Par Niles Niemuth
21 juin 2019
Le président américain Donald Trump a annoncé dans un tweet lundi soir que l'ICE (l'agence des Douanes et Immigration) se préparait à lancer des rafles de masse dès la semaine prochaine pour regrouper et expulser des millions d'immigrés sans papiers.
« La semaine prochaine, ICE entamera le processus d'expulsion des millions d'étrangers en situation irrégulière qui se sont introduits illégalement aux Etats-Unis », a déclaré Trump. « On les extraira aussi vite qu'ils entrent » Cette annonce est un appel à sa base fascisante, un jour avant le lancement officiel de sa campagne de réélection, lors d'un meeting mardi à Orlando, en Floride.
Trump y a accusé la « migration illégale massive », les « membres de gangs dangereux » et les « villes sanctuaires » de menacer le bien-être des citoyens américains. « Nous faisons des choses que peu d'autres ont même essayé de faire, et nous progressons comme personne ne le croirait », a déclaré Trump. « Nous croyons que notre pays devrait être un sanctuaire pour les citoyens respectueux de la loi, pas pour les criminels étrangers. »
Équipe d'intervention spéciale (SRT) de l'agence Homeland Security Investigations (HSI) dépendant de l'ICE, participant à un entrainement avec véhécule blindé à Fort Benning en Georgie [Source: U.S. Immigration and Customs Enforcement]
Trump a ajouté que sa campagne électorale était un rempart contre « le socialisme radical et la destruction du rêve américain », un thème qui fait désormais partie intégrante de tous les discours du président.
« C'est pour de vrai et pour qu'on le voie », a déclaré mardi au Los Angeles Times unresponsable anonyme de la campagne électorale de Trump au sujet des menaces d'expulsion. « Il y en a plus d'un million ici avec des ordonnances d'expulsion définitives, et nous les poursuivons à peine. »
Un autre responsable anonyme du gouvernement Trump a confirmé au Los Angeles Times que cette agression massive commencerait par cibler plus d'un million d'immigrants faisant l'objet d'une mesure de renvoi mais n'ayant pas été arrêtés par des agents fédéraux.
Le responsable s'est plaint amèrement que les ordonnances d'expulsion, « étaient obtenues à grands frais de ressources et de temps et pourtant, les étrangers en situation irrégulière refusaient non seulement de comparaître au tribunal, mais obtenaient souvent de fausses identités, percevaient l'aide sociale et travaillaient illégalement aux USA».
Trump a à souvent dénoncé les immigrants comme des « envahisseurs » et des criminels afin de 'chauffer' sa base d'extrême droite et de justifier la détention de milliers de pères, mères et enfants.
L'arrestation et la détention de millions d'immigrants dans un réseau tentaculaire de camps de concentration marqueraient une escalade significative de la guerre de Trump contre les immigrants. Cela exigerait la loi martiale de fait dans toutes les grandes villes, faisant subir des rafles à une partie importante de la classe ouvrière dans une mobilisation de type militaire interne sans précédent dans l'histoire américaine. Une telle opération éclipserait le rassemblement et l'internement de 120 000 Américains d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les réticences apparentes des chefs du département de la Sécurité intérieure et de l'ICE à un plan visant à rassembler 10 000 parents et enfants dans les dix plus grandes villes du pays avaient conduit à leur limogeage plus tôt cette année. Trump avait expliqué à l'époque qu'il voulait aller dans une direction plus «dure» dans sa répression des immigrés.
Si trois millions de personnes ont été déportées sous Barack Obama entre 2009 et 2016, un record dans l'histoire américaine, il n'y a pas de précédent pour la déportation de millions de personnes en une seule année. Le plus grand nombre de déportations en une seule année a eu lieu en 2012, où plus de 400 000 personnes ont été expulsées du pays.
Selon les dernières estimations, 10,5 millions de personnes aux États-Unis sont des immigrants non autorisés, soit plus de trois pour cent de la population totale du pays. Au moins 7,6 millions d'immigrants sans papiers sont employés, ce qui représente près de 5 pour cent de la main-d'œuvre nationale.
La détention en masse de millions d'immigrés sans papiers aurait un impact direct sur des millions d'autres, y compris leurs enfants, dont beaucoup sont citoyens, ainsi que leurs collègues. Les villes avec de grandes communautés d'immigrés sans papiers, notamment New York, Los Angeles, Houston, Dallas et Miami, seraient particulièrement touchées.
Les communautés agricoles et l'industrie de la viande dans les zones rurales américaines où les travailleurs sans papiers, qui suivent de manière itinérante les récoltes saisonnières, sont employés de manière disproportionnée, subiraient elles aussi un fort choc.
Trump n'a donné aucune indication sur comment ces raids de masse auraient lieu, ni dit comment les victimes seraient détenues avant la déportation. Les États-Unis exploitent déjà le plus grand réseau de détention d'immigrants au monde, avec près de 1 000 sites dans tout le pays, possédés par le gouvernement fédéral ou confié sous-traités par lui.
Le réseau existant de camps de concentration pour migrants a déjà presque atteint sa capacité maximale, 52 000 personnes y étant détenues chaque nuit. Le Pentagone a annoncé la semaine dernière qu'un centre de détention pour 1 400 enfants serait exploité à la base militaire de Fort Sill à Lawton, dans l'Oklahoma, site d'un camp d'internement japonais pendant la Seconde Guerre mondiale.
Combien de camps de concentration supplémentaires seront construits pour accueillir des millions de personnes? Combien de gardes supplémentaires seront embauchés? Pour l'instant, l'administration Trump n'a pas divulgué ces détails.
Alors que Trump prépare une répression interne encore plus large, le gouvernement mexicain a proposé ses services en tant qu'exécuteur étranger de sa politique. Il empêche les migrants et les demandeurs d'asile de franchir sa frontière avec les États-Unis et renvoie des milliers de gens à la misère et la violence qu'ils avaient fuies dans leurs pays.
« Le Mexique, utilisant ses lois strictes en matière d'immigration, réussit très bien à arrêter les gens bien avant d'arriver à notre frontière méridionale », s'est vanté Trump dans son tweet de lundi, faisant référence à l'accord conclu avec le gouvernement d'Andrés Manuel López Obrador (AMLO), qui inclut le déploiement de milliers de soldats pour harceler et arrêter les demandeurs d'asile venant d'Amérique centrale.
«Le Guatemala se prépare à signer un accord sur la sécurité des tiers. Les seuls qui ne veulent rien faire sont les démocrates au Congrès. Ils doivent voter pour éliminer les failles et sévir sur l'asile! Comme ça, la crise à la frontière serait vite finie! »
Loin de bloquer l'attaque des immigrés par Trump, les démocrates en sont complices. Ils concentrent leur opposition sur la politique étrangère et le dénoncent comme larbin du président russe Vladimir Poutine. Ils ont accepté la déclaration d'état d'urgence de Trump pour utiliser des fonds du Pentagone, construire un mur le long de la frontière avec le Mexique et déployer des milliers de soldats aux États-Unis mêmes.
CNN a rapporté mardi que les sénateurs démocrates avaient conclu un accord avec leurs homologues républicains visant à injecter 4,6 milliards de dollars dans l'appareil de détention et d'expulsion.
Le soutien populaire aux immigrants est important. Un sondage récent de Pew révèle que 62 pour cent des Américains pensent que les migrants renforcent le pays. Ce sentiment ne peut être mobilisé dans une direction progressiste qu'en s'opposant à l'ensemble du système politique. Cela signifie une rupture avec les démocrates et une lutte pour le socialisme visant à unir la classe ouvrière au-delà de frontières internationales artificielles.
Les travailleurs et les jeunes doivent se mobiliser pour la défense de leurs frères et sœurs par des grèves, des sit-in et des manifestations de masse afin de stopper le programme fascisant de Trump. Les tactiques utilisées pour attaquer les immigrés sans papiers et les demandeurs d'asile aujourd'hui seront utilisées demain contre toute la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 19 juin 2019)