Une grande partie du site de Normandie Logistique, une entreprise voisine de Lubrizol, a également brûlé le 26 septembre. Plus de 4 000 tonnes de produits Lubrizol et 139 tonnes de produits Total y étaient stockés.
5 000 tonnes ou le double ? La quantité de produits partis en fumée lors de l'incendie de l'usine chimique de Rouen reste inconnue alors que Lubrizol et son voisin Normandie Logistique se rejettent la responsabilité de l'origine du feu.
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«C'est pas une zone Seveso, c'est un souk Seveso !», s'étrangle Jacky Bonnemains, porte-parole de l'association de protection de l'environnement Robin des Bois.
Après les 5 253 tonnes de produits chimiques incendiés chez Lubrizol, la préfecture de Seine-Maritime a publié le 4 octobre au soir une liste de... 9 050 tonnes de produits stockés par l'entreprise voisine, Normandie Logistique (NL), elle aussi partiellement incendiée.
Grande naïveté des services de l'Etat
Le hic, c'est que NL, une entreprise ancienne autrefois appelée «Magasins généraux», n'est pas en mesure de dire quels produits ont été touchés par l'incendie. Sur les trois bâtiments de la société, un a brûlé intégralement et deux partiellement le 26 septembre.
Et dans la liste des produits stockés par NL, figurent 4 157 tonnes (12 700 fûts) de produits Lubrizol et 139 tonnes de produits Total.
Ce qui fait dire à Jacky Bonnemains que NL servait de «stockage-tampon» pour des entreprises Seveso. «Il s'agit d'arrangements entre industriels qui manquent de place», estime-t-il, critiquant «la grande naïveté des services de l'Etat». Lors d'une conférence de presse, le préfet de Normandie Pierre-André Durand a au contraire assuré le 4 octobre que les produits stockés chez NL n'étaient «pas du tout les mêmes produits» que ceux stockés dans un site Seveso.
«A ce stade, on est sur des produits qui ne justifiaient pas une application des règles qui aboutissent à un classement des produits au titre des installations classées []... Il n'y a pas d'irrégularité flagrante qui saute aux yeux», a abondé Patrick Berg, directeur de la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (Dreal) de Normandie. «Après, il faut évidemment se garder de conclure aussi vite», a-t-il ajouté en assurant que «ça fait partie des choses qu'on vérifiera de manière extrêmement précise».
Gazole, bauxite, asphaltes
Chez Normandie Logistique, on affirme qu'il n'y avait «pas de stockage de produits explosifs ou dangereux». Les entrepôts contenaient «divers produits» comme de la gomme arabique (un additif alimentaire) et «quelques produits combustibles», selon un communiqué.
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Selon les éléments fournis par la préfecture, NL stockait des «matières premières» et des «produits finis» Lubrizol, 3 000 litres de gazole non routier pour les engins de manutention, 648 tonnes de bauxite, 350 tonnes de papier, des asphaltes pour Total, etc.
«Sur le plan sanitaire, par rapport aux problématiques de qualité de l'air []... ce qu'il nous faut [savoir], c'est ce qui a vraiment brûlé», a souligné Patrick Berg, qui a précisé que c'est quelque chose qui a été demandé à Normandie Logistique.
«Nous pourrons donner des indications un peu plus complètes quand notre propre information sera plus complète», a-t-il reconnu.
Client de Normandie Logistique pour le stockage de ses produits, Lubrizol multiplie depuis quelques jours les déclarations mettant en cause son voisin. Le 30 septembre, le groupe chimique, qui dit se baser sur «la vidéosurveillance et des témoins oculaires», avait ainsi affirmé que l'incendie avait vraisemblablement commencé à l'extérieur de son site, laissant penser qu'il aurait pu venir de Normandie Logistique.
Une affirmation démentie dès le lendemain par le parquet de Rouen, qui a indiqué qu'il n'était pas «possible de préciser avec certitude sur quelle emprise le sinistre a débuté». Dans le quotidien régional Paris Normandie du 5 cotobre, Christian Boulocher, directeur général de Normandie Logistique, affirme lui aussi qu'«à ce jour, aucun indice ne nous permet de penser que [l'incendie] puisse être parti de chez nous».
Dans un communiqué commun, les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC de Lubrizol affirment eux aussi ne pas parvenir à s'«expliquer le départ de cet incendie», assurant que «la sécurité est un pilier de [leur] culture d'entreprise». «Tout comme l'ensemble de la population, nous sommes impatients de connaître les résultats de l'enquête judiciaire en cours afin de clarifier les responsabilités», ajoutent-ils.
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