
Par Chris Hedges, le 12 juillet 2025
Le refus de l'administration Trump de divulguer les dossiers et les vidéos sur Epstein tend non seulement à protéger Trump, mais tout autant la classe dirigeante. Ils font tous partie du même club.
Le refus de l'administration Trump de divulguer les dossiers et les vidéos accumulés durant les enquêtes sur les activités du pédophile Jeffrey Epstein sonne le glas de l'idée absurde, soutenue par les partisans de Trump et les libéraux crédules, selon laquelle Trump démantèlerait l'État profond. Il est impliqué dans cette cabale répugnante de politiciens, démocrates et républicains, de milliardaires et de célébrités, qui nous considèrent, ainsi que souvent des filles et des garçons mineurs, comme des marchandises exploitables à des fins lucratives ou pour leur divertissement personnel.
La liste des personnes gravitant autour d'Epstein est un véritable Who's Who des riches et des puissants. On y trouve non seulement Trump, mais aussi Bill Clinton, qui aurait voyagé en Thaïlande avec Epstein, le prince Andrew, Bill Gates, le milliardaire des fonds spéculatifs Glenn Dubin, l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson, l'ancien secrétaire au Trésor et ancien président de l'université Harvard Larry Summers, le psychologue de la cognition et auteur Stephen Pinker, ainsi qu' Alan Dershowitz, le milliardaire et PDG de Victoria's Secret, Leslie Wexner, l'ancien banquier de Barclays, Jes Staley, l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak, le magicien David Copperfield, l'acteur, Kevin Spacey, l'ancien directeur de la CIA Bill Burns, le magnat de l'immobilier Mort Zuckerman, l'ancien sénateur du Maine George Mitchell, et le producteur hollywoodien déchu Harvey Weinstein, tous adeptes des bacchanales permanentes d'Epstein.
Y figurent également des cabinets d'avocats et des juristes de renom, des procureurs fédéraux et d'État, des détectives privés, des assistants personnels, des professionnels de la publicité, des majordomes et des chauffeurs. Sans oublier de nombreux proxénètes, dont la petite amie d'Epstein, Ghislaine Maxwell, la fille de Robert Maxwell. Mais aussi des médias et des politiciens coupables d'avoir discrédité et fait taire les victimes avec la plus grande des cruautés, et d'avoir fait usage de la force, notamment une poignée de journalistes téméraires, sur tous les téméraires désireux de révéler les crimes d'Epstein et de ses complices.
De nombreuses zones d'ombre subsistent. Mais certains faits sont avérés. Epstein avait installé des caméras espion dans ses somptueuses résidences et sur son île privée des Caraïbes, Little St. James, pour filmer ses amis influents se livrant à des orgies et à des abus sexuels sur des adolescentes et des adolescents mineurs. Ces enregistrements étaient une mine d'or côté chantage. Les services de renseignement israéliens, le Mossad, étaient-ils impliqués ? Ou servaient-ils à garantir à Epstein un flux constant de millionnaires qui lui versaient des sommes colossales pour rester dans l'ombre ? Ou servaient-ils les deux objectifs ? Il faisait circuler des filles mineures entre New York et Palm Beach dans son jet privé, le Lolita Express, équipé d'un lit dédié aux orgies. Le nom de certains de ses amis célèbres, comme Bill Clinton et Donald Trump, a été plusieurs fois noté dans les registres de vol rendus publics, même si de nombreux autres se sont évaporés.
Les vidéos d'Epstein seraient conservées dans les coffres du FBI, ainsi que des preuves détaillées exposant les penchants sexuels et la cruauté des puissants. Je doute qu'une telle liste existe, comme l'affirme la procureure générale Pam Bondi. Pas plus qu'un dossier unique sur Epstein. Les pièces de l'enquête sur Epstein s'entassent dans une multitude de boîtes au point d'ensevelir le bureau de Bondi. Si elles étaient rassemblées dans une seule pièce, elles prendraient probablement toute la place.
Epstein s'est-il suicidé, comme le prétend le rapport d'autopsie officiel, en se pendant dans sa cellule le 10 août 2019, au Metropolitan Correctional Center de New York ? Ou a-t-il été assassiné ? Comme les caméras de surveillance de sa cellule étaient hors service cette nuit-là, nous n'en savons rien. Michael Baden, médecin légiste mandaté par le frère d'Epstein, ex-médecin légiste en chef de la ville de New York et présent lors de l'autopsie, estime qu'elle suggère plutôt un homicide.
L'affaire Epstein bouleverse le mythe des clivages insurmontables entre les Démocrates, qui n'avaient pas plus intérêt que Trump à divulguer les dossiers Epstein, et les Républicains. Ils font partie du même club. Elle témoigne de la collusion entre justice et forces de l'ordre pour protéger les personnalités puissantes coupables de crimes. Elle expose la dépravation de notre classe dirigeante décomplexée, convaincue de son impunité, libre de violer, piller, saccager et s'en prendre aux faibles et aux vulnérables. Voilà le bilan sordide de nos maîtres oligarchiques, dépourvus de toute honte ou culpabilité, incarnés par Donald Trump ou Joe Biden.
Cette classe de parasites au pouvoir a été parodiée dans le roman satirique du Ier siècle Satyricon de Gaius Petronius Arbiter, écrit sous les règnes de Caligula, Claude et Néron. À l'instar du cercle d'Epstein, le Satyricon est l'univers de pseudo-intellectuels, de bouffons prétentieux, d'escrocs, de petits criminels, de riches voraces et de dépravés sexuels. Epstein et son cercle d'initiés se livraient régulièrement à des perversions sexuelles dignes de Pétrone, comme le rapporte Julie Brown, journaliste d'investigation au Miami Herald, dont les reportages méticuleux ont largement contribué à la réouverture de l'enquête fédérale sur Epstein et Maxwell dans son livre " Perversion of Justice: The Jeffrey Epstein Story".
Brown raconte qu'une femme anonyme utilisant le pseudonyme "Kate Johnson" a porté plainte en 2016 devant un tribunal fédéral de Californie, affirmant avoir été violée par Trump et Epstein pendant quatre mois, de juin à septembre 1994, alors qu'elle n'avait que treize ans.
"J'ai imploré Trump en pleurant de s'arrêter", a-t-elle déclaré lors du procès. "Trump a répondu à mes supplications en me giflant violemment et en hurlant qu'il était tout-puissant".
Brown poursuit :
"Elle a raconté avoir été invitée par Epstein à une série de"fêtes sexuelles avec des mineurs"dans son manoir de New York, où elle a rencontré Trump. Séduite par des"promesses d'argent et l'opportunité de devenir mannequin", Johnson affirme avoir été contrainte de coucher avec Trump à plusieurs reprises, dont une fois avec une autre fille de douze ans qu'elle a appelée"Marie Doe"."D'après la plainte déposée le 26 avril devant le tribunal fédéral de Californie centrale, Trump aurait exigé une fellation, puis "éconduit les deux mineures et les aurait vertement réprimandées pour la 'mauvaise' performance sexuelle".
"Plus tard, quand Epstein a su que Trump avait défloré Johnson, il aurait tenté de la frapper au visage à coups de poing, furieux de ne pas avoir été le premier. Johnson a affirmé que les deux hommes l'ont menacée, elle et sa famille, de représailles si elle révélait ce qui s'était passé".
La plaignante affirme que Trump ne participait pas aux orgies d'Epstein, mais qu'il aimait simplement regarder, surtout lorsque la jeune "Kate Johnson", âgée de treize ans, lui faisait une fellation.
Trump aurait réussi à faire annuler la plainte en achetant le silence de Johnson. Depuis, elle a disparu.
En 2008, Alex Acosta, alors procureur fédéral pour le district sud de la Floride, a négocié un accord de plaidoyer pour Epstein. Cet accord accordait l'immunité à Epstein, à quatre de ses complices nommés et à tout "complice potentiel" non nommé pour toutes les accusations criminelles fédérales. Cet accord a mis fin à l'enquête du FBI menée pour identifier d'éventuelles autres victimes et personnalités influentes ayant participé aux crimes sexuels d'Epstein. Il a ainsi suspendu l'enquête et scellé l'acte d'accusation. Dans ce que beaucoup qualifient d'acte de gratitude, Trump a nommé Acosta secrétaire du Travail lors de son premier mandat.
Après l'arrestation de Ghislaine Maxwell en juillet 2020, Trump a envisagé de la gracier, craignant qu'elle ne révèle des détails sur son amitié de longue date avec Epstein, selon le biographe de Trump, Michael Wolff. En juillet 2022, Maxwell a été condamnée à 20 ans de prison.
"Jeffrey Epstein était très proche de Donald Trump... ces deux-là étaient inséparables depuis une bonne quinzaine d'années".
"Ils étaient inséparables", a déclaré Wolff à une animatrice du podcast The Daily Beast. "De la chasse aux femmes au partage d'une petite amie, en passant par la fraude fiscale, ils partageaient tout".
Les irrégularités juridiques, notamment la disparition d'importantes pièces à conviction incriminant Epstein, lui ont permis d'échapper aux accusations fédérales de trafic sexuel en 2007, lorsque ses avocats ont négocié un accord secret avec Acosta. Il a pu plaider coupable d'accusations moins lourdes portées par l'État pour proxénétisme sur mineure.
Les figures influentes accusées d'avoir pris part au réseau pédophile d'Epstein, dont son avocat Dershowitz, n'hésitent pas à menacer quiconque tente de les dénoncer. Dershowitz affirme notamment qu'une enquête menée par l'ancien directeur du FBI, Louis Freeh, qu'il a refusé de rendre publique, prouve qu'il n'a jamais eu de relations sexuelles avec Virginia Giuffre, une victime des réseaux de prostitution à l'âge de 17 ans, puis mise à disposition du prince Andrew. Giuffre, l'une des rares victimes à avoir publiquement dénoncé ses agresseurs, a raconté avoir été "passée de main en main comme on passe un plateau de fruits" entre les amis d'Epstein et de Maxwell, jusqu'à ce qu'elle échappe à leur emprise à l'âge de 19 ans. Elle s'est " suicidée" en avril 2025. Dershowitz a multiplié les menaces à l'encontre de Brown et de ses rédacteurs en chef du Miami Herald.
Brown poursuit :
"Dershowitz n'a cessé de mentionner ces documents scellés. Il a accusé le journal de ne pas relater les"faits"qui, selon lui, sont consignés dans ces documents. La vérité, comme j'ai tenté de l'expliquer, c'est que les journaux ne peuvent pas aborder des sujets simplement parce qu'Alan Dershowitz affirme qu'ils existent. Il faut voir ces documents. Il faut les vérifier. Puis, parce que j'ai dit :"Montrez-moi les documents", il m'a publiquement accusée d'avoir enfreint la loi en lui demandant de sortir des documents sous scellés judiciaires."Voilà les méthodes d'Alan Dershowitz.
"Ce qui me dérange le plus chez lui, c'est l'absence de remise en question critique de ses propos par les médias, à quelques exceptions près. Les journalistes vérifient les faits rapportés par Donald Trump et d'autres membres de son administration presque tous les jours, mais dans l'ensemble, les médias semblent donner carte blanche à Dershowitz dans l'affaire Epstein.
"En 2015, lorsque les allégations de Giuffre ont été rendues publiques pour la première fois, Dershowitz est apparu dans toutes les émissions de télévision possibles et imaginables, jurant notamment que les registres de vol d'Epstein l'innocenteraient. « Comment le savez-vous ? » lui a-t-on demandé.
"Il a répondu qu'il n'avait jamais pris l'avion d'Epstein à cette période.
"Or, une simple vérification des registres aurait révélé qu'il était bien passager de l'avion sur cette période.
"Il a ensuite déclaré sous serment qu'il n'avait jamais pris l'avion sans sa femme. Or, il figurait sur les listes de passagers en tant que voyageur solo à plusieurs reprises. Lors d'au moins un voyage, il se trouvait dans l'avion avec un mannequin nommé Tatiana".
Epstein a fait un don à Harvard et a été nommé chercheur invité au département de psychologie de l'université, bien qu'il n'ait aucune qualification dans ce domaine.
Il a reçu une carte d'accès, un code et un bureau dans le bâtiment abritant le programme de dynamique évolutive de l'université. Dans ses communiqués de presse, il se présentait comme "Jeffrey Epstein, philanthrope des sciences", "Jeffrey Epstein, militant pour l'éducation", "Jeffrey Epstein, évolutionniste", "Jeffrey Epstein, mécène des sciences" ou encore "Jeffrey Epstein, gestionnaire de fonds spéculatifs non-conformiste".
Epstein, personnage prétentieux et superficiel digne de la parodie du chapitre "Le dîner chez Trimalcion" du Satyricon, organisait des dîners sophistiqués pour ses amis milliardaires, dont Elon Musk, Salar Kamangar et Jeff Bezos. Il concevait des projets d'ingénierie sociale étranges, comme un plan visant à disséminer son propre ADN dans l'espèce humaine en créant une nurserie dans son immense ranch du Nouveau-Mexique.
"Epstein était également obsédé par la cryogénisation, une croyance transhumaniste selon laquelle les gens peuvent être répliqués ou ramenés à la vie après avoir été congelés",
écrit Brown. Il aurait notamment confié à certains membres de son cercle de scientifiques qu'il souhaitait inséminer des femmes avec son sperme pour qu'elles donnent naissance à ses enfants, et faire congeler sa tête et son pénis.
L'histoire d'Epstein illustre la faillite morale, l'hédonisme et la cupidité de la classe dirigeante. Ce phénomène transcende les clivages politiques. C'est le dénominateur commun entre les politiciens démocrates comme Bill Clinton, les philanthropes comme Bill Gates, la classe des milliardaires et Trump. Ils forment une classe de prédateurs et d'escrocs. Leur prédation ne s'arrête pas aux filles et aux femmes, elle nous concerne tous.
Traduit par Spirit of Free Speech
The Chris Hedges Report
Trump, Epstein and the Deep State
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