12/11/2025 dav8119.substack.com  7min #296000

Systèmes de vote et constitution populaire

 Davy Hoyau

Nous suivons avec attention les débats sur la constitution d'une constitution par le peuple pour le peuple.
Et on s'échine à dire (depuis des années) que le principal problème se situe dans le système de vote.
Tant que le système de vote ne sera pas fiable il n'y a aucun espoir d'avancer concrètement.

De plus l'accès au questionnement sur la constitution ne peut se faire que dans un cadre légal avec une certitude de réussite et pour cela il faut au préalable avoir un ancrage dans le système politique et donc avoir voté pour quelqu'un qui acceptera cette idée.

Ce qui nous met logiquement face à un paradoxe.

Puisque sans un système de vote qui soit fiable il n'y a aucune chance que se présente volontairement et spontanément un candidat enclin à faire voter quelque chose qui va le licencier.
Et c'est bien là la raison pour laquelle la question des systèmes de vote est sans cesse éludée.
Il faut aller contre cette inertie qui consiste à reléguer cette question à une chose inconnue ou incongrue.
Alors expliquons.

Il est extrêmement profitable de l'expliquer, du moins d'en expliquer les fondements à la fois mathématiques mais surtout ontologiques.
Il n'existe que deux choses dans l'univers, ce qui est matériel et ce qui est immatériel. C'est à dire au fond ce qui est objectif et ce qui est subjectif. Un vote consiste à convertir des opinions, une choses immatérielle et intangible, en un résultat chiffré et objectif. C'est une opération très délicate.

Il est néanmoins possible de démontrer si un système d'évaluation des opinions est fiable ou non. C'est idiot mais pour cela il faut un autre système mathématique, et c'est ce-même système mathématique qu'il est question d'utiliser directement.

De façon abstraite, on peut s'en rendre compte quand on voit devenir président une personne élue avec 20% des votes, qui eux-mêmes étaient dépités d'avoir à choisir entre la peste ou le choléra.
La question est donc d'une urgence brûlante.

Les deux systèmes de vote fiables sont le scrutin de Condorcet et le vote par jugement majoritaire. Le premier est plus fiable pour ce qui est de déterminer les secondes et troisièmes positions, et départager les exæquos. Le second a l'avantage de faire en sorte que si aucun candidat n'atteint le jugement majoritaire, il n'y a aucun élu, et il faut recommencer le vote avec d'autres candidats. Cela donne une voie de sortie pour le cas où aucun candidat ne conviendrait, ce qui correspond à donner une suite au vote blanc. Le vote blanc est un droit car il représente une opinion.

Les scrutins, s'ils étaient laborieux et complexes à mettre en place au point qu'on ne voulu n'en faire qu'un ou deux par décennie, peuvent aujourd'hui se jouer instantanément via une App dédiée, au jour-le jour et de façon continue. Cela change complètement la donne et dans cette mesure, la volonté de rendre au peuple son pouvoir de décision ou de révocation pour n'importe quelle loi ou décret, est parfaitement réalisable.

Sur les séquelles d'un mauvais système de vote

En passant, nous préconisons de refuser le trucage des votes et de laisser la possibilité à n'importe qui d'en vérifier les résultats, via une publication en Open Data des résultats. Pour cela, la solution la plus radicale et la plus infalsifiable est encore de lever le secret du vote, afin que chacun vérifie ce qu'il a voté. On notera que cette histoire de "secret du vote" est comme celle du choix du système de vote, un tabou qui arrange bien les affaires des personnes qui s'accrochent au pouvoir toute leur vie. L'argument est d'éviter de se faire harceler, mais il y a des lois contre cela. On peut ne pas être fier de son vote et ne pas vouloir s'en justifier, ceci reste un droit élémentaire. Il est probable que cette idée soit nocive au moment de l'embauche ou de la façon dont les groupes se forment en s'informant sur les votes des gens. La mentalité est-elle prête à ne pas discriminer les gens en fonction de leur bord politique ? Non, certainement pas, mais cet écueil ne pourra être dépassé que si on ose franchir le pas, et instaurer un esprit de paix.

Ce sont les politiciens qui créent des divisions, à escient, afin de polariser les votes, afin d'être élus, afin de satisfaire au dysfonctionnement du système de vote, qui oblige à créer des camps radicalement adverses et oblige les votants à se rabattre sur le "vote utile". C'est le système de vote qui est la cause de ces dysfonctionnements et de ces tensions sociales, et non ces tensions qui doivent servir d'argument pour éviter de choisir de lever le secret du vote afin d'éradiquer complètement toute volonté de fraude.

Les avantages des scrutins continus

Cette question étant posée, il reste celle de la fiabilité des systèmes de vote, et des nouveaux usages qui peuvent être faits avec ces scrutins "continus".

La première remarque en temps qu'ingénieur, n'est peut-être pas la plus évidente, mais elle semble importante. Un système de vote fiable c'est avant-tout le moteur d'un logiciel de décision rationnelle. Ce logiciel pourrait très bien intégrer des composantes déterministes telles que la satisfaction des besoins, qui ne relèvent pas des opinions mais des simples faits concrets de la réalité physique, qui viendraient participer aux décisions et aux chois.
Du moins, un tel contrôleur permettrait de vérifier la validité d'un choix politique.

Mais le plus important est les usages qu'on peut faire d'un scrutin continu. Il ne s'agit plus de voter pour un maître qui va faire tout ce qui lui plaît pendant dix ans sans avoir de compte à rendre à personne et en servant les intérêts d'une très petite minorité d'ultra-riches. Ça, on a déjà donné, et on a vu le résultat.

Il s'agit d'intervenir à toutes les étapes de la législation et de pouvoir s'opposer à des décisions regrettables ou évincer immédiatement des représentant dès que le premier doute survient à propos de leur intégrité. Dès la première faute, dès le premier mensonge. À ce moment-là, on pourrait imaginer une commission devant laquelle il aurait à se justifier de ses actes ou de ses propos, et de décider de son sort dans l'immédiateté. Les mensonges ne devraient jamais être tolérés ; ni encore moins les faussetés que les gens prennent pour la réalité.

Pour constituer un vote, il peut très bien y avoir plusieurs sous-votes, qui passent en revue un certain nombre de points, les évalue, évalue leur importance relative sur la décision finale, et produit ce qu'on appelle une décision rationnelle. C'est à dire que ce sont les arguments en faveur et en défaveur du vote qui sont votés, après avoir été discutés et débattus.

De même, la question du vote peut être divisée en étapes, qui consistent à choisir d'abord la question, puis les réponses possibles qui sont "candidates", et enfin la solution.

Le question revient au final sur la fiabilité du jugement puisque le système de vote est fait pour le retranscrire fidèlement. Les systèmes de vote alternatifs ont cet avantage de permettre une plus grande variété d'opinions et de faire que le votant reste fidèle à ses principes et à ses préférences, sans avoir à jouer d'une stratégie où tout le monde est perdant. S'il estime que les choix proposés sont mauvais, il est certain que sa voix sera entendue au prorata du nombre de votants.

De même les votants peuvent être triés sur le volet ou eux-mêmes issus d'autres scrutins. Enfin, les élections nationales peuvent très bien se jouer comme au football en quart de finale, demi-finale, finale avec des votations locales, régionales et nationales.

De même une autre idée possible serait de ne pas voter pour des candidats mais pour des idées, et d'élire le candidat dont le programme sera le plus proche du programme voté, tout en gardant sur son action un contrôle démocratique.

Bref il y a énormément de possibilités qui s'ouvrent à l'idée du vote continu, et ceci n'est rendu possible qu'avec la certitude que les jugements sont retranscrits fidèlement en valeurs objectives.

Conclusion

Comme nous disions, après cela il ne reste qu'à s'en prendre au jugement du peuple, à sa finesse d'analyse, sa perspicacité et son aptitude à comprendre les enjeux. Dans un système de vote très approximatif comme l'actuel, ces questions restent dans l'ombre, puisque les résultats sont eux aussi très approximatifs et les candidats encore plus ambigus. Bref on n'a de contrôle sur rien. Mais avec un système de vote fiable, vient également une nécessité de la fiabilité du jugement des votants.

Si le système est vraiment fiable, une personne qui ne se pense pas en mesure de pouvoir choisir peut très bien refuser de voter et ayant confiance dans le fait que ceux qui votent le font en sachant ce qu'ils font.

On le voit, le paradigme est renversé. Ce n'est plus la quantité qui fait la légitimité d'une élection, mais sa qualité. En d'autres terme les systèmes de votes qualitatifs s'opposent aux systèmes de votes quantitatifs en permettant d'avoir un bien plus grand contrôle sur la direction prise collectivement et consciemment par les habitants d'un pays.

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