Journal dde.crisis de Philippe Grasset
24 Décembre 2020 - Depuis quelques temps, disons quelques semaines, je médite de faire une mise au point sur ma perception de Trump, plus par rapport à la perspective longue que dans le cadre du désordre post-3-novembre, qui est une sorte de désordre spécifique, qui n'est possible que dans cette période. Auparavant il y eut une autre sorte de désordre ; demain, ce sera une autre encore ; mais toujours le désordre...
La préoccupation qui m'est venue est que l'on pourrait croire, à considérer la façon dont l'on suit sur ce site l'année de l'élection et la post-élection (RapSit-USA2020), que l'on serait partisan de Trump. Cette impression, si c'est le cas, s'il y a cette impression, vient essentiellement de l'antipathie profonde que l'on éprouve et que je partage pour la pourriture-Biden et sa corruption, pour les fraudeurs-démocrates et leur corruption. D'autre part, la façon dont la presseSystème traite Trump, le rejetant 'à l'insu de soin plein gré'dans l'antiSystème, effectivement tendrait à me conduire de son côté.
En attendant de revenir sur ce propos, et parce qu'il est plus logique de citer d'abord ce qui suit, il y a des positions indépendantes radicales concernant Trump qui m'invitent encore plus à expliciter ma position. Ainsi du commentaire de l'excellente Caitline Johnstone qu'on a souvent citée, cette fois avec son texte au titre parlant, sur RT.com : « EVERYONE was wrong about Trump. »
« Les partisans de Donald Trump disent qu'il a drainé le marigot (Washington D.C.) et mis fin aux guerres. Ses adversaires disent qu'il était une marionnette de Poutine et une réincarnation d'Hitler. Les deux ont tort.
» Après des semaines de spéculations et d'espoirs désespérés que Donald Trump se préparerait à gracier le lanceur d'alerte de la NSA Edward Snowden et/ou le fondateur de WikiLeaks Julian Assange avant de quitter son poste le 20 janvier 2021, la dernière série de grâces présidentielles nous a renvoyés aussi loin que possible de cette attente.
» "Lors d'un audacieux cycle de grâces avant Noël, le président Trump a accordé mardi la clémence à deux personnes condamnées dans le cadre de l'enquête du conseil spécial Mueller) sur la Russie, à quatre employés de Blackwater condamnés pour le meurtre de civils irakiens et à trois anciens membres républicains corrompus du Congrès", rapporte le New York Times.
» Je n'ai probablement pas besoin de le dire à mes lecteurs habituels, mais un pardon de Trump pour Assange et Snowden n'est certainement pas prévu. Trump n'a fait que protéger le statu quo impérial pendant toute la durée de son mandat et un pardon pour l'un ou l'autre de ces héroïques défenseurs de la transparence gouvernementale serait une déviation de ses modèles établis, comme il n'en a jamais fait la démonstration pendant son mandat. Il est bon de faire pression sur les politiciens pour qu'ils fassent ce qu'il faut, même s'ils ne le feront probablement pas, mais il y a fort à parier qu'il ne fera rien.
» Le mandat de Trump a révélé que pratiquement tout le monde, dans l'ensemble du spectre politique américain, s'est trompé à son sujet. Et c'est un témoignage de la puissance des chambres d'écho des médias : pour la plupart, ils se trompent toujours autant sur lui qu'il y a quatre ans. (...)
»... On mesure que tout le monde, - à gauche, à droite et au centre, - avait tort à propos de Trump. Il n'est ni un monstre maléfique (il n'est incontestablement pas aussi mauvais que Bush), ni un héros populiste drainant le marigot et luttant pour le citoyen contre l'État profond.
» En réalité, le mandat de Trump a clairement établi ce qu'il était vraiment pendant tout ce temps : un président des États-Unis. Mieux que certains, pire que d'autres, mais aussi profondément malfaisant dans tous ses actes puisqu'il a volontairement servi de courroie de transmission à la force la plus malfaisante et la plus destructrice de la planète qu'est le gouvernement des États-Unis. Il était du même genre de monstre que ses prédécesseurs.
» Trump était un président américain d'une dépravation assez moyenne, avec une superposition massive de narrative à son propos entassées par les médias partisans de tous bords. En réalité, il était à peu près ce que vous obtiendriez si vous preniez n'importe quel baby-boomer américain moyen qui regarde Fox News et insulte Obama à la télévision, s'enrichit et se fait nommer président.
» C'est ce qu'est et a été Trump. Rien de plus extraordinaire que cela. Ce n'est que l'efficacité des chambres d'écho de la communication et la tendance humaine à préférer la narrative aux faits qui empêchent nombre de personnes de voir cela.
» Il s'en va, avec ses crimes imaginaires toujours considérés comme réels et ses crimes réels complètement ignorés. L'humanité ne pourra pas créer un monde sain tant que nous ne trouverons pas un moyen de transcender notre relation malsaine et délirante avec les narrative qui obscurcissent si facilement notre perspective de ce qui se passe réellement. »
Alors, que dire, sinon que, pour une fois, je suis en profond désaccord avec Caitline Johnstone ?... On voit ça plus loin ; d'abord et à la lumière de son propre texte, il est bon que j'explicite d'une façon précise ma position, qui pourrait être nommée 'la théorie du Cocktail-Molotov'. J'écrivais plus haut à propos de mon attitude vis-à-vis de l'évolution des choses, notamment que la séquence commencée le 3 novembre a conduit à ceci : "J'ai paru à certains moments prendre Trump au sérieux".
Il y a, sur mon compte et dans ce cas, un élégant mélange de vrai et de faux. On l'explique aisément par la logique que j'affectionne, établie entre tactique et stratégie : plutôt du côté de Trump depuis le 3 novembre, par hostilité extrême de Biden, par écœurement non feint devant l'incroyable suffisance, l'impudence à ne pas croire des fraudeurs, des auteurs de la fraude du Siècle ; par conséquent effectivement du côté de Trump puisque son action continuait à largement contribuer à répandre le désordre dans la machine bien huilée et totalement impudente du Système. Cela pour la tactique.
Pour la stratégie, je ne sais pas s'il n'est pas préférable que Trump s'en aille, en espérant qu'il jouera s'il reste actif, un rôle dans l'opposition de trublion (producteur de désordre) en attendant 2024, voire pour lutter contre une possible tentative de condamnation des démocrates, et dans tous les cas pour hâter à une mobilisation très sérieuse des conservateurs contre Biden ; jusqu'à, pour ces derniers, aller dans la rue et pousser à la sécession, c'est-à-dire, qu'on le veuille ou non, une mécanique en marche contre un régime discrédité, démocratie détruite par la fraude systémique des élections. En même temps, avec Biden-titubant au pouvoir, Harris dans l'antichambre qui perd patience, l'ultragauche du parti type ' Squad'qui n'en peut plus d'attendre les lendemains qui chantent, le désordre pétrolerait encore mieux.
La vérité-de-situation est que Trump ne m'intéresse guère en tant que président et ce qu'il peut faire comme tel ; qu'il m'intéresse essentiellement en tant qu'il est producteur de désordre, et le fait qu'il l'a été encore depuis le 3 novembre a agi largement pour que je plaide souvent de son côté qui rencontrait la logique antiSystème. Cette idée de Trump produisant du désordre et donc antiSystème temporairement par enchaînement de logique, et donc absolument admirable pour cela et pour cela seulement, cette idée a toujours été présente dans dedefensa.org depuis l'apparition de la bestiole sur le champ de course USA2016 : voyez le 22 juillet 2015, un gros mois après l'annonce de sa candidature, avec des sondages très favorables ; voyez aussi, plus près de nous, avec la constance d'une appréciation qui s'est toujours imposée à moi en analyse finale, malgré l'un ou l'autre ronchonnement, malgré l'un ou l'autre acte apparemment constructif, ce texte du 18 mars 2019, au titre évocateur : « Trump et le désordre-bouffe », où l'on pouvait lire notamment :
« Dans un texte sur Strategic-Culture.org, Patrick Armstrong analyse les "mystères de Trump", dont ce monument d'incompétence de la subversion que constitue l'attaque contre le Venezuela ("Une performance si inepte que même le NYT est en train de perdre son enthousiasme"). Il a choisi un titre ambigu en anglais ("The Trump Mysteries: Inconsistent Inconsistencies"), qui suggère une adaptation parfaite pour mon propos : "Les incohérences des incompétences" ; c'est-à-dire, si l'on pousse le propos, "le désordre du développement du désordre", qui voudrait dire une incompétence par désordre dans l'"organisation" du désordre...
» Tout cela est bourré d'oxymores, sans aucun doute, mais ce personnage est lui-même une sorte d'oxymore-postmoderne, un oxymore-bouffe si vous voulez. Une psychologie de l'instant, des décisions dans l'instant, des réactions instantanées, et tout cela sans aucun suivi puisque nous sommes dans l'instant, dans le Big Now. Rien n'est organisé ni structuré, même le désordre, - surtout pas le désordre laissé au désordre, et tout cela en désordre. Trump, archétype de la production sans la moindre préoccupation morale de la cupidité du Système, est une géniale trouvaille du Ciel pour dynamiter le Système de l'intérieur, du fait d'un de ses représentants agissant sans la moindre préoccupation de tout ce qui n'est pas Big Now. Non seulement cocktail-Molotov lancé contre le Système, comme disait si finement Michael Moore, car l'on survit à un cocktail-Molotov ; bien plus, une Arme de Destruction Massive mise au cœur du Système, et qui n'en finit pas d'exploser avec tous les dégâts qui vont avec, qui ira jusqu'au bout de la 'destruction Massive'. »
Aussi vais-je en revenir à Johnstone, et l'on comprend aussitôt en quoi je diffère d'elle dans son propos. Trump en Hitler 2.0, ou en Robin des bois du populisme, laissons de côté ; rien de cela ne m'intéresse, parce que rien de cela n'est réalisable, par Trump ou par n'importe quel autre dans l'état actuel de puissance figée du Système, mais encore rien de cela n'est réalisable sinon en narrative. A ce point, on voit Johnstone se désoler du fait que toutes ces croyances ont été imposées, justement par des narrative incroyables, dans un sens ou l'autre ; et d'ardemment souhaiter trouver « un moyen de transcender notre relation malsaine et délirante avec les narrative qui obscurcissent si facilement notre perspective de ce qui se passe réellement ».
Mais non, justement ! Car nous ne pouvons vaincre qu'en utilisant le feu contre le feu (l'art du contre-feu), en "faisant aïkido" ; nous ne pouvons vaincre qu'en utilisant, autant de fois qu'il le faudra, l'arme de la narrative du Système, mais la retournant contre lui. Trump a été la plus formidable narrative antiSystème pendant ces 4 dernières années, avec prolongation dans l'après-élection, - d'ailleurs sans savoir encore précisément ce qu'il en sortira. Il a créé un paysage si dévasté qu'on trouve partout des pistes de narrative qui peuvent nous convenir contre le Système.De plus et par pur sens de l'équité, je dois reconnaître que les démocrates, emportés par une démence extraordinaire sinon extraterrestre, nous en fournissent quelques-unes de fameuse ; avec un président présomptif absolument gâteux et à qui il reste la capacité de faire des gaffes monumentales (spécialité de Biden, en plus de sa corruption) ; avec un courant révolutionnaire marxiste-sociétal complètement incontrôlable et arrosé de $milliards des grosses bourses progressistes ; avec des liens de compromission avec la Chine gros comme des cables d'amarrage ; avec une presseSystème qui a guillotiné d'un coup sec le Quatrième Pouvoir et la liberté de la presse, sous l'œil attentif des deux sans-culottes préposés à l'exécution, monsieur Washington Post et 'The Grey Lady', la vieille fille NYT ; avec une agitation et des jeux de corruption et de tromperie au niveau des États qui ont démesurément renforcé les pouvoirs locaux et l'appétit de sécession ; avec une Cour Suprême complètement délégitimée et, particulièrement, le grand et important Texas qui pourrait bien un jour prochain marcher vers son indépendance.
Tout ça est plus ou moins un legs de Trump, y compris les folies démocrates qui se sont nourries à la haine formidable qu'a suscitée ce président. Comme résultat de la marée déferlante de désordre qu'il a fait déferler aux USA depuis 2015, je trouve que ce n'est pas rien. Même si son temps a passé, qu'il est au bout de son parcours (là aussi avec les réserves d'usage et l'interrogation pour 2024) et qu'il doit laisser son emploi de Monsieur Loyal du Barnum, remplacée éventuellement par un sémillant OVNI-toussotant sorti d'un EPAD, il a tout de même largement mérité de l'antiSystème dont on sait que son action n'utilise que ce qui lui est favorable, pour passer à autre chose lorsque la séquence est terminée... Il y a plein d'"autres choses" qui attendent.