M.A.
F.Froger Z9
La Commission européenne multiplie les initiatives controversées et la grogne gagne l'opposition. Peu après avoir annoncé son nouvel objectif climatique, à savoir réduire de 90 % d'ici 2040 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990, que seulement une dizaine d'États membres de l'UE soutiennent, des responsables politiques tchèques du Parti populaire européen (PPE, centre-droit), parti de la présidente de la CE, Ursula von der Leyen, expriment leur rejet catégorique. L'annonce intervient quelques jours avant une motion de censure qui cible la présidente de l'exécutif européen et qui sera votée la semaine prochaine.
Le nouvel objectif climatique de la Commission européenne a été officiellement proposé le mercredi 2 juillet. Il s'agit d'une modification de la loi européenne sur le climat, fixant pour l'UE un objectif de réduction de 90 % des émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2040, par rapport aux niveaux de 1990. Cet objectif se veut une continuité des engagements précédents comme la neutralité climatique d'ici 2050 et la réduction d'au moins 55 % des émissions d'ici 2030, ce qui suscitait déjà de l'opposition dans certains pays, au même titre que le Pacte Vert, ses législations contraignantes et ses retombées bureaucratiques.
La CE met le doigt dans l'engrenage
La Commission a principalement fondé cette proposition sur les recommandations du Conseil scientifique consultatif européen sur le climat. "L'industrie et les investisseurs se tournent vers nous pour définir une direction prévisible du voyage. Aujourd'hui, nous montrons que nous maintenons fermement notre engagement à décarboner l'économie européenne d'ici à 2050", a déclaré Ursula von der Leyen, ajoutant même que "l'objectif est clair, le parcours est pragmatique et réaliste".
La nouvelle proposition insiste sur la "flexibilité" accordée aux États membres pour atteindre l'objectif, autorisant à partir de 2036, un recours limité à des crédits internationaux de haute qualité, permettant d'utiliser des compensations carbone étrangères pour une partie des réductions. Par ailleurs, le texte intègre les absorptions permanentes de carbone réalisées sur le territoire national dans le système d'échange de quotas d'émission (SEQE).
Au cours des prochains mois, les trois institutions européennes, à savoir la Commission, le Conseil et le Parlement, devront trouver un accord sur une version commune du texte. Seulement une dizaine d'États membres soutiennent officiellement cet objectif. D'autres, comme la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne ou encore la République tchèque, jugent la proposition irréaliste.
Et les responsables politiques tchèques n'ont pas manqué de le dire ouvertement. À commencer par le Premier ministre, Petr Fiala, qui a rapidement rejeté l'objectif. "Nous ne sommes pas d'accord pour fixer un nouvel objectif climatique", a-t-il déclaré le jour même de l'annonce de la nouvelle proposition de la CE. "Nous pensons que les objectifs climatiques existants sont déjà en place et qu'ils doivent être atteints de manière raisonnable, en ajustant certaines des mesures sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord afin de ne pas mettre en péril la compétitivité", a-t-il plaidé, avertissant que son pays "n'aura pas le soutien de l'opinion publique".
Le ministre de l'Environnement Petr Hladík lui a emboîté le pas. "Cette proposition n'est pas réaliste pour la République tchèque (...) Sans des conditions réalistes et un financement équitable, la transformation n'est pas réalisable", a-t-il ajouté.
Von der Leyen menacée par une motion de censure
Pour sa part, l'eurodéputé Tomáš Zdechovsky, dont le parti est d'ailleurs affilié au PPE, met en garde contre de graves conséquences politiques. "Je pense que si la Commission européenne ne veut pas être démise de ses fonctions la semaine prochaine à Strasbourg et ne veut pas que nous votions pour la motion de censure la visant (...), elle devra retirer la proposition". L'eurodéputé fait référence à la motion de censure qui vise la CE.
Celle-ci a été déposée au Parlement européen et sera débattue puis votée la semaine prochaine. Les eurodéputés conservateurs derrière cette initiative, qui avait initialement recueilli 74 signatures, reprochent à la Commission son manque de transparence dans le "Pfizergate", sa gestion des fonds post-pandémie et l'usage présumé de financements pour influencer le Parlement sur le pacte vert.
"Toute la Commission européenne est devenue folle. La majorité des eurodéputés, toutes tendances politiques confondues, sont en colère", a ajouté Tomáš Zdechovsky, qui regrette que la nouvelle proposition climatique "n'ait pas été discuté avec [eux] au préalable".
Un autre eurodéputé tchèque Alexandr Vondra, membre de la commission de l'Environnement (ENVI) du Parlement européen, a affirmé que son pays "n'avait aucune chance" d'atteindre l'objectif sans "des coûts énormes, qui retomberont sur les gens ordinaires". Il a dénoncé un "exemple de colonialisme climatique dégoûtant".
Cette colère chez les eurodéputés, dont ceux du PPE, s'inscrit dans un contexte marqué par de nombreuses controverses. Au Pacte Vert ou au PfizerGate s'ajoutent justement les accusations d'ingérence dans la présidentielle roumaine, et l'initiative ReArm Europe pour laquelle Ursula von der Leyen entend se passer de l'avis du Parlement européen. Et maintenant, encore une nouvelle proposition.... Les négociations s'annoncent compliquées.