© Dmitry Serebryakov Source: AP
L'ambassade du Royaume-Uni à Moscou, le 9 septembre 2022 (illustration).
3 nov. 2022, 12:43
La Russie a convoqué l'ambassadeur britannique à Moscou pour lui remettre des «preuves» selon elle, de l'implication de Londres dans de récentes attaques contre la flotte russe en Crimée et dans le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, comme l'avait fait savoir la diplomatie russe le 2 novembre.
A son arrivée ce 3 novembre au ministère russe des Affaires étrangères, l'ambassadeur britannique Deborah Bronnert a été accueillie par les huées de plusieurs dizaines de personnes criant «La Grande-Bretagne est un pays terroriste !», l'épisode venant une nouvelle fois illustrer le caractère exécrable des relations entre les deux pays.
L'ambassadeur britannique chahutée lors de son arrivée au ministère des Affaires étrangères à Moscou
«Il n'y a bien sûr aucun doute sur l'implication des services secrets britanniques [dans ces deux actions]», avait déclaré le 2 novembre à la presse la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, précisant que le public serait «mis au courant des éléments qui seront remis comme preuves à la partie britannique» via les réseaux sociaux et le site du ministère des Affaires étrangères.
La Russie accuse le Royaume-Uni d'être à l'origine des explosions ayant endommagé en septembre les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, construits pour acheminer du gaz russe en Europe. Le 29 octobre, l'armée russe a accusé par ailleurs des «spécialistes britanniques» basés à Otchakov, dans la région de Mykolaïv en Ukraine, d'être impliqués dans une attaque de drones ukrainiens menée contre sa flotte stationnée dans la baie de Sébastopol, en Crimée.
Maria Zakharova a également commenté les propos du ministère de la Défense britannique, qui avait rapidement rejeté les accusations de Moscou en déclarant que celles-ci, qualifiées de «fausses affirmations d'une ampleur épique», ne visaient qu'à «détourner l'attention de sa gestion désastreuse de l'invasion illégale de l'Ukraine». Selon la porte-parole, la réaction du ministère britannique est «très étrange», dans la mesure où un dialogue direct avec les autorités russes, et non via les réseaux sociaux, aurait pu permettre de clarifier les points soulevés. Ce zèle à clamer l'innocence britannique équivaut, aux yeux de la porte-parole, à un «aveu par inadvertance».
Moscou assure que les actions britanniques ne resteront pas sans réponse
Le 1er novembre, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov avait déjà évoqué au cours d'un point presse des «données indiquant que la gestion et la coordination de l'attaque contre la baie de Sébastopol ont été effectuées par des consultants militaires britanniques», ainsi que des «preuves que la Grande-Bretagne est impliquée dans le sabotage, autrement dit dans l'attentat contre une infrastructure énergétique vitale» que sont les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Il a fait remarquer à cette occasion qu'il s'agissait d'une infrastructure «internationale» étant donné son importance pour l'approvisionnement énergétique de multiples pays, et déploré «le silence inacceptable des capitales européennes» à ce sujet.
«Des actes de ce genre ne doivent pas être laissés sans réponse», a-t-il complété, en précisant que Moscou réfléchissait à de «prochaines étapes», autrement dit à des sanctions contre Londres. Pour l'heure, l'identité des responsables des sabotages des deux gazoducs n'a pas été établie par l'enquête conjointe menée par la Suède, l'Allemagne et le Danemark, dont la Russie a été écartée à son grand dam.
Le porte-parole de la présidence russe est également revenu sur les rumeurs relatées le 29 octobre par le journal britannique The Mail on Sunday selon lesquelles le téléphone de l'ex-Premier ministre Liz Truss aurait été piraté par des «agents du Kremlin», qui auraient ainsi eu accès à des conversations confidentielles sur la guerre en Ukraine et à des discussions détaillées sur les livraisons d'armes à Kiev.
«Malheureusement, les médias britanniques proposent actuellement peu de reportages pouvant être pris au sérieux», a balayé Dmitri Peskov, n'accordant aucun crédit au «reportage tabloïd».
«Sans donner de preuves, le Mail on Sunday a néanmoins fait appel à deux experts en sécurité qui, tout en citant d'autres potentiels pays espions - la Chine, la Corée du Nord ou l'Iran - affirment que la Russie "se trouve en tête de liste" derrière ce type de piratage», a pour sa part commenté Le Figaro à propos de ces «révélations» du tabloïd britannique. L'opposition travailliste et libérale-démocrate a néanmoins réclamé une enquête sur ces questions de sécurité nationale, le gouvernement conservateur n'ayant pas souhaité commenter en détail les dispositifs de cybersécurité déployés pour protéger les moyens de communication des dirigeants.
Alors qu'une rumeur sur le même sujet, relayée par l'ex-patron du site pirate MegaUpload, Kim Dotcom, faisait état d'un message qu'aurait envoyé Liz Truss au secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Anthony Blinken - lui écrivant «C'est fait», quelques instants après les explosions ayant touché Nord Stream - des responsables russes ont réclamé des explications à Londres.
Dans un message repris par l'ambassade russe au Royaume-Uni, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova 𝕏 réclamait ainsi une réponse officielle : «Franchement, peu m'importe qui a obtenu cette information et comment. Je suis intéressée par la réponse de Londres à la question suivante : "La Premier ministre britannique Liz Truss a-t-elle envoyé un message au secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken disant"C'est fait"immédiatement après l'explosion du gazoduc Nord Stream ?"»
Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, a lui aussi partagé ses préoccupations ce 3 novembre, estimant qu'on ne pouvait «pas ignorer le message SMS» attribué à Liz Truss. Nikolaï Patrouchev a en outre analysé : «Dès les premières minutes après les rapports d'explosions sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, une campagne active a été lancée pour accuser la Russie. Cependant, il est évident que les Etats-Unis sont le principal bénéficiaire de ces actes terroristes et que des représentants des forces navales britanniques ont participé à leur planification et à leur mise en œuvre, selon le ministère russe de la Défense.»