18/06/2024 2 articles dedefensa.org  6 min #250692

Pas si mauvais que cela

Risques nucléaires et élection Us

 Ouverture libre

• Cela fait bien entendu longtemps que les événements d'Ukraine, depuis "la guerre de 2014" (voir notre article du  3 mars 2014), ont introduit en Europe un risque nucléaire direct. • Depuis le 24 février 2022,), il est devenu un risque opérationnel direct, dont la partie pro-ukrainienne semble à peine se rendre compte et tout juste s'inquiéter. • Ce risque explique en grande partie la prudence de Poutine. • Il existe aussi l'inconnue colossale du rapport de ce risque avec l'élection présidentielle US de novembre. • Ivan Timofeïev, du Club Valdaï, décrit le scénario conduisant ce risque.

Ci-dessous, on trouve un texte de Ivan Timofeïev, directeur programmes du club Valdaï (article d'abord publié par le Club de discussion Valdaï, traduit et édité par  l'équipe RT). Une fois de plus est abordé la question, ici scénarisée précisément, d'un affrontement en Ukraine aboutissant à l'utilisation d'une arme nucléaire, puis à un conflit nucléaire mondial et totalement dévastateur. Pour certains théoriciens et philosophes qui ont réfléchi au problème posé par une telle perspective, l'avenir au-delà d'un tel conflit montant au niveau stratégique global où il n'y a pas de gagnant, est tout simplement impensable.

C'est évidemment ce qui est la marque, le poids principal de la pensée de Poutine, alors qu'elle semble totalement absente du côté opposé, comme s'il n'y avait pas de pensée à cet égard. (Hypothèse enrichissante qui mérite exploration.) Les critiques de plus en plus nombreuses qui sont adressées à Poutine pour sa "faiblesse" omettent en général de prendre en compte cette double charge. Là où elles parlent de "la faiblesse de Poutine", elle devrait parler du "sens de la responsabilité" de Poutine, lequel sens semble totalement absent du côté opposé qui ne raisonne que selon une fausse morale, disons une "stratégie de la moraline-irresponsable".

• D'une part, il doit mener une guerre contre l'Ukraine qui s'avère être une guerre contre l'OTAN ;

• D'autre part, il doit mener cette guerre de façon à pouvoir l'emporter au niveau conventionnel, sans utilisation de l'arme nucléaire tactique pour éviter tout risque d'escalade catastrophique alors que l'adversaire semble totalement dépourvu du sens d'une telle responsabilité.

Ivan Timofeïev décrit donc cette possibilité selon la formuler classique que nous venons de très-rapidement définir :

« Il n'est pas impossible que le conflit ukrainien puisse finir par conduire à une guerre nucléaire dans laquelle il n'y aura pas de gagnants. »

En fait, il n'existe guère d'autres voies, dans l'état actuel des esprits et de leurs faiblardes et soumises convictions, qui ne porte pas un tel risque dans une très forte proportion, que les deux suivantes que nous voudrions évoquer :

• La première, qui vient  de s'ouvrir d'une façon éventuellement inattendue, à la conférence en Suisse, selon l'idée qu'exprime Andrew Korybko. Cette idée est dans la possibilité qu'une tierce puissance (Korybko cite l'Inde) se retrouve chargée d'une mission de compromis, éventuellement dans la logique d'une formule qui serait mise au point par l'initiative que la Chine et le Brésil préparent pour le prochain G20 de novembre. Cet ensemble de "possibles" se conjuguant implique des puissances qui ne sont pas aveuglées par la puissance pour la Russie mais qui ont de bonnes relations avec elles et qui sont d'une importance globale qui ne peut être ignorée par les pays américanistes-occidentalistes. Dans tous les cas, cette possibilité est largement dans l'esprit de Poutine et explique la prudence et la retenue que certains jugent être une faiblesse extrême de sa stratégie.

• La seconde est plus complexe, mais beaucoup plus radicale. D'une façon assez paradoxale, ou étrange, - ou tactique, avec la crainte de compromettre Trump, - la position de Poutine, plusieurs fois répétée, est que l'élection présidentielle aux USA ne changera rien à la position américaniste. Or, deux des trois candidats principaux ont une position tranchée sur les questions de sécurité nationale, dont la guerre en Ukraine fait aujourd'hui complètement et activement (et polémiquement) partie. Trump ne cesse de dénoncer la menace d'une Troisième Guerre mondiale, notamment pour les États-Unis, qu'avec lui cette menace n'existerait pas puisqu'on n'aurait pas eu de guerre en Ukraine, et qu'il réglera la question de cette guerre grâce à ses bonnes relations avec Poutine dès son élection. Robert Kennedy, lui, attaque directement le complexe militaro-industriel en affirmant qu'il réduira le budget du Pentagone de 50% s'il est élu, ce qui le met nécessairement dans le camp des adversaires de cette guerre.

On se trouve ainsi devant une situation hypothétique (si Trump est élu), si le conflit ukrainien est devenu paroxystique et prend des allures de devenir un conflit nucléaire, où les deux hommes seraient poussés à chercher un arrangement (par exemple un poste temporaire du plus haut niveau stratégique offert à Kennedy par le nouveau président-élu), ne serait-ce que temporaire pour coaliser leurs électorat selon une dynamique antiguerre immédiatement opérationnelle. Mais comment faire puisque leur pouvoir ne devient effectif que le 20 janvier 2025 ? La crise extérieure devient une crise institutionnelle dans des USA au bord d'une explosion majeure, tandis que toutes les forces du DeepState se trouveront en plein déchaînement contre les deux candidats pendant la période intermédiaire novembre-janvier, avec des risques énormes d'attentats, de troubles civils, etc.

• La question devient donc extrêmement pressante et énigmatique. Que se passera-t-il d'ici le mois de novembre par rapport aux risques d'approcher une aggravation très risquée de la guerre ? Que se passera-t-il si l'on se trouve à un tournant de la guerre lors de l'élection et que cette élection soit gagnée par Trump et aboutisse à une alliance temporaire avec Kennedy sur l'urgence de la crise  ?

Dans tous les cas, il nous paraît extrêmement impossible, sinon impensable, qu'un lien direct et explosif ne s'établisse pas entre la guerre en Ukraine d'une part, l'élection aux USA elle-même et la dynamique nouvelle que créerait une victoire de Trump avec l'impossibilité d'une indifférence de Robert Kennedy à la situation d'urgence ainsi créée.

Ainsi se trouve concrétisé, au travers du terrible risque d'escalade que Timofeïev nous expose, le lien entre la guerre en Ukraine et la politique intérieure des USA, - nous disons bien "intérieure", impliquant la situation structurelle des USA, -dont nous avons toujours dit notre conviction qu'il était à la fois très puissant et très inédit.

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18/06/2024 dedefensa.org  7 min #250693

Risques nucléaires et élection Us

A la dérive vers un conflit majeur

Ivan Timofeïev

Se peut-il que les forces de l'OTAN se retrouvent directement impliquées dans le conflit militaire entre la Russie et l'Ukraine ? Jusqu'à récemment, une telle question semblait très hypothétique, compte tenu des risques élevés d'escalade de la confrontation militaire entre le bloc dirigé par les États-Unis et la Russie vers un conflit armé à grande échelle. Mais ce scénario doit maintenant être pris au sérieux.