22/06/2025 ssofidelis.substack.com  10min #281986

 Trump bombarde directement l'Iran, après avoir aidé Israël à déclencher la guerre. Téhéran promet des représailles

Trump a bombardé l'Iran pour préserver la suprématie américaine et israélienne au Moyen-Orient

"Bombs Away", Digital, Dream / Dreamland v3, 2025

 Jos Baker

Trump a bombardé l'Iran pour préserver la suprématie américaine & israélienne au Moyen-Orient

Par  Dan Steinblock, le 22 juin 2025

Lorsque le président Trump a ordonné aux États-Unis d'attaquer trois sites nucléaires iraniens majeurs, une conception erronée de la sécurité nationale d'Israël s'est transformée en une vision encore plus perverse de la sécurité nationale américaine.

Il y a quelques jours à peine, le président Trump a rappelé que l'Iran ne disposerait jamais de l'arme nucléaire. Pourtant, selon les évaluations des services du renseignement américains, l' Iran était à trois ans de pouvoir produire et livrer une arme nucléaire. Alors qu'Israël préparait le terrain pour la guerre,  les États-Unis n'y croyaient pas. Seul Trump y a cru.

L'offensive israélo-américaine contre l'Iran n'a rien à voir avec les armes nucléaires. Il s'agit d'une  nouvelle guerre par procuration injustifiée. Elle vise à rétablir l'Iran d'avant 1979.

Ironiquement, l'Iran est membre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qu'Israël rejette. Comme le montre 'The Fall of Israel' (2025), la voie vers le carnage au Moyen-Orient tracée par les États-Unis et Israël a été préparée il y a près de 60 ans.

La guerre du Yom Kippour

Israël a franchi le seuil nucléaire à la veille de la guerre des Six Jours en mai 1967, lorsque le Premier ministre Levi Eshkol a secrètement ordonné aux scientifiques du réacteur nucléaire de Dimona d'assembler deux engins nucléaires rudimentaires. Ces bombes atomiques rudimentaires

"étaient prêtes à être déployées sur des camions prêts à se précipiter vers la frontière égyptienne pour être déclenchées au cas où les forces arabes submergeraient les défenses israéliennes".

À la veille du Yom Kippour en 1973, malgré des informations préalables des services du renseignement sur l'imminence d'une attaque, la Première ministre Golda Meir a décidé de ne pas lancer de frappe préventive, craignant que la réponse américaine ne soit défavorable, comme cela avait été le cas en 1956. La mobilisation s'est avérée largement insuffisante. Pendant quelques jours, Israël a été confronté à une menace existentielle.

Même le ministre de la Défense Moshe Dayan, d'ordinaire si posé, était suffisamment ébranlé pour déclarer plus tard à Meir que "c'est la fin du Troisième Temple". Il faisait référence à l'effondrement de l'État d'Israël. Mais "Temple" était également le nom de code de l'arme nucléaire.

Dans la nuit du 8 octobre, Meir et son cabinet restreint ont fait assembler treize bombes atomiques de 20 kilotonnes. Leur potentiel destructeur était supérieur à celui de la bombe atomique larguée sur Hiroshima, avec une puissance explosive équivalente à environ 15 kilotonnes de dynamite.

Au bord d'une guerre nucléaire

Les Israéliens prévoyaient d'utiliser ces bombes contre des cibles égyptiennes et syriennes si les forces arabes progressaient trop. Des fuites suggèrent que l'objectif premier était la dissuasion stratégique, mais également une "option Samson", c'est-à-dire une riposte israélienne massive potentielle en tant qu'option de "dernier recours".

À l'époque, les implications des conséquences dévastatrices de frappes nucléaires, même tactiques, étaient mal connues. Lorsque les Soviétiques ont commencé à réapprovisionner les pays arabes, en particulier la Syrie, Meir a demandé à Nixon de l'aider à fournir des équipements militaires.

Après l'alerte nucléaire totale, les Israéliens ont commencé à charger les ogives dans les avions en attente. Conscient des implications potentielles, Nixon a ordonné une opération de transport aérien stratégique à grande échelle pour livrer des armes et des fournitures à Israël. Au moment où l'aide a été livrée, Israël a pris le dessus dans la guerre.

Après ces journées qui ont frôlé le gouffre nucléaire, rien n'allait plus jamais être pareil au Moyen-Orient. L'aide militaire américaine à Israël contribua à l'embargo de l'OPEP contre les États-Unis en 1973, levé en mars 1974, puis au renversement du Shah en Iran en 1979, suivi d'une nouvelle crise pétrolière.

Ces deux crises et l'expansion économique de l'après-guerre ont pris fin avec une stagflation dévastatrice, qui a entraîné des taux d'intérêt record. Avec le déclin de l'ère keynésienne, le monétarisme s'est imposé, accompagné des campagnes de réarmement de Reagan.

Les stocks nucléaires

Selon les estimations conventionnelles, Israël disposerait d'environ 90 ogives nucléaires, ce qui ferait de ce petit pays la 9e puissance nucléaire mondiale. Cependant, les estimations non officielles varient. L'estimation conventionnelle se situe dans la fourchette basse, certains analystes suggérant que le nombre pourrait atteindre 200, voire 400 armes nucléaires. Ce dernier chiffre ferait d'Israël la quatrième puissance nucléaire mondiale, juste derrière la Russie, les États-Unis et la Chine, et devant la France, le Royaume-Uni, l'Inde et le Pakistan.

La plupart des Israéliens considèrent l'Iran comme la principale menace nucléaire. Israël dispose d'un large éventail d'armes nucléaires, tandis que l'Iran pourrait avoir enrichi suffisamment de matières nucléaires pour en fabriquer, mais on estime qu'il ne l'a pas encore fait. Si elles existaient, ces armes seraient enfouies profondément sous terre, probablement inaccessibles même en cas de frappe nucléaire. Dans un tel scénario, les grands centres civils ne seraient pas des dommages collatéraux, mais des cibles massives délibérées.

Selon certaines projections, des explosions nucléaires dans les villes densément peuplées d'Iran entraîneraient probablement des millions de morts, des dizaines de millions de blessés sans soins médicaux adéquats, une destruction dévastatrice des infrastructures municipales, une perturbation à long terme des activités économiques, éducatives et autres activités sociales essentielles, ainsi qu'un effondrement total de l'ordre public. Ces scénarios cauchemardesques incluent des patients souffrant de brûlures thermiques et d'irradiations qui devraient endurer des douleurs extrêmes sans aucun traitement.

Doctrine officielle de "l'ambiguïté nucléaire"

Officiellement, Israël pratique depuis longtemps une politique d'ambiguïté nucléaire. S'il a utilisé des fuites - destinées à la guerre psychologique - pour signaler sa dissuasion nucléaire disproportionnée, il ne confirme ni ne nie officiellement qu'il possède des armes nucléaires. En public, sa déclaration standard est que

"Israël ne sera pas le premier pays à introduire des armes nucléaires au Moyen-Orient".

Mais dans les faits, la politique israélienne est de nature préventive.

Le pays a d'abord flirté avec l'option nucléaire à la veille de la guerre de 1967. Depuis le début des années 1960, Israël s'appuie sur ce que le journaliste d'investigation Seymour Hersh a décrit comme l'option Samson. Ce terme fait référence au personnage biblique Samson qui a poussé les piliers d'un temple philistin, provoquant l'effondrement du toit. Ce faisant, il a tué non seulement ses ennemis, les Philistins, mais aussi lui-même. Il s'agit d'une stratégie de dissuasion ultime consistant en des représailles massives.

En octobre 1973, en pleine invasion égypto-syrienne, Golda Meir et Moshe Dayan ont mobilisé des ogives nucléaires en vue d'une utilisation éventuelle, ce qui a entraîné la campagne de réarmement massif du président Nixon et à l'approfondissement rapide des liens militaires bilatéraux - et finalement à la relation symbiotique dont le président Trump s'est vanté dans son commentaire dimanche à la Maison Blanche, juste après les attaques américaines contre les enclaves nucléaires iranien, soit une déclaration de guerre à l'Iran.

La doctrine Begin

En 1981, Israël a détruit le réacteur nucléaire irakien Osirak alors que le gouvernement Begin déclarait la guerre au Liban. Malgré les critiques publiques de l'administration Reagan, les États-Unis et Israël ont signé un mémorandum d'entente stratégique et ont commencé à approfondir leurs relations bilatérales en matière de défense. L'attaque d'Osirak a donné naissance à la doctrine nucléaire Begin, qui interdit à tout État régional "hostile" de se doter d'une capacité militaire nucléaire.

Begin a décrit cette frappe comme un acte "d'autodéfense anticipée dans ce qu'elle a de meilleur", la présentant comme un engagement national à long terme.

"Nous avons choisi ce moment, maintenant, et pas plus tard, car plus tard, il sera peut-être trop tard, peut-être pour toujours... Alors, ce pays et ce peuple auraient été perdus, comme après l'Holocauste. Un autre Holocauste aurait eu lieu dans l'histoire du peuple juif. Plus jamais ça, plus jamais !... Nous ne permettrons à aucun ennemi de développer des armes de destruction massive contre nous".

D'une certaine manière, la doctrine Begin reflétait la vision offensive de la sécurité nationale du parti de droite, le Likoud. Mais elle représentait également une continuité et trouve son origine au début des années 1960, avec l'opération Damoclès, la campagne secrète du Mossad visant à assassiner les scientifiques nazis travaillant pour l'Égypte afin de développer des bombes à partir de déchets radioactifs. Le légendaire chef du Mossad, Isser Harel, a recruté d'anciens nazis pour fournir des services de renseignement sur les pays arabes.

Lorsque j'ai rencontré Harel au milieu des années 1970, il a nié toutes ces histoires. Mais par la suite, il les a confirmées. L'un de ces mercenaires était le légendaire commando Waffen-SS Otto Skorzeny, qui a servi comme conseiller du président égyptien Nasser. On peut établir un lien direct entre l'opération Damoclès et l'attaque israélienne de 1981 contre le réacteur nucléaire d'Osirak en Irak, puis les assassinats ciblés de scientifiques nucléaires iraniens, en particulier depuis 2010 et jusqu'à aujourd'hui.

Le rêve messianique d'extrême droite d'"atomiser Gaza"

Un mois après l'offensive du Hamas du 7 octobre, le ministre du Patrimoine de Netanyahu, Amichai Eliyahu, a suggéré que l'une des options d'Israël dans la guerre contre le Hamas serait de larguer une bombe nucléaire sur la bande de Gaza. Lorsque l'histoire s'est répandue à l'échelle internationale, elle a été rapidement démentie par le Premier ministre Netanyahu, mais il n'a pas licencié son ministre.

L'extrême droite, représentée par Eliyahu, s'est opposée à l'acheminement de toute aide humanitaire à Gaza, affirmant que

"nous n'aurions pas fourni d'aide humanitaire aux nazis, car il n'y a pas d'innocents à Gaza".

D'une certaine manière, Eliyahu a obtenu ce qu'il souhaitait. Fin avril 2024, Israël avait largué plus de 70 000 tonnes de bombes sur Gaza, surpassant les bombardements de Dresde, Hambourg et Londres réunis durant la Seconde Guerre mondiale. Cela représente plus de 30 kg d'explosifs par personne, principalement des femmes et des enfants.

De plus, le poids des bombes nucléaires américaines larguées sur Hiroshima et Nagasaki au Japon était estimé à environ 15 000 tonnes d'explosifs. Même avant l'offensive de Rafah en mai 2024, Gaza a été bombardée près de cinq fois plus que cela. Témoignant d'une brutalité extraordinaire et d'un mépris aveugle pour la vie humaine, il s'agit d'un crime de guerre choquant sans précédent dans l'histoire récente.

"La paix par la force"

Ce qui rend le tout encore plus stupéfiant, c'est la complicité de Biden-Harris, associée à des promesses creuses selon lesquelles "nous œuvrons 24 heures sur 24 pour la paix" pendant que le monde entier regarde ailleurs.

"La paix par la force" relève du même principe que lorsque le président Trump va frapper trois sites iraniens majeurs, rejoignant ainsi ouvertement la campagne aérienne israélienne contre le programme nucléaire qu'il a soutenu jusqu'alors en secret.

Ci-gît la diplomatie américaine. Elle a été remplacée par des mensonges et une violence sans précédent dans l'histoire. Les jeux sont faits. Prétendre qu'il s'agit d'une "mission accomplie" est tout simplement inacceptable. Le carnage n'est pas terminé. Il ne a fait que commencer.

Traduit par  Spirit of Free Speech

*  Dan Steinbock est l'auteur de  The Fall of Israel(La chute d'Israël). Il est le fondateur du Difference Group et a travaillé à l'India, China and America Institute (États-Unis), au Shanghai Institute for International Studies (Chine) et à l'EU Center (Singapour). Pour en savoir plus, consultez  differencegroup.net

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