19/10/2020 mondialisation.ca  3min #180595

 Des victimes de terrorisme à niveau d'indignation variable

Samuel Paty a t-il été lâché par sa hiérarchie avant d'être décapité?

Par  Guillaume Borel

La mort atroce de Samuel Paty, décapité pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet dans un cours traitant de la liberté d'expression, a suscité l'indignation générale et une vive émotion dans le corps enseignant.

Le ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer a ainsi rapidement communiqué, d'abord dans les médias, puis dans un courrier spécifiquement adressé aux enseignants. Dans ce dernier, il les assure notamment de tout son soutien et « du soutien de l'institution scolaire ». Mais était-ce vraiment le cas pour Samuel Paty ?

Le cours sur la liberté d'expression dispensé par cet enseignant d'Histoire-Géographie s'est déroulé le 05 octobre. A cette occasion, il a montré des caricatures de Mahomet issues de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo à sa classe, en ayant auparavant invité les élèves de confession musulmane à sortir s'ils le souhaitaient pour ne pas être choqués.

Dés le lendemain, une mère d'élève contacte la principale et affirme que sa fille a été victime de discrimination, elle aurait été « mise à l'écart » par l'enseignant car musulmane. La cheffe d'établissement a alors demandé à Samuel Paty de rencontrer la maman et de s'excuser « s'il avait été maladroit », ce qu'il fit.

La cheffe d'établissement a ensuite reçu un père de famille, Brahim Chnina (dont on apprendra plus tard que la fille n'avait pas assisté au cours), et le prédicateur Abdelhakim Sefrioui, fiché S et actuellement en garde à vue.

A l'issue de son entretien avec la principale, Abdelhakim Sefrioui tire la conclusion que le professeur va être sanctionné par sa hiérarchie, comme il l'affirme dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux : « l'inspection académique a contacté le parent d'élève et lui a exprimé son étonnement de savoir que ça s'est passé comme ça dans le cours de ce voyou, et qu'ils allaient sévir, qu'ils allaient s'activer vraiment dans ce sens-là, et qu'ils allaient envoyer des inspecteurs voir ce voyou.»

Selon une note des Renseignements Territoriaux diffusée par Le Point et Libération, la principale a effectivement alerté sa hiérarchie et sollicité l'intervention d'un inspecteur de la cellule « Laïcité et valeurs de la République ». Ce dernier est intervenu le 09 octobre afin, selon la note des Renseignements Territoriaux, « d'accompagner la principale lors d'un entretien avec le professeur pour notamment lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité».

Enfin, le 12 octobre, Samuel Paty est convoqué au commissariat de Conflans-Sainte-Honorine car la veille, Brahim Chnina avait porté plainte contre lui pour « diffusion d'images pornographiques ».

L'enseignant a alors déposé plainte pour « diffamation publique », et donné une version écrite de son cours aux policiers. Le même jour, Brahim Chnina met en ligne une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il fait témoigner sa fille, il donne également le nom et l'adresse de l'enseignant.

Pourtant, selon la note des Renseignements Territoriaux en date du 12 octobre, la situation était alors « apaisée ».

C'est probablement selon cette même logique interprétative que le ministre Blanquer conclura que la hiérarchie et l'institution scolaire avaient toujours « soutenu » Samuel Paty, soutien tellement évident qu'il a amené Abdelhakim Sefrioui à penser que l'enseignant était sur le point d'être sanctionné. Dans l'Education Nationale, la parole d'un parent d'élève a en effet souvent plus d'importance que celle d'un professeur et le soutien à Samuel Paty semble bien n'avoir été que contraint : des discours de circonstance et une gerbe de fleurs. Auparavant, il semble avoir été bien seul...

Guillaume Borel

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