Le 3 décembre 2024, le président sud-coréen Yoon Seok-yeol (Pouvoir au peuple, conservateur) a décrété la loi martiale en accusant l'opposition (à majorité démocrate) de «tentative de renversement du régime». Alors que le président du Parti démocrate Lee Jae-myung a dénoncé la proclamation de la loi martiale comme «illégale et anticonstitutionnelle», l'Assemblée nationale a réagi en demandant la levée de la loi martiale par une majorité de 190 sièges (sur 300), l'opposition - qui détient une majorité de sièges au Gukhoe - étant rejointe par 18 députés (sur 108) du parti Pouvoir au peuple, tandis que les autres députés de la majorité présidentielle étaient absents de l'hémicycle au moment du vote. Si l'incertitude règne sur les suites de cette crise politique, il est patent que le Président Yoon Seok-yeol a cherché à surmonter un conflit politique avec la majorité du Parlement par le recours à des procédures d'exception de manière anticonstitutionnelle : une telle façon de faire s'apparente à une tentative de coup d'État militaire, car ayant utilisé l'armée qui avait été lancée à l'assaut du Parlement. Des appels à la destitution du chef de l'État ont été lancés.
Le Parlement sud-coréen issu des législatives du 10 avril 2024 : Parti progressiste: 3 sièges Reconstruire la Corée: 12 sièges Nouvelle alliance progressiste: 2 sièges Parti démocrate: 169 sièges Indépendants: 2 sièges Nouveau parti du futur: 1 siège Nouveau parti de la réforme: 3 sièges Pouvoir au peuple: 90 sièges Parti du futur du peuple: 18 sièges
Depuis son élection en 2022, le président Yoon Seok-yeol n'a jamais disposé d'une majorité au Parlement, étant à nouveau désavoué lors des élections législatives du 10 avril 2024. Dans ce contexte, les tensions avec les démocrates (opposition, centre à centre-gauche) sont allées croissantes : en particulier, un projet de budget réduit pour 2025 a été adopté par la commission du budget, tandis qu'ont été déposées des motions de destitution contre le chef de la Commission de contrôle et d'inspection, d'une part, le plus haut procureur du Parquet central du district de Séoul, d'autre part.
Durant une conférence de presse réunie d'urgence au bureau présidentiel, le président Yoon Seok-yeol, dont le taux de popularité est très faible, a justifié en ces termes la première proclamation de la loi martiale depuis le rétablissement de la démocratie en République de Corée (la précédente loi martiale, en 1981, avait justifié un bain de sang par la junte militaire alors au pouvoir à Séoul) :
Je protégerai et rétablirai une république de Corée libre qui est tombé dans un abîme à travers cette loi martiale et j'éradiquerai les forces anti-étatiques qui ruinent la nation et le noyau qui a fait le mal (...) C'est une mesure inévitable pour protéger la liberté, la sécurité et la durabilité de la nation contre les forces anti-étatiques qui visent le renversement du régime.
Les forces militaires de la loi d'urgence ont tenté d'investir le Parlement mais en ont été empêchées par la majorité démocrate, soutenue par des citoyens, qui s'est barricadée.
Une mesure aussi lourde de conséquences pour la démocratie que la proclamation de la loi martiale aurait évidemment nécessité un respect des procédures. Selon l'article 77 de la Constitution, le chef de l'État doit immédiatement informer l'Assemblée nationale de la déclaration de la loi martiale et celle-ci doit être levée si une majorité de députés s'y oppose. Le choix du président Yoon de s'adresser directement au peuple en court-circuitant le Parlement relève d'un détournement de pouvoir. Le vote de refus de la loi martiale par les parlementaires est intervenu avec un soutien transpartisan, incluant les quelques députés centristes et la faction du parti Pouvoir au peuple hostile au président de la République, animée par le chef du parti, Han Dong-hoon.
Cho Kuk, qui préside le Parti de la reconstruction de la Corée (opposition, démocrate), a appelé à la destitution du Président Yoon Seok-yeol, coupable selon lui de «rébellion militaire» :
Nous ne sommes pas en état d'alerte (à l'heure actuelle) et (la déclaration de la loi martiale) n'est pas passée par une réunion du cabinet (...) Le président ne fait pas l'objet d'enquêtes pour des crimes sauf la rébellion, mais la déclaration de la loi martiale de Yoon équivaut à une rébellion militaire et doit faire l'objet d'une enquête immédiate (...) La loi martiale a été levée, mais nous devrons procéder à la destitution (de Yoon) dès que la situation se sera stabilisée.
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