Neil CLARK
© REUTERS/Jean-Paul Pelissier ; Guadalupe Pardo
Grandes manifestations en France et au Venezuela. Deux présidents qui ont une faible cote de popularité. Mais un seul dont la légitimité est remise en question par les 'démocraties' occidentales et par le président français lui-même.
Juste au moment où on pensait que l'hypocrisie globaliste était à son pire niveau, elle monte encore d'un cran.
La France et le Venezuela sont tous les deux le théâtre de grosses manifestations anti-gouvernementales, depuis quelques semaines. Ces manifestions sont dues à la situation économique et aux problèmes financiers de plus en plus insolubles de la majorité des gens.
Mais c'est seulement au Venezuela que le président, démocratiquement élu, Nicolas Maduro, a reçu l'ordre de démissionner et que son adversaire, Juan Guaido, a été sacré président. Les 'bonnes vieilles démocraties' des Etats-Unis et de l'UE se sont empressées de 'reconnaître' Guaido. Elles adorent ce garçon et détestent Maduro.
Mais en France, c'est une toute autre affaire. Là, ce sont les manifestants - les Gilets jaunes - qui sont vilipendés. Ce sont des 'populistes' (mal, très mal !) qui sont soi-disant manipulés par la Russie (de pire en pire !)
Le peuple vénézuélien a des raisons légitimes de descendre dans la rue pour protester contre son président dans les moments difficiles qu'il vit, mais le peuple français, lui, non, il n'en a pas la moindre !
Pour couronner le tout, Emmanuel Macron, l'homme qui a déclenché les plus grandes manifestations en France depuis plus d'un demi-siècle, a le culot de se positionner à l'avant-garde de ceux qui 𝕏 soutiennent un leader non élu au Venezuela, et tout cela au nom de la 'démocratie'.
Gilbert et Sullivan* n'auraient pas pu imaginer un monde plus sens dessus dessous. Un monde dans lequel ceux qui vénèrent la démocratie et les 'droits humains' sont les plus grands destructeurs de la démocratie et des droits humains. Un monde où les défenseurs les plus résolus de 'l'ordre public' dans un pays donné sont les plus ardents défenseurs de l'anarchie et de l'incendie des bâtiments gouvernementaux dans un autre. Répétez après moi : Les manifestations au Venezuela, c'est bien, les manifestations en France, c'est mal ! Très mal !
Macron et Maduro semblent être tout aussi impopulaires auprès de leur propre population, si l'on en croit les sondages.
President Macron Approval Rating
Approve: 18% (-3)
Disapprove: 76% (+7)
Field work: 28/11/18 – 29/11/18
Sample size: 1,006
EuropeElects@EuropeElects
France, sondage YouGov :
Cote de popularité du président Macron :
Approuvent : 18% (-3)
Désapprouvent : 76% (+7)
Date du sondage : 28/11/18 - 29/11/18
Taille de l'échantillon : 1 006
La cote de Macron n'était plus que de 18 % au début de décembre, mais elle est remontée à 30 % depuis. Environ 73 % des gens le trouvent autoritaire.
Au Venezuela, en novembre, 63% de la population soutenait un 'règlement négocié' pour destituer Maduro.
On peut dire que la plupart des gens en France et au Venezuela voudraient sans doute que leurs dirigeants actuels démissionnent.
Mais ce n'est pas à cause de l'ampleur des difficultés économiques, ni de l'ampleur des 'violations des droits humains', ni du nombre de manifestants, qu'il y a une pression internationale sur Maduro, mais pas sur Macron, pour qu'il parte, c'est parce que l'un sert les intérêts de ce que le philosophe politique et économiste grec Takis Fotopoulos a appelé 'l'élite transnationale' et l'autre non.
L'incapacité de l'UE à condamner les violations des droits de l'homme commises par le gouvernement Macron en dit long. Voyez ce clip alarmant où la police française semble être en train de fracasser le visage d'un manifestant anti-gouvernemental sur le trottoir : pic.twitter.com/QUMXDDD8KiM #GiletsJaunes 𝕏 21h02 - 1er février 2019
Macron est un ancien banquier dont la mission est de 'réformer' l'économie française sur le mode néolibéral. Sur le plan de la politique étrangère, il soutient l'interventionnisme libéral et a envoyé (illégalement) des troupes françaises en Syrie. La France est membre de l'OTAN et, depuis la fin du gaullisme, une alliée inconditionnelle des Etats-Unis.
Maduro, en revanche, est un ancien chauffeur de bus d'un pays dont l'économie est largement socialiste. Sa politique étrangère est fortement anti-impérialiste. Le Venezuela est un allié de la Russie, et non des États-Unis. Il s'est opposée au 'changement de régime' en Syrie.
Il n'est pas nécessaire d'être Albert Einstein pour comprendre pourquoi les élites transnationales économiques/politiques/propagandistes/académiques et culturelles, pour utiliser la classification de Fotopoulos dans son livre 'Le nouvel ordre mondial en action', veulent se débarrasser de Maduro et pas de Macron.
Macron est peut-être méprisé par des millions de ses compatriotes, mais il n'est pas méprisé (loin de là !) par le peuple du pays qui détient le plus grand pouvoir en Occident aujourd'hui. Maduro, si. Pour mettre la main sur les actifs de la France, l'élite transnationale a besoin que Macron reste en place. Pour s'approprier les actifs du Venezuela, et en particulier son pétrole, elle a besoin que Maduro parte.
Cela pourrait expliquer pourquoi une grande partie de la couverture médiatique des manifestations vénézuéliennes a été bienveillante, même si on a assisté à des actes d'une violence épouvantable de la part des manifestants antigouvernementaux, comme le fait de tuer par le feu un homme noir de Caracas, en 2017, tandis que la couverture des manifestations en France a été plutôt hostile.
Glenn Greenwald✔ggreenwald
Les faucons de l'administration Trump qui tentent d'induire un changement de régime au Venezuela ne cachent pas leurs véritables motivations (pétrole, marchés financiers et avantage géostratégique). Ce sont des libéraux fanatiques qui se persuadent que Bolton & Pence veulent libérer les Vénézuéliens :
Adam H. Johnson✔adamjohnsonNYC
Réponse à 𝕏 @adamjohnsonNYC
pour avoir une bonne idée de l'objectif réel des événements actuels au Venezuela (ce qui motive vraiment Bolton, Pence, etc) je recommande les nouvelles financières. Elles sont bien plus justes que les articles 'nuancés' sur l'illibéralisme de Maduro, etc. 𝕏 guaido-s-u-s-envoy-vows-to-open-oil-sector-restructure-debts%20.... 14h24 - 6 février 2019
Cette semaine en Grande-Bretagne, nous avons vu Chris Williamson, un député travailliste anti-guerre qui s'oppose à l'ingérence occidentale au Venezuela, se faire harceler d'une manière grotesque, par Jon Snow, un présentateur de Channel 4 News, parce qu'il ne voulait pas 'changer de camp' et soutenir la reconnaissance d'un leader de l'opposition comme président légitime du pays.
Peut-on imaginer quelqu'un se faire attaquer de cette manière parce qu'il refuse de soutenir Jean-Luc Melenchon qui se serait auto-proclamé président de la France ?
Ça ne risque pas d'arriver !
L'élite transnationale ne veut pas de Jean-Luc au pouvoir, ni de Marine Le Pen d'ailleurs. Macron est le président 'démocratiquement élu' point à la ligne, et peu importe le nombre de personnes qui descendent dans la rue pour protester contre lui. Mais au Venezuela, Maduro, malgré ses victoires électorales, est bon à destituer.
On a déjà connu tout ça, bien sûr. Et pas qu'une fois.
On sait maintenant, qu'aussi sûrement que la nuit suit le jour, tout dirigeant d'un pays stratégiquement important et riche en ressources qui fait obstacle aux aspirations hégémoniques de l'élite transnationale va faire l'objet d'une campagne de diabolisation et de délégitimation.
En 2009, on nous a dit que l'élection présidentielle en Iran, qui s'était soldée par une victoire de la 'ligne dure' de Mahmoud Ahmadinejad, avait sans doute été 'volée'. Il a fallu un ancien de la CIA, Robert Baer, pour contester le récit dominant. 'L'un des seuls sondages occidentaux fiables menés avant le vote a donné gagnant Ahmadinejad - avec des pourcentages plus élevés que les 63 % dont il a effectivement bénéficiés', a-t-il écrit dans Time.
S'il est vrai que Nicolas Maduro ne peut plus être considéré comme le président légitime du Venezuela parce qu'un grand nombre de personnes s'y opposent, alors, presque aucun dirigeant actuel dans le monde n'est 'légitime'.
En d'autres termes, si 'Maduro doit partir', Macron aussi, ainsi que Donald Trump, qui, ne l'oublions pas, n'a pas remporté le vote populaire à l'élection présidentielle américaine de 2016 et préside un pays profondément divisé.
De plus, si c'est une question de 'droits humains', qu'en est-il des 'droits humains' des manifestants en France qui ont fait l'objet d'un traitement vraiment brutal de la part des autorités ? Plus tôt dans l'année, le Français Hedi Martin, âgé de 28 ans, a été condamné à six mois de prison pour avoir appelé à une manifestation des Gilets jaunes.
Des centaines de personnes ont été arrêtées dans l'État français pour dissidence.
Mais ce n'est pas au Venezuela, donc cela n'a pas d'importance. Mais n'oubliez pas que, la véritable révolution - une révolution qui défie l'élite transnationale, au lieu de servir ses intérêts - vous ne la verrez pas à la télévision. Et Macron ne l'applaudira bien sûr pas.
Niel Clark
Neil Clark est journaliste, écrivain, communicant et blogueur. Il a écrit pour de nombreux journaux et magazines au Royaume-Uni et dans d'autres pays, notamment The Guardian, Morning Star, Daily et Sunday Express, Mail on Sunday, Daily Mail, Daily Mail, Daily Telegraph, New Statesman, The Spectator, The Week et The American Conservative. Il est un habitué de RT et a également fait des apparitions à la télévision et à la radio de la BBC, à Sky News, à Press TV et à Voice of Russia. Il est le cofondateur de la Campaign For Public Ownership PublicOwnership._ban');">𝕏 PublicOwnership. Son célèbre blog se trouve à l'adresse www.neilclark66.blogspot.com. Il tweete sur la politique et les affaires mondiales NeilClark66
Traduction : Dominique Muselet
Note :
* Gilbert et Sullivan désigne un duo de l'époque victorienne composé du librettiste William S. Gilbert et du compositeur Arthur Sullivan. Ils collaborèrent sur plus de quatorze opéras comiques entre 1871 et 1896.