06/06/2022 reseauinternational.net  9 min #209646

A Severodonetsk, le plus dur reste à faire

Severodonetsk, acte 2

par Erwan Castel.

À Severodonetsk, les combats font toujours rage, n'en déplaise aux excités qui annoncent sa libération par les forces russo-républicaines, soit achevée, soit impossible.

Dans le  précédent SITREP consacré à ce secteur j'avais décrit les difficultés liées au terrain, et à une résistance ukrainienne se maintenant autour de l'usine Azot et au niveau des ponts encore praticables sur cette rive gauche de la rivière Donets séparant Severodonetsk de Lisichansk, la partie principale de ce bastion double et dont l'étendue et la garnison et l'altitude sont 3 fois plus importantes.

Même si sur les cartes il est question de 2 villes distinctes, elles ne peuvent être dissociées dans l'enjeu commun que représente leur position stratégique à l'Est de Kramatorsk et qui justifie la priorité donnée aux 2 états-majors, le russe et l'ukrainien (comprendre) étasunien, qui se disputent son contrôle.

Ces derniers jours, le mouvement de certaines unités ukrainiennes de Severodonetsk vers Lisichansk laissait à penser que l'état-major de Kiev avait décidé de leur retrait de la rive gauche de la Donets, mais l'arrivée de renforts menant même des contre attaques sont venus contredire cette conclusion hâtive et retarder ce retrait pourtant à terme inévitable même si Kiev réussissait à reprendre le contrôle momentané de la ville).

Situation approximative à Severodonetsk, au 4 juin 2022.

Dans plusieurs quartiers de Severodonetsk, les forces en présence s'affrontent
toujours dans des combats terrestres et bombardements réciproques

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J'avoue être fatigué de voir avec quelle immaturité narcissique certains analystes pro-russes voulant à tout prix, même celui du mensonge, être les premiers hérauts à annoncer les victoires russes imposent à leur public des fantasmes débiles voire même improductifs. Être engagé du côté et même jusqu'à participe physiquement au conflit ne doit pas être fait au détriment de la vérité et de l'analyse rationnelle. Et tous ces experts de salon qui pérorent depuis 100 jours en annonçant toutes les semaines la déroute imminente de l'armée ukrainienne « désintégrée », « démoralisée », « inapte » face à une armée russe « parfaite » « invincible » et « écrasante » devraient apprendre l'humilité, éviter confondre dogme idéologique et analyse rationnelle et surtout arrêter de prendre le gens pour plus cons qu'eux ! Leur larbinisme propagandiste n'a d'égal que celui des experts invités sur les plateaux de BFM TV and Co - A Gamelin, Gamelin et demi !

Concernant Severodonetsk

Primo, la ville n'est pas encore libérée et il y a attaques et contre attaques de chaque côté,

Secundo, les forces ukrainiennes malgré des pertes importantes continuent à se battre,

Tertio, les forces alliées ont subi également des pertes importantes et des échecs tactiques,

Quarto, l'encerclement de ce bastion ukrainien ne pourra pas être achevé à court terme...

Ce que nous observons à Severodonetsk comme auparavant à Marioupol ou Izioum c'est une défaite inévitable des forces ukrainiennes mais qui dans une stratégie sacrificielle tentent d'en imposer un prix de sang maximum pour chercher à imposer aux forces russes et républicaines une « victoire à la Pyrrhus » lui interdisant de poursuivre sa manœuvre vers Lisichansk.

Quant aux contre attaques ukrainiennes, elles relèvent pour le moment d'un flux et reflux tactique habituel dans ce type de combat urbain de haute intensité ou un quartier, une rue, un immeuble peuvent changer plusieurs fois de main pendant la bataille. Et comme l'a reconnu le président Zelensky lui-même reconnaissant en filigrane l'abandon inéluctable de Severodoneysk : « La situation reste extrêmement difficile ».

Soldats tchétchènes de l'unité « Armat » au combat contre les renforts ukrainiens

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Un fait divers qui en dit long sur l'état d'esprit du pouvoir chancelant de Kiev :

La députée ukrainienne, Maryana Bezuglaya vient d'être envoyée par le Président Zelensky dans l'encadrement de la défense de Severodonetsk. Une nomination qui serait anodine si cette bandériste, qui a fait un stage au Département d'État américain, n'avait pas proposé il y a quelques jours à la Rada (parlement ukrainien) la loi №7351 qui autoriserait le commandement à tirer sur ses soldats qui se rendent ou désertent.

Des renforts ukrainiens... et internationaux

Début juin, l'état-major ukrainien a envoyé plusieurs renforts d'infanterie et d'artillerie dans les localités du secteur servant d'armature à leur dispositif de Défense autour de Kramatorsk comme par exemple Artemovsk (Bakhmut), Seversk et bien sûr Lisichansk et Severodonetsk.

Vétéran ou déserteur de la Légion étrangère française arrivé à Severodonetsk.

Ils ont fait le buzz, ces mercenaires de la « Légion Internationale pour la Défense de l'Ukraine », accordant des interviews mythos a peine leur sacs à dos posés à Severodonetsk, prouvant que Severodonetsk est d'abord pour Kiev un objectif politico-médiatique quitte à y sacrifier toute logique militaire.

Unité de la Légion internationale ukrainienne arrivant à Severodonetsk le 2 juin 2022

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En réalité ces mercenaires de la Légion Internationale ukrainienne sont ici rattachés à la 798e Brigade ukrainienne d'assaut par air, dont plusieurs unités sont arrivés sur ce secteur du front. Leur effectif et moyens ne sont donc même pas assez suffisants pour former une unité autonome..

Devant l'arrivée de ces renforts ukrainiens dans Severodonetsk, les forces russes ont décidé de détruire e dernier pont encore praticable par des véhicules (Pont « Prolestarsky »), situé au Nord de la ville.et celui au Sud déjà endommagé par des précédents tirs.

Arrivée à Severodonetsk des renforts ukrainiens

Dans cette bataille en cours de Severodonetsk je ne pense pas que les tendances décrites par les propagandistes russes et ukrainiens sont complètement fausses comme par exemple celle du retrait des unités ukrainiennes vers Lisichansk qui à terme est inévitable mais qui aujourd'hui concerne certainement et prioritairement celles qui ont subi des pertes trop importantes pour continuer le combat ou celles, comme les territoriaux mal équipées, encadrées et formées qui sont  récalcitrantes à se retrouver en 1ère ligne et fragilisent encore plus le dispositif ukrainien.

Obsédé par la volonté de donner une illusion de résistance offensive, l'état-major ukrainien a lancé 2 contre attaques limitées mais très médiatisées, menées dans les quartiers Nord et Sud de Severodonetsk au moment où arrivaient sur place ces mercenaires de l'OTAN. Cependant le cours global de la bataille reste pour le moment inchangé et au profit des forces russo-républicaines, et cela de l'aveu même de Kiev qui, commentant ces contre attaques en cours espérant ce 4 juin que « cela permettra de tenir 2 semaines de plus ». De même cet ordre du commandement ukrainien du secteur donné à des forces spéciales de miné les citernes de l'Usine chimique d'Azot contenant 100 tonnes de nitrogène chacune.

Dans le quartier de l'usine chimique d'Azot, rapprochée par les combats,
l'atmosphère est viciée par les bombardements et la pollution

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À l'extérieur du bastion de Severonetsk/Lisichansk

Au Nord de la ville, des informations annoncent un franchissement de la Donets par les forces russes. Comme à Popasnaya, il faut attendre maintenant quelques jours pour confirmer et savoir si la percée devient une tête de pont offensive.

Au Sud de la ville, l'étau russo-républicain se resserre sérieusement autour du petit chaudron de Zolotoe dont les forces ukrainiennes vont devoir bientôt soit se replier vers Lisichansk soit être détruites sur place.

Si ces 2 manœuvres offensives qui ont gagné en tout une quinzaine de kilomètres sont confirmées, cela signifie que l'encerclement de Severodonetsk/Lisichansk se poursuit, mais il reste environ 40 km à conquérir et sous les feux de l'artillerie ukrainienne. Cela prendra donc du temps pendant lequel les forces dans Severodonetsk devront tenir.

Au matin du 5 juin une véritable cacophonie propagandiste inonde les réseaux d'information avec d'un côté les pro-russes qui annoncent que les forces ukrainiennes sont en train d'abandonner la ville et de l'autre côté les pro-ukrainien qui annoncent au contraire qu'elles ont repris Meltikone et Voronove, 2 localités en périphérie Sud Est de Severodonetsk.

Ce qui est sûr c'est que les combats pour le contrôle de Severodonetsk continuent et sont très violents.

En conclusion

Même si la victoire russe dans la bataille de Severodonetsk semble certaine il reste à savoir pour quand et à quel prix, et quelle sera la disponibilité et le niveau opérationnel des forces russo-républicaines pour passer à l'étape suivante à savoir la libération de Lisichansk qui selon moi ne pourra s'accomplir que par son encerclement radical et en aucun cas par un assaut frontal venant du talweg de la Donets.

En attendant il serait intéressant que les forces russes donnent une priorité urgente à la destruction des derniers ponts séparant Severodonetsk et Lisichansk car en attendant qu'ils puissent être utilisés contre Lisichansk et dans l'hypothèse où ils ne seront pas détruits par les dernières unités ukrainiennes se repliant (comme ceux entre Krasni Liman et Slaviansk), ils sont utilisés pour acheminer des renforts pour des contre attaques...

Ce n'est que mon humble avis.

Soldats ukrainiens sous le feu russe à Severodonetsk.

source :  Alawata Rebellion

 reseauinternational.net

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