Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, l'ONU, saisie par la Ligue des droits de l'Homme, a sévèrement critiqué la proposition de loi sur la «sécurité globale». De nombreux syndicats de journalistes appellent à manifester devant l'Hémicycle.
Saisie par la Ligue des droits de l'Homme (LDH), l'Organisation des Nations unies (ONU) a adressé le 12 novembre 2020 au président français Emmanuel Macron un rapport sur la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale, qui doit être débattue le 17 novembre à l'Assemblée nationale.
Dans ce texte, trois rapporteurs spéciaux du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme de l'ONU critiquent sévèrement deux aspects de cette proposition de loi : l'utilisation de caméras individuelles et aéroportées (articles 21 et 22 de la proposition de loi), ainsi que la pénalisation de l'utilisation néfaste d'images de forces de l'ordre (article 24 de la proposition de loi).
«Nous craignons que l'adoption et l'application de cette proposition de loi puissent entraîner des atteintes importantes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d'expression et d'opinion, et le droit à la liberté d'association et de réunion pacifique», ont-ils écrit dès le début du document.
Or, ces derniers rappellent que : «L'information du public et la publication d'images et d'enregistrements relatifs à des interventions de police sont non seulement essentiels pour le respect du droit à l'information, mais elles sont en outre légitimes dans le cadre du contrôle démocratique des institutions publiques.» Et d'ajouter : «Son absence pourrait notamment empêcher que soient documentés d'éventuels abus d'usage excessif de la force par les forces de l'ordre lors de rassemblements.»
Il est ensuite souligné dans le rapport du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme de l'ONU que la proposition de loi relative à la sécurité globale, «qui émerge dans le contexte général de la lutte anti-terroriste, paraît également refléter un manque de précision qui serait susceptible de porter préjudice à l'état de droit», notamment concernant «les critères de légalité, nécessité et proportionnalité».
En effet, si «la proposition de loi précise que seront sanctionnés les seuls cas où la diffusion d'image aura "porté atteinte à [l']intégrité physique ou psychique"», les rapporteurs estiment «que cette disposition est insuffisamment précise». Ils ont également fait savoir que cette disposition, contraire «aux exigences de légalité», «pourrait décourager, voire sanctionner ceux qui pourraient apporter des éléments mettant en avant une possible responsabilité des forces de maintien de l'ordre dans des violations des droits de l'homme, et donc conduire à une certaine immunité, produisant une situation d'impunité pour des actes contraires aux droits de l'homme».
L'article 24 «a pour objectif réel de restreindre la liberté de la presse», selon une intersyndicale
La proposition de loi relative à la sécurité globale portée par les députés marcheurs Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, visant initialement à consolider les polices municipales et le secteur de la sécurité privée, avant de protéger davantage les forces de l'ordre victimes d'une série d'agressions, a déjà fait couler beaucoup d'encre en seulement quelques jours.
De nombreux observateurs, à l'instar du nouveau Défenseur des droits, des principaux syndicats de journalistes ou de la Ligue des droits de l'homme, se sont particulièrement levés face à l'article 24 de cette proposition de loi qui serait destiné à «passer sous silence les violences policières» selon Amnesty International.
En l'espèce, que dit l' article 24 de cette proposition de loi ? «Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, dans le but qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un fonctionnaire de la police nationale ou d'un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu'il agit dans le cadre d'une opération de police.»
Dans un communiqué, l'intersyndicale SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, SGJ-FO, aux côtés de la LDH et des fédérations internationale et européenne de journalistes ont estimé que l'article 24 de la proposition de loi «a pour objectif réel de restreindre le droit des journalistes et la liberté de la presse de manière disproportionnée par rapport à la réalité de la menace». Il permettrait d'interpeller tout journaliste qui filme en direct une opération de police, de le placer en garde à vue en saisissant son matériel et de l'envoyer devant un tribunal, seul à même de déterminer si l'intention malveillante est établie, font-elles valoir.
En conséquences, des organisations syndicales de journalistes, la Fédération européenne des journalistes la LDH et un «grand nombre d'organisations professionnelles et collectifs appellent à un rassemblement mardi 17 novembre à partir de 16 heures, place Edouard Herriot à Paris», selon un communiqué co-signé par de nombreux syndicats et associations.
La @BlackRobeBrigad sera présente, aux côtés du @syndicatavocats, du @Saf_Paris, de la @LDH_Fr et de toutes les autres organisations... 🔥
Lire aussi «Sécurité globale» : une atteinte à la liberté de la presse pour les syndicats de journalistes