05/03/2020 tlaxcala-int.org  5 min #169931

Victoire de Netanyahu mais absence de majorité parlementaire

Pourquoi Netanyahou continue-t-il à gagner ?

 Gilad Atzmon جيلاد أتزمون گيلاد آتزمون

Quelques jours avant les dernières élections israéliennes, l'éditorialiste du quotidien Ha'aretz, Anshel Pfeffer, a écrit une analyse spectaculaire de l'impasse politique actuelle en Israël : Les Israéliens vont aux urnes pour décider s'ils sont « Juifs » ou « Israéliens ».

Le premier à souligner la rivalité politique entre « le Juif » et « l'Israélien » a été Shimon Peres qui, après sa défaite de justesse en 1996, avait déploré dans une interview à Ha'aretz que « les Israéliens aient perdu les élections ». Quand on lui a demandé qui avait gagné, il a répondu : « Ce sont les Juifs qui ont gagné ». Peres, qui était né dans la Pologne de 1923 [aujourd'hui en Biélorussie], se voyait comme le candidat « israélien », Netanyahou, qui est né en Israël et a servi comme commandant d'une unité de pointe de l'armée israélienne, était aux yeux de Peres, le choix politique des « Juifs ». L'observation de Peres était juste. Politiquement astucieux et bien imprégné de la pensée des pionniers sionistes, Peres a identifié le conflit identitaire émergent qui était destiné à briser la société israélienne.

Pfeffer a souligné que dans les années 1990, Netanyahou a été influencé par son gourou de campagne usaméricain, Arthur Finkelstein, pour accepter que la « judéité » soit le premier unificateur des Israéliens. Cela s'applique clairement aux juifs religieux mais aussi à ceux qui se considèrent comme laïques et/ou de gauche.

Alors que le sionisme des débuts peut être compris comme une tentative intransigeante de découpler les Juifs de la judéité, du ghetto et du tribalisme pour en faire des « gens comme tous les autres », l'appel politique de la droite religieuse est ouvertement motivé par une adhésion nostalgique aux mythes du shtetl et de ses murs, de la ségrégation et de tous les autres aspects du tribalisme juif, chauvinisme compris. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la transformation d'Israël en un ghetto juif entouré de murs et défini par une « loi de l'État-nation juif » fait de Netanyahou, selon les critères des premiers sionistes, un ardent antisioniste.

Selon Pfeffer, lorsque Netanyahou est revenu au pouvoir en 2009 et a formé une coalition de droite et religieuse, « les Juifs l'ont emporté », et c'est le cas depuis.

Lundi, Netanyahou a remporté une importante victoire politique et personnelle. Il a gagné les voix des gens malgré sa situation juridique compliquée et, diraient même certains, à cause de ses complications juridiques. Dans cette rivalité entre « l'Israélien » et le « Juif », l' « Israélien » est battu coup après coup et le « Juif » l'emporte systématiquement.

Les « Juifs », comme les appelait Shimon Peres, voient en Netanyahou une voie claire vers un véritable retour à la maison spirituel. Être likoudnik peut être réalisé comme une véritable célébration de ce qu'ils sont vraiment. Les « Israéliens », d'autre part, espéraient que Gantz et Kahol Lavan feraient revivre la promesse sioniste initiale d'être émancipés de ce qu'ils sont et de devenir enfin des gens comme tous les autres Goyim, que ce soit des patriotes nationalistes ou des pacifistes cosmopolites.

La démographie du camp « juif » et celle de son rival « israélien » sont très éloignées. Netanyahou est largement soutenu par les juifs mizrahi [orientaux, arabes] et les secteurs religieux israéliens (les orthodoxes et les colons). Gantz et Kahol Lavan ont réussi à enflammer l'imagination des anciennes élites : les Ashkénazes et les Israéliens instruits. Les « Juifs », comme les appelait Peres, aiment Bibi parce qu'il manipule les Goyim. Il a réduit l'USAmérique à une colonie israélienne et pratiquement à une « partie au conflit » (par opposition à un statut de négociateur impartial). Ils sont fiers de leur Bibi et de sa capacité à tirer les ficelles des marionnettes qui dirigent le monde. Il se lie avec la diaspora et le Lobby, il parvient également à continuer à faire affluer l'argent des contribuables usaméricains. Bibi, pour autant qu'ils puissent en juger, est la meilleure chose qui soit arrivée dans l'histoire moderne des Juifs.

Les « Israéliens » votent Kahol Lavan parce qu'ils n'aiment pas Netanyahou, ils ne supportent pas l'idée que ses électeurs et eux-mêmes soient considérés comme « un seul peuple ». L' « Israélien » partage peu de choses avec les secteurs religieux, les colons et encore moins avec les « Juifs » qui vivent à la périphérie. Les « Israéliens » voudraient que Netanyahou soit mis derrière les barreaux et espèrent subliminalement que ses électeurs s'évaporent dans les airs. Kahol Lavan n'est pas un parti centriste. Sa vision du conflit est en fait à la droite de celle du parti Likoud et sa vision des questions sociales est vague, voire inexistante. Il est plus probable que ses dirigeants, des généraux vétérans de l'armée, évoquent parmi les « Israéliens » des souvenirs nostalgiques de 1967 : un État dirigé par des Ashkénazes, attaché au mantra sioniste du rejet de la judéité.

Mais l' « Israélien » a été de nouveau battu lundi. La nostalgie du moment le plus héroïque de l'histoire d'Israël ne semble pas avoir mûri jusqu'à la révolution nécessaire et Gantz a peut-être terminé son rôle politique. Il est probable que Kahol Lavan se désintégrera en ses composantes dans les semaines à venir.

Le fantasme de devenir « un peuple comme les autres » s'est effondré pour deux raisons évidentes : 1. aucun autre peuple ne veut être comme tous les autres peuples. 2. L' « Israélien » est beaucoup plus juif qu'il ne veut l'admettre.

Arthur Finkelstein l'a compris dans les années 1990 et Netanyahou continue de suivre son mentor de campagne, en affinant son programme politique dans la ligne du judéocentrisme. Dans l'État qui se désigne comme « État juif », l' « Israélien » se fait de plus en plus rare, il a été supplanté par « le Juif ».

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  gilad.online
Publication date of original article: 04/03/2020

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