Le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, le Ceta, doit être ratifié ce mercredi 17 juillet par l'Assemblée nationale. Les députés socialistes voteront contre. Dans cette tribune, ils expliquent pourquoi.
Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, secrétaire national agriculture et ruralités du Parti socialiste ; Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, premier secrétaire du Parti socialiste ; Éric Andrieu, député européen ; Laurence Dumont, députée du Calvados ; Guillaume Garot, député de la Mayenne ; Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne, présidente du groupe Socialistes et apparentés ; Boris Vallaud, député des Landes, secrétaire national au projet du Parti socialiste.
S'il ne fallait retenir que trois raisons de voter contre le Ceta [1]...
La première est le sens même de ce traité. Ses zélateurs ne cessent de vanter la mécanique de ce véhicule économique et la performance de ses équipements de sécurité. Chacun a pu observer que ces arguments ne résistent pas à un examen solide, mais l'essentiel est ailleurs. Face au péril climatique, ce traité nous conduit à contre sens des enjeux du présent. Comment justifier que cette mondialisation « shadok » contribue directement ou indirectement à plus d'insécurité sanitaire et à l'augmentation inéluctable des émissions de gaz à effet de serre ? Le libre échange sans souci de nos biens communs, c'est un peu comme choisir de jouer à la loterie plutôt que d'investir dans une assurance vie !
La deuxième tient à la remise en cause des principes même de notre État de droit. Même prétendument encadrés, les tribunaux arbitraux fragilisent les fondements juridiques de nos démocraties européennes. À l'heure où s'exprime le sentiment de perte de souveraineté populaire, l'urgence consiste au contraire à rééquilibrer puissances publiques et privées. Sur le temps long, les accords bilatéraux comme le Ceta sont doublement fragiles de par l'affaiblissement des États et l'irresponsabilité des multinationales. Dans l'attente d'une nouvelle génération de traités multilatéraux, deux garanties minimum seraient requises : une capacité d'alerte onusienne si les lignes rouges sont franchies par les contractants sous la pression du court terme et l'exercice d'un devoir de vigilance européen afin que la justice puisse être saisie par la société civile lorsqu'une entreprise ne respecte pas les règles communes.
La troisième raison tient à la question de la souveraineté alimentaire mondiale alors que le rapport de la FAO [2] publié hier nous alerte sur la progression de la faim pour la quatrième année consécutive. L'équation des terres arables et de 10 milliards d'êtres humains en 2050 est rendue plus critique encore par l'effet du climat. Nous devons pour cela mobiliser toutes les ressources agroécologiques de la planète. « Le monde aura besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde », affirmait déjà Edgard Pisani. Ce serait une folie désormais qu'une agriculture soit prédatrice d'une autre. Nous devons coopérer et réguler les marchés mondiaux pour éviter toute concurrence déloyale destructrice des communautés paysannes et des ressources alimentaires. Dans cette logique, porter atteinte au fragile équilibre économique de l'élevage à l'herbe français serait un non-sens écologique et un mépris de la dignité des hommes et des femmes qui travaillent la terre. Aujourd'hui, plus que jamais l'espace rural ne doit plus être considéré comme une périphérie ni la nourriture comme une marchandise comme les autres.
Dire non au Ceta, c'est aussi avoir le courage d'imaginer une Europe qui devienne la boussole d'une mondialisation fondée sur la justice !
[1] Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta), ou Accord économique et commercial global, AECG, est l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.
[2] Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture
Source : Courriel à Reporterre
Photo :
chapô : manifestation contre le Ceta devant le Parlement européen à Strasbourg, en février 2017. Flickr (Stop TTIP/CC BY-SA 2.0)
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