PHOTO: © Global Look Press / Russian Foreign Ministry
« Question: Le week-end dernier Paris a dévoilé les entretiens confidentiels de Vladimir Poutine avec Emmanuel Macron. S'il s'agit d'une nouvelle approche de la diplomatie, comment le ministère des Affaires étrangères de la Russie aborde-t-il désormais la façon de procéder aux conversations délicates? Est-il possible d'éviter de telles fuites?
Sergueï Lavrov:Nous négocions, par principe, de manière à ne jamais avoir honte. Nous disons toujours ce que nous pensons. Nous sommes prêts à assumer nos paroles et à justifier notre position. Je pense que les principes de l'éthique diplomatique ne sous-entendent pas une fuite unilatérale des informations. Nous avons déjà fait des commentaires sur cette situation.
Nous avons déjà eu un cas dans notre pratique où un enregistrement de mes entretiens avec les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne et de la France a été publié. À l'époque, nous travaillions encore dans le cadre du format Normandie et nous nous efforcions depuis longtemps de convaincre Berlin et Paris qu'ils devraient obliger Kiev à cesser de saboter la mise en œuvre des Accords de Minsk, approuvés lors d'une phase cruciale avec le soutien des Allemands et des Français et approuvés par la suite par le Conseil de sécurité de l'ONU. En matière de doubles standards professés par mes homologues, les ministres des Affaires étrangères de la France et de l'Allemagne, leurs réponses à ces arguments ont été très révélatrices. Se positionnant en tant que garants des Accords de Minsk, ils ont tout fait pour « blanchir » Kiev et justifier son désir flagrant de faire échouer leur mise en œuvre. Aujourd'hui, Piotr Porochenko a affirmé qu'il avait signé les Accords de Minsk sans avoir la moindre intention de les mettre en œuvre. Selon lui, il fallait gagner du temps et se procurer des armes occidentales pour préparer la revanche. C'est un fait objectif. Il est désormais possible d'affirmer avec certitude que le comportement de Berlin et de Paris favorable au régime de Kiev était orienté sur le soutien de telles actions et logiques. Cependant, avant la publication du contenu de mes entretiens avec mes homologues Français et Allemands, nous les avons avertis à trois reprises que si nous ne recevons pas une explication claire du motif du rejet des dossiers négociés avec leur participation directe, nous serons dans l'obligation de rendre publiques nos discussions. Paris et Berlin ont répondu trois fois par le silence. De toute évidence, il y a une « légère » différence. »
Allocution et réponses à la presse du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, à l'issue de son entretien avec le ministre des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, Bui Thanh Son, Hanoï, 6 juillet 2022
Nous avons effectué la première partie de notre visite dans la République socialiste du Vietnam. Nous avons eu de longues et substantielles discussions avec le ministre des Affaires étrangères Bui Thanh Son. Nous avons discuté des relations bilatérales, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des accords conclus par les présidents de nos pays à la fin de l'année 2021 et de l'application de la déclaration conjointe sur le renforcement du partenariat stratégique intégral entre la Fédération de Russie et la République socialiste du Vietnam, qui célèbre cette année son dixième anniversaire.
Nous avons discuté en détail des affaires internationales, de notre coopération à l'ONU et des processus en cours dans la région Asie-Pacifique, en nous concentrant sur le développement du partenariat stratégique entre la Russie et l'ASEAN. Nous avons étudié les problèmes que provoquent les pays occidentaux, menés par les États-Unis, dans l'économie mondiale. Il y a une compréhension de la façon de continuer à construire nos relations commerciales, économiques et d'investissement dans de telles conditions afin qu'elles ne souffrent pas des sanctions illégitimes et unilatérales adoptées par les États-Unis, l'UE et leurs alliés dans la région.
Les pourparlers étaient très opportuns et ont permis de tracer des démarches concrètes visant à approfondir la coopération dans tous les domaines sans exception, y compris la coopération dans le domaine social, éducatif et militaro-technique.
Question: Les relations entre nos pays sont en train de se développer, elles ont un caractère stratégique. Comment évaluez-vous la détermination des entreprises vietnamiennes à poursuivre leur travail sur le marché russe dans le contexte des sanctions, alors que les États-Unis continuent de faire pression sur les entreprises internationales qui ont choisi de rester en Russie?
Sergueï Lavrov: Les entreprises vietnamiennes perçoivent très bien l'intérêt et les bénéfices du développement des liens économiques et d'investissement avec la Fédération de Russie. Nous avons établi une coopération étroite et structurée dans le secteur de l'énergie. Des sociétés mixtes ont été créées dans le domaine de la production et de la livraison d'hydrocarbures sur les marchés internationaux. Aujourd'hui, nous avons évoqué le fait que ces entreprises poursuivront leur travail. D'autres projets ont été discutés dans le domaine du commerce et de l'économie, notamment dans des secteurs tels que l'industrie automobile, la santé publique, les produits pharmaceutiques et d'autres domaines où des activités conjointes sont possibles.
Il est révélateur que, malgré les restrictions liées à la pandémie et les sanctions illégales, notre chiffre d'affaires en 2021 a augmenté d'un quart, et que cette tendance est restée stable au cours des premiers mois de cette année. Je pense que les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Question: Comment réagissez-vous aux affirmations de Kiev selon lesquelles l'armée russe bombarderait ses propres villes afin de perturber les livraisons d'armes occidentales en Ukraine?
Sergueï Lavrov: Pour être bref, ils mentent. Les faits sont bien connus et sont présentés par notre ministère de la Défense de manière quotidienne. Quelles que soient les interprétations du président Zelenski et de son équipe, l'Occident doit être conscient de sa responsabilité dans la mort de civils, surtout dans le Donbass et dans d'autres régions d'Ukraine, où le régime de Kiev se sert de ces armes contre les civils principalement comme moyen d'intimidation. C'est de la terreur au niveau de l'État.
Question: Un certain nombre de pays occidentaux membres du G20 ont déjà appelé à exclure la Russie de ce format. Des tentatives précises ont-elles été déployées pour faire obstruction à votre participation aux pourparlers de Bali? Si oui, pourquoi ont-elles échoué?
Sergueï Lavrov: Je ne sais pas si elles ont été déployées ou non. Nous avons reçu des invitations de la partie indonésienne à la réunion des ministres des Affaires étrangères qui débute demain à Bali et au prochain sommet du G20 en novembre. Si de telles tentatives ont eu lieu, les dirigeants indonésiens n'y ont pas réagi.
Question: Le week-end dernier Paris a dévoilé les entretiens confidentiels de Vladimir Poutine avec Emmanuel Macron. S'il s'agit d'une nouvelle approche de la diplomatie, comment le ministère des Affaires étrangères de la Russie aborde-t-il désormais la façon de procéder aux conversations délicates? Est-il possible d'éviter de telles fuites?
Sergueï Lavrov: Nous négocions, par principe, de manière à ne jamais avoir honte. Nous disons toujours ce que nous pensons. Nous sommes prêts à assumer nos paroles et à justifier notre position. Je pense que les principes de l'éthique diplomatique ne sous-entendent pas une fuite unilatérale des informations. Nous avons déjà fait des commentaires sur cette situation.
Nous avons déjà eu un cas dans notre pratique où un enregistrement de mes entretiens avec les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne et de la France a été publié. À l'époque, nous travaillions encore dans le cadre du format Normandie et nous nous efforcions depuis longtemps de convaincre Berlin et Paris qu'ils devraient obliger Kiev à cesser de saboter la mise en œuvre des Accords de Minsk, approuvés lors d'une phase cruciale avec le soutien des Allemands et des Français et approuvés par la suite par le Conseil de sécurité de l'ONU. En matière de doubles standards professés par mes homologues, les ministres des Affaires étrangères de la France et de l'Allemagne, leurs réponses à ces arguments ont été très révélatrices. Se positionnant en tant que garants des Accords de Minsk, ils ont tout fait pour « blanchir » Kiev et justifier son désir flagrant de faire échouer leur mise en œuvre. Aujourd'hui, Piotr Porochenko a affirmé qu'il avait signé les Accords de Minsk sans avoir la moindre intention de les mettre en œuvre. Selon lui, il fallait gagner du temps et se procurer des armes occidentales pour préparer la revanche. C'est un fait objectif. Il est désormais possible d'affirmer avec certitude que le comportement de Berlin et de Paris favorable au régime de Kiev était orienté sur le soutien de telles actions et logiques. Cependant, avant la publication du contenu de mes entretiens avec mes homologues Français et Allemands, nous les avons avertis à trois reprises que si nous ne recevons pas une explication claire du motif du rejet des dossiers négociés avec leur participation directe, nous serons dans l'obligation de rendre publiques nos discussions. Paris et Berlin ont répondu trois fois par le silence. De toute évidence, il y a une « légère » différence.
Question (traduite de l'anglais): Qu'attendez-vous de la réunion du G20? Avez-vous prévu des contacts bilatéraux « en marge » de la réunion?
Sergueï Lavrov (traduit de l'anglais): Le G20 poursuit son propre agenda. Nous discuterons des questions qui y sont évoquées. Nous avons reçu quelques demandes pour des réunions bilatérales, qui seront organisées conformément à celles-ci.
Question (traduite de l'anglais): Quel est le but de votre visite au Vietnam? Quels résultats ont été atteints lors des entretiens bilatéraux qui ont eu lieu aujourd'hui? Le sujet des relations entre la Russie et l'Ukraine a-t-il été abordé? Quelle position la partie vietnamienne adopte-t-elle à ce sujet?
Sergueï Lavrov (traduit de l'anglais): L'objectif de cette visite est de promouvoir un partenariat stratégique global. C'est une visite de retour. Le ministre des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, Bui Thanh Son, a effectué une visite à Moscou en septembre 2021. L'échange de visites annuelles est une pratique diplomatique normale.
Lors des pourparlers nous avons abordé de nombreux sujets, notamment la situation qui a résulté des politiques occidentales ouvertement russophobes visant à créer une menace pour la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien et à maintenir la ligne néonazie du régime de Kiev.
Nous apprécions la position équilibrée et objective du Viêtnam dont le caractère s'est manifesté par le refus de Hanoï de rejoindre les sanctions illégales contre la Russie et par son intention de développer une pleine collaboration avec la Fédération de Russie, tant au niveau bilatéral qu'international.
Traduction officielle
Source: Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie