujours Orban, mais la double politique étrangère de facto de la Pologne pourrait encore permettre des progrès.

5. Importance géopolitique de l'Europe centrale

L'attention portée aux dernières élections tchèques et à leurs conséquences probables, comme indiqué précédemment, confirme l'importance géopolitique croissante de l'Europe centrale. Ceci est particulièrement significatif au regard des grands projets stratégiques de la Pologne visant à restaurer son statut de grande puissance grâce à l'« Initiative des Trois Mers » qu'elle pilote et qui englobe toute l'Europe centrale. La relance du groupe de Visegrád après le retour de Babis au pouvoir créerait un noyau de pays permettant de concrétiser plus facilement ces projets.

Au vu de ce qui précède, les élections tchèques sont importantes car elles représentent la diffusion du « modèle Orban » en Europe centrale, ce qui constitue la base interne d'une relance progressive du groupe de Visegrád si Nawrocki en a réellement la volonté politique. Les divergences entre ses membres concernant la Russie pourraient encore freiner une coopération plus étroite, mais s'il les met de côté avec pragmatisme au profit des grands objectifs stratégiques de la Pologne, ce groupe pourrait bientôt revenir au premier plan de la politique régionale.

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